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[1996] 1 C.F. 367

T-1229-95

Interprovincial Pipe Line Inc. et IPL Energy Inc. (requérantes)

c.

Ministre du Revenu national (intimé)

Répertorié : Interprovincial Pipe Line Inc. c. M.R.N. (1re inst.)

Section de première instance, juge Gibson—Calgary, 5 septembre; Ottawa, 13 octobre 1995.

Impôt sur le revenu Pratique Communications privilégiéesRequête en vertu de l’art. 232 de la Loi de l’impôt sur le revenu visant à déterminer si le privilège des communications entre client et avocat a été validement invoqué à l’égard de notes des vérificateurs et d’avis fournis à l’avocat des requérantes aux fins d’avis juridiqueLes requérantes ont volontairement divulgué des renseignements aux vérificateurs, sous réserve de limites convenues verbalement, en conformité avec l’art. 170 de la Loi canadienne sur les sociétés par actionsLa renonciation est une question d’intentionLes requérantes n’avaient l’intention de divulguer les renseignements privilégiés que pour faciliter la vérificationIl y a eu renonciation à cette fin limitéeLes vérificateurs n’avaient pas le pouvoir de renoncer au privilège au nom des requérantesIl serait souhaitable de procéder par déclaration écrite d’intention et de prévoir des dispositions formelles concernant les notes des vérificateurs.

Corporations En vertu de l’art. 170 de La Loi canadienne sur les sociétés par actions, une société est tenue d’accéder à toute demande de documents du vérificateurLes vérificateurs n’ont pas invoqué directement l’art. 170, mais les requérantes en connaissaient l’existence ainsi que les droits qu’il conférait aux vérificateurs, et elles ont volontairement divulgué des renseignements protégés par le privilège des communications entre client et avocat, sous réserve de limites convenues verbalementL’art. 170 devrait être invoqué uniquement de manière à limiter le privilège à ce qui est absolument nécessaireIl doit être interprété restrictivement.

Il s’agit d’une requête présentée en vertu de l’article 232 de la Loi de l’impôt sur le revenu visant à déterminer si l’on peut valablement invoquer le privilège des communications entre client et avocat à l’égard de deux groupes de documents : (1) les notes prises par les vérificateurs au cours de la vérification des requérantes, et (2) des documents échangés entre les bureaux d’Edmonton et de Toronto des vérificateurs concernant des avis fournis par ces derniers à un avocat indépendant dont les requérantes avaient retenu les services afin qu’il leur fournisse un avis juridique. Rien dans la preuve n’indique que les requérantes connaissaient l’existence des documents de la seconde catégorie. Dans le cadre de la vérification, les vérificateurs étaient autorisés à se fonder sur le paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (suivant lequel une société doit accéder à toute demande de documents du vérificateur). Le paragraphe 170(1) n’a pas été invoqué directement, mais les requérantes en connaissaient l’existence ainsi que les droits qu’il conférait au vérificateur, et elles ont volontairement divulgué des renseignements protégés par le privilège des communications entre client et avocat, sous réserve de strictes limites convenues verbalement. Les questions en litige étaient les suivantes : (1) les documents étaient-ils couverts par le privilège des communications entre client et avocat? et (2) dans l’affirmative, leur divulgation aux vérificateurs, conformément à l’article 170, équivalait-elle à une renonciation au privilège, ou à une renonciation pour une fin limitée seulement?

Jugement : Le privilège des communications entre client et avocat a été valablement invoqué, sous réserve d’un accord sur la levée du privilège à l’égard de certains documents ou parties de documents.

Le paragraphe 170(1) confère au vérificateur le pouvoir de demander l’accès à des documents, lequel pouvoir peut empiéter sur la confidentialité des communications entre client et avocat. Il ne devrait être invoqué que lorsque cela est nécessaire, et de manière à limiter la confidentialité ou le privilège à ce qui est absolument nécessaire. Le paragraphe 170(1) doit être interprété restrictivement. Étant donné que le législateur aurait pu facilement prévoir que toute divulgation, en application du paragraphe 170(1), d’un document protégé par le privilège des communications entre client et avocat équivalait à une renonciation à ce privilège à des fins d’enquêtes fiscales, mais qu’il ne l’a pas fait, il serait inopportun d’interpréter le paragraphe 170(1) plus largement que nécessaire pour atteindre la fin clairement recherchée.

La renonciation est une question d’intention. Les requérantes avaient l’intention de divulguer les avis juridiques pour une fin limitée seulement, savoir collaborer à la vérification et à l’examen d’états financiers. L’accès aux avis juridiques a été donné en conformité avec l’obligation de collaboration aux termes du paragraphe 170(1). Il serait contraire à l’intérêt public si le fait de permettre l’accès aux avis juridiques à des fins de vérification soulevait automatiquement le voile du privilège pouvant par ailleurs être invoqué. La divulgation aux vérificateurs des avis juridiques reçus par les requérantes constituait une renonciation au privilège des communications entre client et avocat pour une fin limitée et ne s’étendait pas à d’autres fins, telle la divulgation par les vérificateurs en réponse aux exigences du Ministre.

Si l’on veut invoquer la théorie de la renonciation limitée, il serait prudent de consigner l’intention du client à cet égard lors de toute divulgation à ses vérificateurs de renseignements couverts par le privilège des communications entre client et avocat ainsi qu’au moment de la conclusion de l’entente officielle entre le client et ses vérificateurs. De plus, il serait souhaitable de prévoir des dispositions plus formelles concernant l’usage des notes des vérificateurs sur des avis juridiques complexes portant sur des opérations complexes, une fois la vérification terminée.

L’avis des vérificateurs à l’avocat des requérantes était couvert par le privilège des communications entre client et avocat, les requérantes n’étaient pas au courant de la divulgation de cet avis à un autre bureau des vérificateurs et, en conséquence, elles n’ont pas consenti à sa divulgation et ainsi renoncé au privilège. Enfin, les vérificateurs n’avaient pas le pouvoir de renoncer au privilège au nom des requérantes.

LOIS ET RÈGLEMENTS

Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44, mod. par L.C. 1994, ch. 24, art. 1, art. 170(1).

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e Suppl.), ch. 1, art. 231.2(1), 232(1) « juge », « privilège des communications entre client et avocat », (3.1)b), 4a)(i),(ii), 5a),b)(i),(ii)(A) (modifié par L.C. 1994, ch. 13, art. 7), (B) (mod., idem), (9).

JURISPRUDENCE

DÉCISIONS APPLIQUÉES :

Descôteaux et autre c. Mierzwinski, [1982] 1 R.C.S. 860; (1982), 141 D.L.R. (3d) 590; 70 C.C.C. (2d) 385; 28 C.R. (3d) 289; 1 C.R.R. 318; 44 N.R. 462; Playfair Developments Ltd v D/MNR, [1985] 1 C.T.C. 302; (1985), 85 DTC 5155 (C.S. Ont.); Ed Miller Sales & Rentals Ltd. v. Caterpillar Tractor Co. (1988), 61 Alta. L.R. (2d) 319; 22 C.P.R. (3d) 290 (C.A.); British Coal Corp v Dennis Rye Ltd (No. 2), [1988] 3 All ER 816 (C.A.).

DÉCISION EXAMINÉE :

Air Canada v. McDonnell Douglas Corp. (1994), 19 O.R. (3d) 537 (Div. gén.).

REQUÊTE en vertu de l’article 232 de la Loi de l’impôt sur le revenu visant à déterminer si le privilège des communications entre client et avocat a été validement invoqué à l’égard des notes des vérificateurs et des avis fournis à l’avocat dont les requérantes avaient retenu les services aux fins d’un avis juridique. Le privilège des communications entre client et avocat a été valablement invoqué, sous réserve d’un accord sur la levée du privilège à l’égard de certains documents ou parties de documents.

AVOCATS :

Mendy M. Chernos et Douglas S. Ewens, c.r., pour les requérantes.

Douglas B. Titosky pour l’intimé.

PROCUREURS :

McCarthy Tétrault, Calgary, pour les requérantes.

Le sous-procureur général du Canada pour l’intimé.

Ce qui suit est la version française des motifs de l’ordonnance rendus par

Le juge Gibson : Les 8 et 15 mai 1995, l’intimé a, en vertu du paragraphe 231.2(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu[1], signifié à Dennis Blumenthal de la firme Price Waterhouse (Edmonton), des demandes l’enjoignant de produire des documents concernant la vérification et l’examen des états financiers consolidés pour l’année 1993 de la société Interprovincial Pipe Line Inc. (prédécesseur de IPL Energy Inc.), et de répondre à certaines questions. Les requérantes ont donné mandat à leur conseiller juridique interne d’invoquer en leur nom le privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne certains des documents et renseignements en la possession de Price Waterhouse (Edmonton) et faisant état de conseils juridiques obtenus par elles. Aussi un privilège a-t-il été invoqué à l’égard de 33 documents, de même qu’à l’égard de renseignements touchant la question de savoir si les dirigeants, employés et représentants de la partie requérante avaient examiné les documents pertinents en la possession de Price Waterhouse (Edmonton) et le cas échéant, le nom des personnes ayant procédé à cet examen et le moment où elles l’ont fait.

Il en est résulté la présente requête présentée en vertu de l’article 232 [mod. par L.C. 1994, ch. 13, art. 7] de la Loi de l’impôt sur le revenu pour qu’il soit statué sur la question de savoir si l’on peut valablement invoquer le privilège des communications entre client et avocat. Aux fins de cette requête, les dispositions centrales de l’article 232 sont ainsi conçues :

232. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article.

« juge » Juge d’une cour supérieure compétente de la province où l’affaire prend naissance ou juge de la Cour fédérale.

« privilège des communications entre client et avocat » Droit qu’une personne peut posséder, devant une cour supérieure de la province où la question a pris naissance, de refuser de divulguer une communication orale ou documentaire pour le motif que celle-ci est une communication entre elle et son avocat en confidence professionnelle sauf que, pour l’application du présent article, un relevé comptable d’un avocat, y compris toute pièce justificative ou tout chèque, ne peut être considéré comme une communication de cette nature.

(3.1) Le fonctionnaire qui, conformément aux articles 231.1 et 231.2, est sur le point d’inspecter ou examiner un document en la possession d’un avocat qui invoque le privilège des communications entre client et avocat au nom d’un de ses clients nommément désigné en ce qui concerne ce document ne peut ni inspecter ni examiner ce document et l’avocat doit :

a) d’une part, faire un colis du document ainsi que de tout autre document pour lequel il invoque, en même temps, le même privilège au nom du même client, bien sceller ce colis et bien le marquer, ou, si le fonctionnaire et l’avocat en conviennent, faire en sorte que les pages du document soient paraphées et numérotées ou autrement bien marquées;

b) d’autre part, retenir le document et s’assurer de sa conservation jusqu’à ce que, conformément au présent article, le document soit produit devant un juge et une ordonnance rendue concernant le document.

(4) En cas de saisie et mise sous garde d’un document en vertu du paragraphe (3) ou de rétention d’un document en vertu du paragraphe (3.1), le client ou l’avocat au nom de celui-ci peut :

a) dans les 14 jours suivant la date où le document a ainsi été mis sous garde ou a ainsi commencé à être retenu, après avis au sous-procureur général du Canada au moins trois jours francs avant qu’il soit procédé à cette requête, demander à un juge de rendre une ordonnance qui :

(i) d’une part, fixe la date—tombant au plus 21 jours après la date de l’ordonnance—et le lieu où il sera statué sur la question de savoir si le client bénéficie du privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne le document,

(ii) d’autre part, enjoint de produire le document devant le juge à la date et au lieu fixés;

b) signifier une copie de l’ordonnance au sous-procureur général du Canada et, le cas échéant, au gardien dans les 6 jours suivant la date où elle a été rendue et, dans ce même délai, payer au gardien le montant estimé des frais de transport aller-retour du document entre le lieu où il est gardé ou retenu et le lieu de l’audition et des frais de protection du document;

c) après signification et paiement, demander, à la date et au lieu fixés, une ordonnance où il soit statué sur la question.

(5) Une requête présentée en vertu de l’alinéa (4)c) doit être entendue à huis clos. Le juge qui en est saisi :

a) peut, s’il l’estime nécessaire pour statuer sur la question, examiner le document et, dans ce cas, s’assure ensuite qu’un colis du document soit refait et que ce colis soit rescellé;

b) statue sur la question de façon sommaire :

(i) s’il est d’avis que le client bénéficie du privilège des communications entre client et avocat en ce qui concerne le document, il ordonne la restitution du document à l’avocat ou libère l’avocat de son obligation de le retenir, selon le cas,

(ii) s’il est de l’avis contraire, il ordonne :

(A) au gardien de remettre le document au fonctionnaire ou à quelque autre personne désignée par le sous-ministre du Revenu national, en cas de saisie et mise sous garde du document en vertu du paragraphe (3),

(B) à l’avocat de permettre au fonctionnaire ou à l’autre personne désignée par le sous-ministre du Revenu national d’inspecter ou examiner le document, en cas de rétention de celui-ci en vertu du paragraphe (3.1).

Le juge motive brièvement sa décision en indiquant de quel document il s’agit sans en révéler les détails.

De façon générale, on peut classer en deux catégories les documents à l’égard desquels le privilège des communications entre client et avocat est invoqué : d’abord des notes préparées apparemment par des associés ou employés de Price Waterhouse (Edmonton) au cours de la vérification et de l’examen des états financiers consolidés d’Interprovincial Pipe Line Inc. pour l’année 1993, puis des documents échangés entre Price Waterhouse (Edmonton) et Price Waterhouse (Toronto) concernant des avis fournis par Price Waterhouse (Toronto) à un avocat indépendant dont les requérantes avaient retenu les services afin qu’il leur fournisse un avis juridique. En ce qui concerne les documents de la première catégorie, certains d’entre eux sont la preuve, à leur face même, que les requérantes en connaissaient l’existence avant la signification des demandes à Price Waterhouse (Edmonton) par l’intimé. En ce qui concerne les documents de la seconde catégorie, ils ne font pas preuve en soi que les requérantes en connaissaient l’existence avant la signification des demandes, et aucune autre preuve ne m’a été soumise à cet égard.

Dans le cadre de la vérification et de l’examen, Price Waterhouse (Edmonton) était autorisée à se fonder sur le paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions[2], lequel dispose :

170. (1) Les administrateurs, dirigeants, employés ou mandataires de la société, ou leurs prédécesseurs, doivent, à la demande du vérificateur :

a) le renseigner;

b) lui donner accès à tous les registres, documents, livres, comptes et pièces justificatives de la société ou de ses filiales,

dans la mesure où il l’estime nécessaire pour agir conformément à l’article 169 et où il est raisonnable pour ces personnes d’accéder à cette demande.

Au cours du contre-interrogatoire de James Andrew Telford sur l’affidavit qu’il a déposé au nom des requérantes en l’espèce, l’échange suivant a eu lieu au sujet de l’article 170 de la Loi canadienne sur les sociétés par actions invoqué par Price Waterhouse (Edmonton) et de la réponse des requérantes concernant les avis juridiques reçus d’un avocat de l’extérieur :

[traduction] Q. Vous ont-ils (Price Waterhouse (Edmonton)) expliqué pourquoi ils exigeaient ces avis juridiques?

R.   Ils ont dit qu’ils avaient—qu’ils avaient le droit, en vertu de la Loi canadienne sur les sociétés par actions, de demander ce qu’ils voulaient, et ils estimaient qu’afin de fournir un rapport de vérification clair et sans réserve, selon les normes généralement reconnues en la matière, ils devaient examiner ces avis juridiques.

Q.  Vous ont-ils dit cela par écrit ou verbalement?

R.   Verbalement, M. Dennis Blumenthal me l’a dit verbalement.

Q.  M. Blumenthal a-t-il invoqué spécifiquement la Loi canadienne sur les sociétés par actions et le droit que cette Loi lui conférait?

R.   Je ne crois pas que M. Blumenthal ait invoqué spécifiquement la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Q.  M. Blumenthal a-t-il invoqué spécifiquement un droit de consulter les avis juridiques?

R.   Oui.

Q.  Étiez-vous d’accord avec lui?

R.   Mon sentiment, en ma qualité de gestionnaire, fiscalité et risque, et à titre de comptable agréé, était que M. Blumenthal avait le droit de voir ces documents.

Q.  Qu’avez-vous fait, étant donné votre sentiment?

R.   J’ai demandé à ce que les cabinets juridiques me fassent parvenir les avis par courrier. J’ai eu une rencontre avec M. Blumenthal et je lui ai dit essentiellement ce que contient le paragraphe 9 de mon affidavit, soit que je considérais que les documents étaient sujets à un privilège, que je ne souhaitais pas renoncer à ce privilège et je le faisais uniquement parce qu’il les avait exigés à titre de vérificateur, qu’il ne devait pas prendre des copies, des notes ou des extraits des documents.

Q.  Vous lui avez demandé expressément de ne pas faire de copies ou prendre de notes des—

R.   Je lui ai demandé expressément.

Q.  L’avez-vous fait par écrit ou verbalement?

R.   Verbalement.

Q.  Et vous souvenez-vous précisément de ce que vous avez dit à M. Blumenthal pendant cette rencontre de la mi-janvier 1994?

R.   Ce que je lui ai dit précisément, c’est ce qui figure au paragraphe 9 de mon affidavit. C’est ce dont je me souviens.

Q.  Et après avoir dit cela à M. Blumenthal, a-t-il répondu?

R.   D’après mon souvenir, M. Blumenthal s’est dit d’accord avec mes conditions.

Q.  Et c’est sur cette base qu’il a été autorisé à examiner les documents?

R.   C’est exact[3].

POSITIONS DES PARTIES

Les requérantes font valoir que les avis juridiques qui leur ont été fournis par un avocat externe sont protégés par le privilège des communications entre client et avocat et que ce privilège s’étend aux notes produites par Price Waterhouse (Edmonton) dans le cadre de la vérification et de l’examen des états financiers de la société, eu égard aux circonstances de la présente espèce. Les requérantes ont soutenu que la divulgation des avis juridiques à Price Waterhouse (Edmonton) n’équivalait pas à la renonciation au privilège, ou sinon à une renonciation pour une fin limitée seulement, savoir à des fins de vérification et d’examen. À l’appui de cette position, les requérantes ont allégué que le paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions devrait, en l’absence de texte contraire, être interprété comme n’empiétant sur le privilège des communications entre client et avocat que dans la mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées par cette disposition et les autres dispositions liées. Toute autre interprétation du paragraphe 170(1), ont-elles fait valoir, serait contraire à l’intérêt public puisque le respect de l’obligation imposée par la loi conduirait à la renonciation à un privilège lui-même considéré comme étant d’intérêt public.

Il a également été allégué que les requérantes n’avaient pas eu l’intention de renoncer à leur privilège, comme en témoigne l’échange qui a apparemment eu lieu entre James Andrew Telford, représentant des requérantes, et M. Blumenthal, représentant de Price Waterhouse (Edmonton), et que l’intention est le facteur déterminant en ce qui concerne la question de savoir s’il y a eu ou non renonciation au privilège sous le régime des lois de l’Alberta qui, cela est admis, s’appliquent aux faits qui me sont soumis. Enfin, en ce qui a trait aux documents produits par Price Waterhouse (Edmonton), les requérantes ont soutenu que conclure que la divulgation des avis juridiques par les requérantes équivalait à la renonciation au privilège autrement que pour une fin limitée, porterait atteinte à l’intérêt commun des sociétés, leurs vérificateurs et leurs actionnaires, savoir la pleine divulgation aux vérificateurs aux fins d’assurer l’exactitude des états financiers.

En ce qui concerne les notes fournies aux avocats externes des requérantes par Price Waterhouse (Toronto), les requérantes ont fait valoir que ces notes étaient clairement protégées par le privilège des communications entre client et avocat puisqu’il s’agissait d’opinions données dans le cadre de l’élaboration d’un avis juridique et qu’il n’a pu y avoir aucunement renonciation à ce privilège dans les circonstances étant donné que les requérantes n’étaient pas au courant de cette divulgation par Price Waterhouse (Toronto) à Price Waterhouse (Edmonton).

Enfin, en ce qui concerne les renseignements que les requérantes ont refusé de fournir, celles-ci ont soutenu que lorsqu’elles ont examiné les documents en la possession de Price Waterhouse (Edmonton), elles l’ont fait en prévision d’un litige et donc que l’identité des personnes ayant procédé à cet examen et le moment où elles l’ont fait constituent également des renseignements privilégiés.

Au nom de l’intimé, on a soutenu que les documents qu’un vérificateur indépendant produit pour ses propres fins dans le cadre d’une vérification et d’un examen ne sont pas protégés par le privilège des communications entre client et avocat dont bénéficie le client du vérificateur. De plus, l’intimé a fait valoir que divulguer des documents soumis au privilège des communications entre client et avocat équivaut à renoncer à ce privilège, indépendamment de l’obligation imposée par la loi, et que la notion de renonciation pour une fin limitée n’est pas reconnue en droit canadien. En ce qui concerne les avis fournis par Price Waterhouse (Toronto), l’intimé a affirmé que rien dans la preuve n’indiquait que les requérantes n’étaient pas au courant de cette divulgation et que si elles l’étaient, l’absence d’objection de leur part équivalait à la renonciation au privilège des communications entre client et avocat.

ANALYSE

Dans l’arrêt Descôteaux et autre c. Mierzwinski[4], la Cour suprême du Canada s’est exprimée ainsi sous la plume du juge Lamer, alors juge puîné, à la page 875 :

De toute évidence la Cour, dans cette cause [Solosky c. La Reine, [1980] 1 R.C.S. 821], appliquait une norme qui n’a rien à voir avec la règle de preuve, le privilège, puisqu’en rien n’y était-il question de témoignages devant un tribunal quelconque. En fait la Cour, à mon avis, appliquait, sans par ailleurs la formuler, une règle de fond et, par voie de conséquence, reconnaissait implicitement que le droit à la confidentialité, qui avait depuis déjà longtemps donné naissance à une règle de preuve, avait aussi depuis donné naissance à une règle de fond.

Il est, je crois, opportun que nous formulions cette règle de fond, tout comme l’ont fait autrefois les juges pour la règle de preuve; elle pourrait, à mon avis, être énoncée comme suit :

1.   La confidentialité des communications entre client et avocat peut être soulevée en toutes circonstances où ces communications seraient susceptibles d’être dévoilées sans le consentement du client;

2.   À moins que la loi n’en dispose autrement, lorsque et dans la mesure où l’exercice légitime d’un droit porterait atteinte au droit d’un autre à la confidentialité de ses communications avec son avocat, le conflit qui en résulte doit être résolu en faveur de la protection de la confidentialité;

3.   Lorsque la loi confère à quelqu’un le pouvoir de faire quelque chose qui, eu égard aux circonstances propres à l’espèce, pourrait avoir pour effet de porter atteinte à cette confidentialité, la décision de le faire et le choix des modalités d’exercice de ce pouvoir doivent être déterminés en regard d’un souci de n’y porter atteinte que dans la mesure absolument nécessaire à la réalisation des fins recherchées par la loi habilitante;

4.   La loi qui en disposerait autrement dans les cas du deuxième paragraphe ainsi que la loi habilitante du paragraphe trois doivent être interprétées restrictivement.

Pour revenir aux faits de la présente espèce, le paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions confère manifestement à une personne, le vérificateur, le pouvoir de faire quelque chose, soit demander l’accès à des registres et documents, lequel pouvoir, dans les circonstances propres à l’espèce, peut empiéter sur la confidentialité des communications entre client et avocat, par exemple lorsque, comme en l’espèce, l’intimé fait signifier une demande de production de documents et de fourniture de renseignements relatifs à la vérification et à l’examen par les vérificateurs des états financiers d’un client. Suivant la proposition 3, le paragraphe 170(1) ne devrait être invoqué que lorsque cela est nécessaire et en ce cas, seulement de manière à limiter l’empiétement sur la confidentialité ou le privilège à ce qui est absolument nécessaire. De plus, suivant la proposition 4, les dispositions tel le paragraphe 170(1) doivent être interprétées restrictivement.

D’après les faits qui me sont soumis, le paragraphe 170(1) n’a pas été invoqué directement au nom de Price Waterhouse (Edmonton), mais la connaissance qu’avaient les requérantes de son existence et des droits qu’il conférait au vérificateur a conduit à la divulgation des renseignements privilégiés, sur une base volontaire et strictement limitée, bien que les limites n’aient été imposées que verbalement.

Dans la décision Playfair Developments Ltd v D/MNR[5], le juge Galligan, aux pages 307 et 308, a réitéré en ces termes l’importance accordée à la préservation du privilège des communications entre client et avocat :

[traduction] Si j’ai tendance à conclure à l’existence d’un privilège, c’est en raison, comme on l’a souvent souligné, de la très grande importance de la confidentialité des communications entre client et avocat. En cas de doute, j’estime qu’il convient de confirmer l’existence du privilège.

Cet énoncé est à mon avis conforme au principe suivant lequel il convient d’interpréter restrictivement le paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

Dans l’arrêt Ed Miller Sales & Rentals Ltd. v. Caterpillar Tractor Co.[6], le juge en chef Laycraft a conclu ainsi aux pages 326 et 327 :

[traduction] En premier lieu, il faut noter que l’enquête du directeur n’est pas publique. Celui-ci entend les témoins en privé et même en l’absence des autres personnes faisant l’objet de l’enquête et de leurs avocats. En second lieu, le fait de remettre un document privilégié à l’une des parties au litige à des fins de règlement ou autres ne traduit pas, à mon avis, l’intention de mettre ainsi fin au privilège à l’égard des autres parties ou d’un litige connexe.

L’intimé a également soutenu que les compagnies Caterpillar ont renoncé à tout privilège existant en ne soulevant aucune objection lorsque le représentant de [l’autre défendeur] a produit le rapport [du comptable] à l’interrogatoire préalable. Or si l’une des parties a qualité pour faire valoir des objections à l’interrogatoire préalable d’une autre partie, l’objection est vaine si son codéfendeur est résolu à produire le document. La renonciation est une question d’intention. À mon avis, le fait de ne pas soulever une vaine objection ne traduit pas cette intention. [Je souligne.]

Cet arrêt revêt une importance particulière dans le contexte de la présente requête, et cela pour au moins trois raisons : premièrement, il s’agit d’une décision de la Cour d’appel de l’Alberta et suivant la définition de l’expression « privilège des communications entre client et avocat » au paragraphe 232(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu , c’est à la loi de la province où la question a pris naissance qu’il faut s’en remettre pour déterminer l’existence d’un tel privilège. Deuxièmement, le juge en chef Laycraft affirme, dans le passage souligné, que la renonciation est une question d’intention; or, il ressort de la preuve qui m’est soumise que l’intention des requérantes était de faire tout en leur pouvoir pour protéger leur privilège tout en obtempérant aux exigences de leurs vérificateurs qui pouvaient assortir leur rapport d’une réserve et, en dernière analyse, invoquer le paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Enfin, dans le premier paragraphe précité, le juge en chef Laycraft semble approuver implicitement la théorie de la renonciation limitée au privilège des communications entre client et avocat. Selon cette théorie, même si en l’occurrence la divulgation aux vérificateurs des avis juridiques reçus par les requérantes équivalait à une renonciation au privilège des communications entre client et avocat, ce dont je suis convaincu, on peut conclure que, conformément à l’intention des requérantes, cette renonciation valait pour une fin limitée et ne s’étendait pas à d’autres fins telle la divulgation par les vérificateurs en réponse aux exigences de l’intimé.

La théorie de la renonciation limitée est énoncée en termes clairs dans l’arrêt British Coal Corp v Dennis Rye Ltd (No 2)[7]. Le lord juge Neill y a dit ceci aux pages 821 et 822 :

[traduction] Est-il survenu quelque chose qui ait pu entraîner la renonciation au privilège ou sa perte?

À mon avis, la réponse à cette question est clairement négative. Supposons que les défendeurs aient obtenu possession de tous les documents avec le consentement implicite de la demanderesse et qu’on pourrait établir que cette dernière aurait fourni les ... documents même sans ordonnance de la cour. Il n’en reste pas moins que la demanderesse a donné accès aux documents pour une fin limitée seulement, savoir collaborer à une enquête criminelle, puis à un procès criminel. Cet acte de la demanderesse, considéré objectivement comme il se doit, ne peut être interprété comme une renonciation à un droit dont elle jouissait dans la présente instance civile aux fins de laquelle le privilège existe.

À mon avis, le fait pour la demanderesse de donner accès aux documents aux fins du procès criminel ne constituait pas une renonciation au privilège auquel elle avait droit dans la présente instance civile. La décision qu’elle a prise à l’égard … des … documents était conforme à son obligation de collaborer au déroulement de l’instance criminelle, et ne saurait être interprétée comme une renonciation expresse ou implicite à ses droits dans l’instance civile. De fait, il serait à mon avis contraire à l’intérêt public si la décision de la demanderesse de divulguer les documents dans l’instance criminelle avait automatiquement pour effet de soulever le voile du privilège dont elle pourrait autrement bénéficier dans l’instance civile pour laquelle il a été conçu.

Les passages qui précèdent peuvent être appliqués par analogie à la présente espèce. Les requérantes avaient en effet manifestement l’intention de divulguer les avis juridiques qu’elles avaient reçus pour une fin limitée seulement, savoir collaborer à la vérification et à l’examen de ses états financiers. Elles ont permis l’accès à ces avis juridiques en conformité avec leur obligation de collaboration découlant du paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Il serait à mon avis contraire à l’intérêt public si la décision des requérantes de permettre l’accès aux avis juridiques aux fins de la vérification « avait automatiquement pour effet de soulever le voile du privilège dont elle pourrait autrement bénéficier » dans le cadre d’une vérification par l’intimé. Cette conclusion est, j’en suis persuadé, conforme aux principes précités formulés par la Cour suprême du Canada, de même qu’avec une interprétation stricte de l’effet du paragraphe 170(1) de la Loi canadienne sur les sociétés par actions sur le privilège des communications entre client et avocat. Si le législateur avait voulu donner au paragraphe 170(1) un but accessoire au but premier d’assurer l’exactitude dans la publication de l’information financière, il lui était loisible de le faire clairement par une modification directe ou indirecte de la Loi de l’impôt sur le revenu disposant que toute divulgation, en application du paragraphe 170(1), d’un document protégé par le privilège des communications entre client et avocat équivaut à une renonciation à ce privilège aux fins des enquêtes fiscales. Le législateur n’ayant pas suivi cette voie, il serait inopportun, et de fait contraire aux principes de l’arrêt Descôteaux, d’interpréter le paragraphe 170(1) plus largement que nécessaire pour atteindre la fin clairement recherchée.

On a attiré mon attention sur la décision Air Canada v. McDonnell Douglas Corp.[8] de la Cour de l’Ontario (Division générale), où le protonotaire Peppiatt, à la page 545, a renvoyé au passage de l’arrêt Ed Miller Sales, précité, où le juge en chef Laycraft dit que [traduction] « le fait de remettre un document privilégié à l’une des parties au litige à des fins de règlement ou autres ne traduit pas, à mon avis, l’intention de mettre ainsi fin au privilège à l’égard des autres parties ou d’un litige connexe ». Le protonotaire Peppiatt a fait le commentaire suivant :

[traduction] Sa Seigneurie n’a cité aucune jurisprudence à l’appui de son affirmation. Certes, l’arrêt de la cour d’appel d’une autre province doit être considéré avec grand respect mais, en l’occurrence, il va à l’encontre de la jurisprudence de cette province.

L’avocat de l’intimé a cité quant à lui une jurisprudence ontarienne et américaine sur laquelle aurait pu se fonder le protonotaire. Avec égards, vu les faits qui me sont soumis et l’analyse qui précède, je préfère retenir la théorie de la renonciation limitée, laquelle découle à mon avis implicitement de l’énoncé précité du juge en chef Laycraft. Une fois de plus, j’estime que cette théorie est particulièrement appropriée étant donné que, les parties en conviennent, la présente question a pris naissance dans la province d’Alberta.

Je terminerai sur ce point par une mise en garde. La preuve dont je dispose relativement à l’intention des requérantes de limiter toute renonciation résultant de la divulgation à leurs vérificateurs reposait entièrement sur le souvenir d’un entretien oral entre James Andrew Telford, représentant des requérantes, et M. Blumenthal, représentant de Price Waterhouse (Edmonton). Si l’on veut, à l’avenir et dans des circonstances analogues, invoquer la théorie de la renonciation limitée, il serait prudent, me semble-t-il, de consigner par écrit l’intention du client lors de toute divulgation à ses vérificateurs de renseignements couverts par le privilège des communications entre client et avocat ainsi qu’au moment de la conclusion de l’entente officielle entre le client et ses vérificateurs. De plus, il me semble hautement déraisonnable de s’attendre à ce que les vérificateurs, dans le cadre d’une vérification et d’un examen très complexes, s’abstiennent de prendre des notes sur des avis juridiques complexes portant sur des opérations complexes sauf, comme c’était apparemment le cas en l’espèce, à la demande des vérificateurs, clause que les vérificateurs n’ont manifestement pas observée en l’espèce. Il serait souhaitable de prévoir des dispositions plus formelles concernant l’usage de ces notes entre le client et les vérificateurs une fois la vérification terminée.

J’aborderai maintenant la question des documents faisant apparemment état de l’avis fourni par Price Waterhouse (Toronto) à un avocat externe des requérantes dans le cadre de la préparation par cet avocat d’un avis juridique demandé par les requérantes. Cette divulgation a apparemment eu lieu au cours d’échanges entre Price Waterhouse (Toronto) et Price Waterhouse (Edmonton). Comme nous l’avons indiqué précédemment, l’avocat de l’intimé a soutenu que rien dans la preuve n’établissait que les requérantes n’étaient pas au courant de ces échanges. Mais contrairement à l’avocat de l’intimé, j’ai eu l’avantage d’examiner les documents en cause. Or rien ne permet d’en conclure que les requérantes en aient obtenu copie, d’où ma disposition à présumer qu’elles n’étaient pas au courant de leur existence. Comme il n’a pas été contesté que le privilège des communications entre client et avocat s’étend aux avis fournis par des professionnels dont les services ont été retenus par un avocat externe dans le cadre de la préparation d’un avis juridique destiné à son client, je suis persuadé, primo, que l’avis de Price Waterhouse (Toronto) à l’avocat externe était couvert par le privilège, secundo, que les requérantes n’étaient pas au courant de la divulgation de cet avis par Price Waterhouse (Toronto) à Price Waterhouse (Edmonton) et qu’en conséquence elles n’ont pas consenti à sa divulgation et partant renoncé au privilège, et enfin, que Price Waterhouse (Toronto) n’avait aucunement le pouvoir de renoncer au privilège au nom des requérantes. C’est conformément à ces principes que j’ai procédé à l’examen des documents de cette catégorie.

Enfin, j’en viens aux renseignements concernant l’examen auquel ont procédé les dirigeants, employés ou représentants des requérantes et que celles-ci considèrent comme privilégiés. L’analyse de cette prétention n’entre pas facilement dans le cadre de l’article 232 de la Loi de l’impôt sur le revenu. De fait, j’arrive à la conclusion qu’elle n’y entre pas du tout. Pour ce motif, aucune ordonnance n’est prononcée à l’égard de ces renseignements. Cela dit, il est on ne peut plus clair qu’un ou plusieurs dirigeants, employés ou représentants des requérantes ont examiné les documents en la possession de Price Waterhouse (Edmonton) concernant la vérification et l’examen des états financiers consolidés d’Interprovincial Pipe Line Inc. pour l’année 1993. Autrement, comment aurait-pu invoquer un privilège sur certains de ces documents? Vu ma conclusion, je ne suis pas certain que l’identité des dirigeants, employés ou représentants ayant examiné les dossiers, de même que la ou les dates de cet examen soient particulièrement pertinentes dans la mesure où l’intimé a reçu l’assurance qu’aucun renseignement ou document à l’égard desquels un privilège est invoqué n’a été retiré, transféré, supprimé, détruit ou altéré, sauf tel que divulgué.

CONCLUSION

Compte tenu de l’analyse qui précède, avec l’assistance de l’avocat des requérantes et en l’absence de l’avocat de l’intimé, j’ai examiné les documents à l’égard desquels un privilège est invoqué. Comme je l’ai indiqué au début, les documents sont au nombre de 33. Ils m’ont été présentés en deux colis, le premier contenant 30 documents et le second, 3. À chaque colis était joint un index, dont copie a été fournie à l’intimé. À l’ouverture de l’audience, l’avocat des requérantes s’est désisté de la demande de privilège en ce qui concerne les documents 7, 8 et 26 du premier colis, ainsi que le document 3 du second colis. Il s’est également désisté de la demande de privilège en ce qui concerne certaines parties des documents 4, 5, 6, 13, 15 et 23 du premier colis. Pendant mon examen en sa présence, l’avocat des requérantes s’est en outre désisté de la demande de privilège eu égard à une partie du document 25 du premier colis. Toujours pendant mon examen, j’ai divergé d’opinion sur la question de savoir s’il y avait lieu de scinder un document afin de fournir le plus d’information possible à l’intimé. Si je ne m’abuse, l’avocat considérait qu’il convenait de protéger la totalité du document à moins qu’une partie substantielle de celui-ci puisse être divulguée. Avec égards, j’aurais été ainsi amené à exprimer mon appréciation personnelle quant à l’utilité des renseignements pour l’investigation de la partie défenderesse et, inévitablement, à retenir des renseignements qui, tout inoffensifs qu’ils soient, ne font pas l’objet d’une demande valable de privilège des communications entre client et avocat. En conséquence, dans mon examen final des documents, j’ai tranché en faveur de la divulgation à l’intimé de tous les renseignements, aussi banals me soient-ils apparus, que je ne considère pas, en soi, comme pouvant faire l’objet d’une demande valide de privilège. Mes conclusions à cet égard sont énoncées dans l’ordonnance.

TRAITEMENT DU DOSSIER DE LA COUR

Le paragraphe 6 de l’ordonnance provisoire prononcée en l’espèce prévoit ce qui suit :

[traduction] Le dossier de la cour ainsi que toute nouvelle pièce déposée dans la présente instance seront scellés jusqu’à ordonnance contraire de cette Cour.

Les pièces ajoutées au dossier depuis la date de cette ordonnance comprennent le dossier des requérantes, les observations écrites de l’intimé, la liste des autorités de l’intimé, les colis de documents scellés faisant l’objet de la requête, la transcription de l’audience que j’ai présidée ainsi qu’une lettre datée du 11 octobre 1995 que m’a adressée l’avocat des demanderesses. J’ai consulté les avocats pour savoir si le dossier documentaire, autre que les documents faisant l’objet de la requête, pouvait être public étant donné le principe de la publicité des dossiers de cette Cour sauf motifs impérieux. Les avocats ont convenu que tous les documents au dossier pouvaient être publics, à l’exception des documents faisant l’objet de la requête et de certains renvois, dans le dossier des requérantes et dans la transcription, à des tiers avec qui les requérantes entretiennent des relations d’affaires confidentielles. J’ai donc invité l’avocat des requérantes à revoir son dossier ainsi que la transcription et à me suggérer les suppressions désirées. La lettre du 11 octobre est la réponse à cette invitation. Sous réserve de l’examen des suppressions recommandées et de la décision définitive que je rendrai à cet égard, l’ordonnance établira que le présent dossier, à l’exclusion des documents faisant l’objet de la requête, sera traité de la même façon que tout autre dossier déposé au greffe de cette Cour.

DÉPENS

Les avocats ont attiré mon attention sur le fait que le paragraphe 232(9) de la Loi de l’impôt sur le revenu dispose :

232. ...

(9) ll ne peut être adjugé de frais sur la décision rendue au sujet d’une requête prévue par le présent article.

En conséquence, il ne sera adjugé de frais à aucune des parties.



[1] L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, modifié.

[2] L.R.C. (1985), ch. C-44, mod. par L.C. 1994, ch. 24, art. 1.

[3] Transcription du contre-interrogatoire sur affidavit de James Andrew Telford, Edmonton (Alberta), 23 juin 1995, aux p. 8, 12 à 14 et 20. Dossier de la partie requérante, onglet E. Voici le texte du paragraphe 9 de l’affidavit de M. Telford :

[traduction] 9. Tous les documents privilégiés constituent des avis juridiques fournis par des conseillers indépendants d’IPL au sujet de l’opération ou d’autres affaires de la société et bénéficient donc du privilège des communications entre client et avocat. IPL n’a pas renoncé à ce privilège et souhaite le conserver. IPL a fourni les renseignements privilégiés contenus dans les documents privilégiés à Blumenthal en janvier 1994, uniquement parce que Price Waterhouse les avaient exigés en sa qualité de vérificateur d’IPL, parce qu’IPL était tenu par la loi de se conformer à cette exigence et parce qu’IPL devait faire en sorte que Price Waterhouse ait accès à toute l’information pour lui permettre de procéder à une vérification complète. Ce faisant, IPL n’a jamais eu l’intention de renoncer à son propre droit d’invoquer le privilège des communications entre client et avocat à l’égard de ces renseignements, et elle a de fait exprimé son intention de préserver ce droit. J’ai dit expressément à Blumenthal qu’IPL considérait que les avis juridiques en cause étaient protégés par le privilège des communications entre client et avocat, qu’elle ne voulait pas y renoncer et souhaitait le converser, et qu’en conséquence Price Waterhouse ne devait pas prendre des copies ou des notes de ces avis juridiques.

[4] [1982] 1 R.C.S. 860.

[5] [1985] 1 C.T.C. 302 (C.S. Ont.).

[6] (1988), 61 Alta. L.R. (2d) 319 (C.A.).

[7] [1988] 3 All ER 816 (C.A.).

[8] (1994), 19 O.R. (3d) 537 (Div. gén.).

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