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     T-2144-97

Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes (demandeur)

c.

Le ministre des Finances (défendeur)

Répertorié: Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennesc. Canada (Ministre des Finances)(1re   inst.)

Section de première instance, juge Evans"Toronto, 8 décembre 1998 et 19 mai 1999.

Accès à l'information Demande de contrôle fondée sur l'art. 41 de la Loi concernant le refus du ministre de communiquer un plus grand nombre des renseignements demandés ayant trait à l'interprétation de l'expressionordre religieux, qui définit l'étendue du droit à la déduction pour résidence d'un membre du clergé prévue à l'art. 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenuNorme de contrôle(i) La Cour est tenue de revoir la décision du ministre selon la norme de la décision correcte(ii) Les exceptions légales qui vont à l'encontre de l'obligation générale de communiquer des renseignements doivent être interprétées strictement(iii) Le gouvernement a la charge d'établir que son refus de communiquer des documents est légalement autorisé par l'exception sur laquelle il s'appuie(iv) Si l'exception est obligatoire, la Cour n'a qu'à décider si les renseignements tombent sous le coup de cette exception légale; si l'exception est discrétionnaire, la Cour doit également décider si le pouvoir discrétionnaire a été exercé légalement(v) L'art. 25 exige la communication de toutes les parties d'un document qui ne renferment pas de renseignements visés par l'exception et qui peuvent en être prélevéesExceptions(i) L'exception visée à l'art. 18(1)d) concernant la communication de renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porterun préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement du Canadan'inclut pas les pertes de revenus résultant d'une augmentation des réclamations légitimes de la déductionSi la communication encourage les contribuables à réclamer une déduction à laquelle ils ont droit, l'avantage qui en résulte n'est pasinjustifiéau sens de l'art. 18d)Les documents qui renferment des analyses des différentes options de modifications de la Loi sont exempts étant donné qu'ils constituent desprojets de changement [. . .] des impôts— — (ii) La plupart des documents internes qui identifient un problème, qui proposent des solutions et qui se terminent sur des recommandations précises au niveau des changements sont susceptibles d'être visés par l'art. 21(1)a) (avis élaborés par des fonctionnaires) et de l'art. 21(1)b) (comptes rendus de consultations ou délibérations)La Loi laisse à la discrétion du ministre, sous réserve du contrôle du commissaire à l'information, la décision de déterminer quels documents visés par ces alinéas peuvent être divulgués sans qu'il soit porté atteinte à l'efficacité du gouvernement(iii) L'art. 24(1) interdit la communication de renseignements concernant les contribuables qui ont été obtenus pour l'application de la Loi, mais cela ne comprend pas les renseignements qui ne révèlent pas l'identité du contribuable en causeLa question de savoir si la divulgation des noms d'organismes qui emploient des contribuables permettrait de révéler l'identité de ceux-ci dépend des circonstances, notamment de la taille de l'organisme, du nombre de ses employés et de son rayon d'action plus ou moins localL'art. 23 autorise le ministre à ne pas divulguer des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son clientL'avis juridique donné il y a 15 ans par le ministère de la Justice est visé par l'exception.

Impôt sur le revenu Calcul du revenu Déductions Déduction pour résidence d'un membre du clergé visé à l'art. 8(1)c)Demande fondée sur la Loi sur l'accès à l'information concernant l'interprétation de l'expressionordre religieux, qui est l'une des expressions définissant l'étendue du droit à la déductionLe MRN a refusé l'accès à ces renseignements parce que la divulgation pourrait porter un préjudice aux intérêts financiers du gouvernement en encourageant d'autres personnes à réclamer la déductionIl se préoccupait également de ne pas révéler l'identité des contribuablesL'expressionde porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernementutilisée à l'art. 18d) de la Loi sur l'accès à l'information n'inclut pas les pertes de revenus dues à l'augmentation des réclamations légitimes des déductions d'impôt sur le revenuSi la déduction pour résidence d'un membre du clergé n'a pas été rédigée de façon satisfaisante pour répondre aux conditions actuelles, il incombe au ministère des Finances de proposer une réforme de la Loi.

Il s'agit d'une demande de contrôle fondée sur l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information, concernant le refus du ministre de communiquer un plus grand nombre des renseignements demandés par le demandeur. Celui-ci réclamait la communication de tous les documents ayant trait à l'interprétation de l'expression "ordre religieux" qui est l'une des expressions définissant l'étendue du droit à la déduction pour "résidence d'un membre du clergé" prévue à l'alinéa 8(1)c ) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Le ministre s'est appuyé sur les exceptions énumérées à l'alinéa 18d) de la Loi sur l'accès à l'information qui l'autorise à refuser de communiquer des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement du Canada, notamment les projets de changement des taxes, impôts ou droits ou d'autres sources de revenu. Le ministre a fait valoir que si les documents demandés étaient communiqués, le montant des pertes de revenus découlant des réclamations de cette déduction augmenterait en encourageant des particuliers, qui ne se seraient peut-être pas autrement rendu compte que, correctement interprétée, la déduction peut s'appliquer à une catégorie de personnes beaucoup plus large que ce que Revenu Canada était disposé à admettre et pourrait amener les contribuables à présenter leur cas d'une façon qui leur permettrait de réclamer la déduction pour des années antérieures. D'autres renseignements n'ont pas été communiqués parce qu'ils étaient visés par l'exception prévue à l'alinéa 21(1)a) comme constituant des avis élaborés par les fonctionnaires des ministères aux fins de la prise de décisions, et par l'exception prévue à l'alinéa 21(1)b) en tant que comptes rendus de consultations et de délibérations entre des fonctionnaires des ministères concernant les dispositions de l'alinéa 8(1)c). Le ministre s'est également appuyé sur le paragraphe 24(1) qui interdit à un fonctionnaire de fournir des renseignements concernant des contribuables qui ont été obtenus par le ministre pour l'application de la Loi, mais cela ne comprend pas les renseignements "qui ne révèlent pas, même indirectement, l'identité du contribuable en cause". La demande d'accès à l'information du demandeur incluait des renseignements au sujet des organismes dont les membres avaient réclamé la déduction pour résidence d'un membre du clergé. Le ministre était disposé à fournir des renseignements sur l'incidence des réclamations, mais pas le nom des organismes ayant employé des contribuables qui avaient réclamé la déduction ou le poste occupé par ces contribuables, au motif que bon nombre de ces organismes étaient de petite taille, de nature locale, et que la communication pourrait indirectement révéler l'identité des contribuables ayant réclamé la déduction. Le ministre s'est de plus appuyé sur l'exception visée à l'article 23 qui autorise le responsable d'une institution fédérale à refuser la communication de renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

Jugement: la demande est accueillie pour ce qui a trait à la décision de ne pas communiquer les renseignements qui ne sont pas visés par les exceptions prévues dans la Loi.

Il a été nécessaire d'examiner la norme de contrôle. 1) La décision faisant l'objet du contrôle en vertu de l'article 41 est la décision du ministre. Les responsables des institutions fédérales ont tendance à appliquer la Loi d'une façon qui assure une protection maximale des renseignements qui sont en leur possession. Par conséquent, il n'y a pas lieu de faire preuve à l'égard de l'interprétation du ministre de l'application des exceptions prévues par la Loi du genre de retenue judiciaire que les tribunaux ont quelquefois témoigné à l'égard des décisions prises par les commissaires à l'information et à la protection de la vie privée nommés en vertu de lois provinciales qui confèrent à ces derniers, et non au ministre, le pouvoir de déterminer si les renseignements devraient être communiqués ou non. Même si la Cour est tenue de revoir la décision du ministre en respectant la norme de la décision correcte, il est approprié de tenir compte du rapport et des recommandations du commissaire à l'information, qui possède une compétence certaine dans l'application de la Loi. 2) Les exceptions prévues par la Loi qui vont à l'encontre de l'obligation générale de communiquer des renseignements doivent être interprétées strictement de façon à ne pas déroger plus qu'il ne faut de l'objectif général clairement énoncé dans la Loi, c'est-à-dire de donner légalement effet au principe général selon lequel les documents de l'administration fédérale doivent être mis à la disposition du public. 3) L'article 48 impose au gouvernement la charge d'établir que le refus de communiquer un document est légalement autorisé par l'exception sur laquelle il s'appuie. 4) Si l'exception est obligatoire, la Cour aura uniquement pour rôle de décider si les renseignements tombent sous le coup de cette exception. Si l'exception est discrétionnaire, la Cour doit aussi décider si le responsable de l'institution fédérale a légalement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer ces renseignements en fonction de principes de droit administratif à la lumière de l'objet général de la Loi et de l'exception particulière. 5) L'article 25 exige que le responsable de l'institution fédérale communique toutes les parties d'un document qui ne renferment pas de renseignements visés par l'exception et qui peuvent raisonnablement en être prélevées.

Pour ce qui a trait aux exceptions, les mots "de porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement du Canada" utilisés à l'alinéa 18d ) ne devraient pas être interprétés comme incluant les pertes de revenus résultant d'une augmentation des réclamations légitimes d'une déduction prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu. Si la déduction pour résidence d'un membre du clergé n'est pas rédigée de façon satisfaisante compte tenu des conditions actuelles, il incombe au ministre des Finances de proposer des réformes législatives pour régler le problème. La fragilité juridique de la position du ministre ne peut être camouflée derrière un écran de secret que la Loi sur l'accès à l'information a pour objectif général de dissiper. De même, si la communication de ces renseignements encourage les contribuables à réclamer une déduction à laquelle ils ont droit, l'avantage qui en résulterait ne pourrait être qualifié d'"injustifié" au sens de l'alinéa 18d ). Cependant, les documents qui renferment des analyses préparées par des fonctionnaires sur différentes options de modifications de la Loi sont visés par le sous-alinéa 18d)(iii) au motif que les renseignements contenus dans ces documents ont trait à un "projet de changement des [. . .] impôts". La communication de ces renseignements peut à bon droit être refusée si elle risque d'entraîner une perte de revenus pour le gouvernement ou qu'elle représente des avantages injustifiés pour certains particuliers.

Autoriser ou exiger la communication d'avis donnés par des fonctionnaires et la communication de délibérations confidentielles au sein de la fonction publique concernant certaines options politiques éroderait la capacité du gouvernement de formuler et de justifier ses politiques. Par ailleurs, les principes démocratiques exigent que le public soit en mesure de participer aussi pleinement que possible à l'élaboration des politiques en exerçant une certaine influence. La plupart des documents internes qui analysent un problème, en commençant par identifier celui-ci, et qui proposent ensuite un certain nombre de solutions avant de terminer sur des recommandations précises au niveau des changements sont susceptibles d'être visés par les alinéas 21(1)a) ou b). La Loi accorde donc aux responsables des institutions fédérales, sous réserve d'un pouvoir de contrôle et de recommandation conféré au commissaire à l'information, le pouvoir discrétionnaire de décider lesquels parmi la très grande série de documents visés par ces alinéas peuvent être communiqués sans porter atteinte à l'efficacité du gouvernement. Le rôle de la Cour au niveau du contrôle de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire est très limité.

La question de savoir si la communication du nom de l'employeur d'une personne qui a réclamé la déduction est susceptible de révéler l'identité du contribuable concerné dépend de circonstances particulières, notamment de la taille de l'organisme, du nombre de ses employés et de son rayon d'action plus ou moins local. Le maintien de la stricte confidentialité des renseignements sur les contribuables est important par mesure d'équité envers les particuliers et pour la bonne administration de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si les contribuables viennent à douter de la capacité de Revenu Canada d'assurer la confidentialité des renseignements qu'ils lui fournissent au sujet de leurs affaires financières, ils seront peut-être moins portés à fournir les renseignements dont Revenu Canada a besoin pour l'évaluation rapide et exacte de leur responsabilité fiscale. La plupart des organismes visés en l'espèce sont tels, soit du fait de leur taille, soit du fait de leur situation géographique, qu'il existe un risque véritable que l'identité des contribuables qui ont réclamé la déduction puisse être déduite si le nom de leurs employeurs et le poste qu'ils occupaient étaient communiqués.

La portée de l'exception visée à l'article 23 est régie par la doctrine du privilège juridique découlant de la common law. L'avis juridique donné, sur demande, par le ministère de la Justice constitue une exception établie par l'article 23. Même si cet avis a été donné il y a 15 ans, il traite de questions qui sont toujours d'actualité et, par conséquent, le ministre n'a pas commis d'erreur évidente en décidant de ne pas communiquer ces renseignements, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

    lois et règlements

        Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 8(1)c)(i),(ii), 241(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 137), (10) (mod., idem).

        Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, art. 2(1), 18, 21, 23, 24, 25, 41, 48.

    jurisprudence

        décisions citées:

        John Doe v. Ontario (Information & Privacy Commissioner) (1993), 13 O.R. (3d) 767; 106 D.L.R. (4th) 140; 19 Admin. L.R. (2d) 251; 64 O.A.C. 248 (Cour div.); Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] 1 C.F. 268; (1995), 102 F.T.R. 30 (1re inst.).

DEMANDE de contrôle fondée sur l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information concernant le refus du ministre de communiquer un plus grand nombre des renseignements demandés par le demandeur ayant trait à l'interprétation de l'expression "ordre religieux", qui est l'une des expressions définissant l'étendue du droit à la déduction pour "résidence d'un membre du clergé" prévue au paragraphe 8(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu . La demande est accueillie pour ce qui a trait à la décision de ne pas communiquer les renseignements qui ne sont pas visés par les exceptions prévues dans la Loi.

    ont comparu:

    Robert Brendan Bissell, pour le demandeur.

    Robert H. Jaworski, pour le défendeur.

    avocats inscrits au dossier:

    Fraser Milner, Toronto, pour le demandeur.

    Le sous-procureur général du Canada, pour le défendeur.

Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par

Le juge Evans:

A.    INTRODUCTION

[1]Le Conseil canadien des œuvres de charité chrétiennes est un organisme caritatif qui représente plus de mille œuvres de charité chrétiennes dans tout le Canada. Leurs membres regroupent environ 3,5 millions de chrétiens de toutes les confessions. L'un des principaux objectifs du Conseil est de fournir de l'aide, des conseils et des services professionnels comptables et fiscaux aux organismes qu'il représente, dont bon nombre sont de peu d'envergure.

[2]Le Conseil s'intéresse activement depuis quelques années à la disposition de la Loi de l'impôt sur le revenu [L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1] qui concerne la déduction pour "résidence d'un membre du clergé", et il a représenté ses membres dans les négociations avec Revenu Canada concernant leur droit de réclamer cette déduction. Le Conseil est d'avis que Revenu Canada a adopté, au sujet des catégories de personnes qui peuvent réclamer cette déduction, une position plus rigide que ce que la Loi prévoit, selon l'interprétation qu'il convient de lui donner. En fait, bon nombre de causes contestant la position de Revenu Canada en sont à différentes étapes des processus de cotisation et d'appel et dans certains de ces cas les contribuables ont déjà obtenu des succès remarquables.

[3]C'est sans aucun doute en ayant à l'esprit ces litiges, et en songeant à la possibilité que des réformes législatives soient à l'étude, que le Conseil a présenté au ministre des Finances une demande fondée sur la Loi sur l'accès à l'information, L.R.C. (1985), ch. A-1, pour que lui soient communiqués tous les documents en possession du Ministère ayant trait à l'interprétation de l'expression "ordre religieux", qui est l'une des expressions définissant l'étendue du droit à la déduction pour "résidence d'un membre du clergé". Le Conseil a aidé et représenté certains de ses membres qui prétendent être des "ordres religieux" au sens de l'alinéa 8(1)c ) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[4]Le ministre a identifié plus de 150 pages de renseignements visés par cette demande, mais il a informé le Conseil que la presque totalité de ces renseignements ne pourrait être communiquée en raison d'exceptions législatives précises. Sur réception de la plainte déposée par le Conseil, le commissaire à l'information a enquêté sur la décision du ministre de ne pas divulguer les renseignements et lui a recommandé d'en communiquer certains au Conseil, soit en totalité, soit en partie.

[5]Le ministre s'est conformé à ces recommandations. Le commissaire a déclaré dans son rapport au Conseil qu'il était convaincu que le ministre avait communiqué tous les renseignements, visés par la demande du Conseil, qu'il était approprié de communiquer. Toujours insatisfait du refus du ministre de communiquer un plus grand nombre de renseignements, le Conseil s'est pourvu devant la présente Cour pour faire réviser cette décision conformément à l'article 41 de la Loi sur l'accès à l'information.

[6]En janvier 1998, le Conseil a déposé une requête en vue d'obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de communiquer à son avocat, de façon confidentielle, les documents en question afin de lui permettre de se préparer pour la demande de contrôle judiciaire. Le juge Rouleau a rejeté la requête, en statuant que l'avocat pouvait fort bien faire des observations sur l'interprétation des dispositions pertinentes de la Loi et la démarche que la Cour devrait adopter à l'égard de ces dispositions, sans voir les documents eux-mêmes. Il a ordonné que ces documents soient placés dans une enveloppe scellée qui serait ouverte par le juge qui serait chargé de les examiner afin de déterminer si le ministre s'était acquitté du fardeau que lui impose l'article 48, c'est-à-dire de prouver que son refus de communiquer les renseignements est justifié en droit.

[7]Par conséquent, j'ai entendu les observations des deux parties sur le contexte factuel du litige, ainsi que sur les dispositions législatives et les principes juridiques applicables. Après avoir pris connaissance de ces observations générales, j'ai examiné les documents avec l'aide de l'avocat du ministre, mais en l'absence de l'avocat du demandeur.

B.    RÉGIME LÉGISLATIF

    (i)  Loi de l'impôt sur le revenu

[8]La déduction à laquelle s'intéresse le Conseil est énoncée aux dispositions suivantes:

8. (1) [. . .]

    c) lorsque le contribuable est membre du clergé ou d'un ordre religieux ou ministre régulier d'une confession religieuse, et qu'il dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d'une congrégation, ou s'occupe exclusivement et à plein temps du service administratif, du fait de sa nomination par un ordre religieux ou une confession religieuse, un montant égal:

        (i) soit à la valeur de la résidence ou autre logement qu'il a occupé en vertu ou au cours de l'exercice de sa charge ou de son emploi, à titre de membre ou ministre qui ainsi dessert un diocèse, une paroisse ou a la charge d'une congrégation, ou est ainsi occupé à un service administratif, dans la mesure où cette valeur est incluse dans le calcul de son revenu pour l'année en vertu de l'article 6.

        (ii) soit au loyer qu'il a payé pour une résidence ou autre logement qu'il a loué et occupé ou à la juste valeur locative d'une résidence ou autre logement lui appartenant et occupé par lui durant l'année, jusqu'à concurrence, dans chaque cas, de la rémunération provenant de sa charge ou de son emploi ainsi qu'il est indiqué au sous-alinéa (i); [soulignement ajouté].

[9]Le paragraphe 24(1) de la Loi sur l'accès à l'information empêche que soient communiqués des renseignements dont la divulgation est interdite en vertu d'une disposition figurant à l'annexe II de la Loi. L'article 241 [mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 137] de la Loi de l'impôt sur le revenu figure dans cette annexe.

241. (1) Sauf autorisation prévue au présent article, il est interdit à un fonctionnaire:

    a) de fournir sciemment à quiconque un renseignement confidentiel ou d'en permettre sciemment la prestation;

    b) de permettre sciemment à quiconque d'avoir accès à un renseignement confidentiel;

    [. . .]

(10) [. . .]

"renseignement confidentiel" Renseignement de toute nature et sous toute forme concernant un ou plusieurs contribuables et qui, selon le cas:

    a) est obtenu par le ministre ou en son nom pour l'application de la présente loi;

    b) est tiré d'un renseignement visé à l'alinéa a).

N'est pas un renseignement confidentiel le renseignement qui ne révèle pas, même indirectement, l'identité du contribuable en cause. [Soulignement ajouté.]

    (ii)  Loi sur l'accès à l'information

[10]Le ministre s'est appuyé sur les dispositions suivantes, individuellement ou conjointement, pour justifier la non-communication des documents demandés par le demandeur.

18. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant:

    [. . .]

    d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement du Canada ou à sa capacité de gérer l'économie du pays, ainsi que ceux dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des avantages injustifiés à une personne. Ces renseignements peuvent notamment porter sur:

    [. . .]

        (iii) les projets de changement des taux tarifaires, des taxes, impôts ou droits ou des autres sources de revenu,

    [. . .]

21. (1) Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents datés de moins de vingt ans lors de la demande et contenant:

    a) des avis ou recommandations élaborés par ou pour une institution fédérale ou un ministre;

    b) des comptes rendus de consultations ou délibérations où sont concernés des cadres ou employés d'une institution fédérale, un ministre ou son personnel;

    [. . .]

23. Le responsable d'une institution fédérale peut refuser la communication de documents contenant des renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client.

24. (1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d'une disposition figurant à l'annexe II.

    [. . .]

25. Le responsable d'une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s'autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d'en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux. [Soulignement ajouté.]

C.    PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES

[11]Il semble que ce soit la première affaire dans laquelle la Cour soit tenue d'examiner la portée des exceptions énoncées aux alinéas 18d) et 21(1)a) de la Loi sur l'accès à l'information. Je m'acquitterai de cette tâche en respectant le cadre des principes juridiques bien établis qui nous renseignent sur le déroulement des procédures de contrôle fondées sur l'article 41, en fonction des faits de l'espèce.

[12]Tout d'abord, il est nécessaire d'examiner la norme de contrôle applicable au refus du ministre de communiquer les renseignements en question. Contrairement à certaines lois provinciales analogues, la Loi sur l'accès à l'information de régime fédéral ne confère pas au commissaire canadien à l'information le pouvoir de décider si un document particulier doit ou non être communiqué. Il lui confère plutôt le pouvoir d'enquêter sur les refus de communiquer les renseignements demandés et de faire des recommandations au responsable d'une institution fédérale, en l'espèce, le ministre des Finances. Étant donné que les recommandations du commissaire n'ont pas d'effet obligatoire, la décision qui fait l'objet du contrôle par la Cour fédérale en vertu de l'article 41 est la décision du ministre et non pas celle du commissaire à l'information.

[13]Les responsables des institutions fédérales ont tendance à justifier les raisons qu'ils invoquent pour ne pas communiquer les renseignements en faisant valoir l'intérêt public et ainsi à interpréter et appliquer la Loi d'une façon qui assure une protection maximale aux renseignements qui sont en leur possession. Par conséquent, il n'y a pas lieu en l'espèce de faire preuve à l'égard de l'interprétation du ministre ou de l'application des exceptions prévues par la Loi du genre de retenue judiciaire que les tribunaux ont quelquefois témoigné à l'égard des décisions prises par les commissaires à l'information et à la protection de la vie privée nommés en vertu de lois provinciales qui confèrent à ces derniers, et non au ministre, le pouvoir de déterminer si les renseignements devraient être communiqués ou non: voir, par exemple, John Doe v. Ontario (Information & Privacy Commissioner) (1993), 13 O.R. (3d) 767 (Cour div.).

[14]Toutefois, même si la Cour est tenue de revoir les décisions du ministre en respectant la norme de la décision correcte, il est certainement approprié de tenir compte du rapport et des recommandations du commissaire à l'information. Le commissaire n'est pas lié au pouvoir exécutif, il est comptable directement au Parlement et il possède une compétence certaine dans l'application de la Loi du fait de son expérience dans la tenue d'enquêtes sur les plaintes faisant suite aux refus de communication.

[15]Deuxièmement, les exceptions prévues par la Loi qui vont à l'encontre de l'obligation générale de communiquer des renseignements doivent être interprétées strictement de façon à ne pas déroger plus qu'il ne faut de l'objectif général clairement énoncé dans la Loi, c'est-à-dire de donner légalement effet au principe général selon lequel les documents de l'administration fédérale doivent être mis à la disposition du public: voir le paragraphe 2(1).

[16]Troisièmement, pour une raison semblable, l'article 48 impose au gouvernement la charge d'établir que le refus de communiquer un document, en totalité ou en partie, est légalement autorisé par l'exception sur laquelle il s'appuie. Donc, pour ce qui a trait à l'exception prévue à l'alinéa 18d), la Cour exigera une preuve convaincante que le ministre a des motifs raisonnables de croire qu'il est légitime de craindre un préjudice probable du genre de ceux qui sont prescrits si les documents en question sont communiqués.

[17]Quatrièmement, la nature de la décision que la Cour devra prendre au terme du contrôle dépend des exceptions précises sur lesquelles le défendeur s'appuie. Certaines exceptions, comme celles qui sont énoncées à l'article 24, sont obligatoires, de sorte que la Cour aura uniquement pour rôle de décider si les renseignements tombent sous le coup de cette exception. Dans l'affirmative, l'affaire sera réglée, et les renseignements ne pourront être communiqués. Dans la négative, la Cour devra en ordonner la communication: Congrès juif canadien c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1996] 1 C.F. 268 (1re inst.), à la page 280.

[18]Toutefois, il y a d'autres exceptions discrétionnaires qui prévoient que le responsable d'une institution fédérale peut refuser de communiquer certains renseignements: l'alinéa 18d), le paragraphe 21(1) et l'article 23 énoncent des exceptions de cette nature. La Cour qui est appelée à contrôler des décisions prises en vertu de dispositions discrétionnaires doit décider non seulement si les renseignements sont visés par la disposition pertinente, mais aussi, dans l'affirmative, si le responsable de l'institution fédérale a légalement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer ces renseignements.

[19]Toutefois, en révisant le pouvoir discrétionnaire exercé en vertu d'une exception discrétionnaire, la Cour ne peut pas décider comment elle l'aurait elle-même exercé, mais simplement déterminer en fonction des principes de droit administratif la légalité de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire par le ministre, à la lumière de l'objet général de la loi et de l'exception particulière. Par conséquent, si la Cour conclut que le pouvoir discrétionnaire a été irrégulièrement exercé, la réparation normalement accordée sera de renvoyer la question au responsable de l'institution fédérale pour une nouvelle décision qui devra être conforme aux motifs de la Cour, et non pas de rendre une ordonnance enjoignant au responsable de communiquer le document: Congrès juif canadien, précité, aux pages 280 à 282.

[20]Cinquièmement, afin de porter atteinte le moins possible au droit du public à l'information, l'article 25 exige que le responsable de l'institution fédérale communique toutes les parties d'un document qui ne renferment pas de renseignements visés par l'exception et qui peuvent raisonnablement en être prélevées.

D.    EXCEPTIONS SOULEVÉES

    (i)  L'alinéa 18d)

[21]Pour justifier la non-communication de plusieurs des documents visés dans la demande du Conseil, le ministre s'est appuyé sur cette disposition mais, pour les documents qu'il retient encore, seulement en combinaison avec le paragraphe 21(1). J'ai conclu que le refus de communication des documents en question peut se justifier en vertu du paragraphe 21(1), et que les parties de ces documents qui devraient être communiquées ne tombent manifestement pas sous le coup de l'alinéa 18d). Néanmoins, je vais reprendre l'argument fondé sur l'alinéa 18d) qui a été soulevé en l'espèce, et la réponse que j'y ai apportée.

[22]Le commissaire à l'information a souscrit à l'avis du ministre selon lequel l'alinéa 18d) était applicable, au motif que la divulgation de ces renseignements risquait vraisemblablement de porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement du Canada parce que cela entraînerait une perte importante de revenus fiscaux. Le commissaire a également été convaincu que le pouvoir discrétionnaire de ne pas communiquer les renseignements protégés avait été exercé de façon régulière.

[23]Dans ses observations, l'avocat s'est appuyé sur l'affidavit de M. Michel Maher, agent de la législation fiscale au ministère des Finances, qui a déclaré qu'il y avait eu une augmentation constante des pertes de revenus résultant du nombre croissant de déductions pour "résidence d'un membre du clergé", malgré la disparition virtuelle des conditions sociales ayant mené à l'adoption de cette disposition, c'est-à-dire l'utilisation régulière, particulièrement dans les paroisses rurales, de la maison du ministre comme bureau non officiel de l'église ou de salle de réunion. M. Maher a déclaré que, si les documents demandés étaient communiqués, le montant des pertes de revenus résultant des réclamations de cette déduction augmenteraient encore pour s'établir à 20 millions de dollars par année.

[24]L'argument présenté au nom du ministre fait valoir que les documents contestés, qui renferment des analyses juridiques et politiques relatives à la déduction, préparées par des fonctionnaires du Ministère, encourageront des particuliers à réclamer cette déduction, alors qu'ils ne se seraient peut-être pas autrement rendu compte que, correctement interprétée, la déduction peut s'appliquer à une catégorie de personnes beaucoup plus large que ce que Revenu Canada a été disposé à reconnaître jusqu'à maintenant. En outre, en s'appuyant sur ces analyses, les contribuables pourraient être en mesure de présenter leur cas d'une façon qui leur permettrait de réclamer la déduction pour des années antérieures.

[25]Je tiens à préciser dès maintenant que cet argument était fondé sur une augmentation appréhendée du nombre de réclamations légitimes fondées sur l'alinéa 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu, et non pas sur la crainte que la communication des renseignements faciliterait l'évasion fiscale du fait de la présentation de fausses réclamations par des particuliers n'y ayant légalement aucun droit.

[26]Il m'est difficile d'accepter que le législateur ait eu l'intention de limiter le droit général du public à l'information en exemptant des renseignements qui sont en possession du gouvernement et qui permettraient à des particuliers de réclamer des déductions fiscales auxquelles ils ont légalement droit.

[27]Par conséquent, je ne suis pas disposé à interpréter les mots "de porter un préjudice appréciable aux intérêts financiers du gouvernement du Canada" comme incluant les pertes de revenus résultant d'une augmentation des réclamations légitimes d'une déduction prévue par la Loi de l'impôt sur le revenu . Si la déduction pour "résidence d'un membre du clergé" n'est pas rédigée de façon satisfaisante compte tenu des conditions actuelles, il incombe au ministère des Finances de proposer des réformes législatives pour régler le problème. Le Ministère ne peut espérer camoufler la fragilité juridique de sa position derrière un écran de secret que la Loi sur l'accès à l'information a pour objectif général de dissiper.

[28]De même, si la communication de ces renseignements encourage les contribuables à réclamer une déduction à laquelle ils ont droit, je ne peux accepter que l'avantage qui en résulterait serait "injustifié" au sens de l'alinéa 18d ).

[29]Cependant, le ministre a présenté un argument plus sérieux en faisant valoir qu'il refuse de communiquer des documents qui renferment des analyses préparées par des fonctionnaires sur différentes options de modifications de la Loi, au motif que les renseignements contenus dans ces documents ont trait à un "projet de changement des [. . .] impôts", et qu'ils tombent sous le coup du sous-alinéa 18d )(iii). La communication de renseignements correspondant à cette description peut à bon droit être refusée si elle risque d'entraîner une perte de revenus pour le gouvernement ou qu'elle représente des avantages injustifiés pour certains particuliers.

    (ii)  Les alinéas 21(1)a) et b)

[30]Malgré l'importance de la transparence gouvernementale comme protection contre les abus de pouvoir et condition nécessaire à la responsabilité démocratique, il est aussi vrai que les gouvernements doivent être autorisés à garder un certain degré de confidentialité dans le processus d'élaboration des politiques. Autoriser ou exiger la communication d'avis donnés par des fonctionnaires, soit à d'autres fonctionnaires soit à des ministres, et la communication de délibérations confidentielles au sein de la fonction publique concernant certaines options politiques, éroderaient la capacité du gouvernement de formuler et de justifier ses politiques.

[31]Cela constituerait un fardeau intolérable que de forcer les ministres et leurs conseillers à soumettre à l'examen du public l'évolution interne des politiques qui sont finalement adoptées. La communication de ces renseignements révélerait souvent que le processus d'élaboration des politiques s'accompagne de faux départs, d'impasses, de mauvais virages, de changements d'orientation, de demandes d'avis ultérieurement rejetés, de réévaluations des priorités et de repondération de l'importance relative des facteurs pertinents au fur et à mesure de l'analyse du problème. Si ce matériau hautement inflammable tombait entre les mains de journalistes ou d'opposants politiques, il pourrait facilement alimenter un brasier capable de détruire rapidement la crédibilité et l'efficacité du gouvernement.

[32]Par ailleurs, bien entendu, les principes démocratiques exigent que le public, et cela signifie souvent les représentants de différents groupes d'intérêts, soit en mesure de participer aussi pleinement que possible à l'élaboration des politiques en exerçant une certaine influence. Sans un certain degré d'ouverture de la part du gouvernement au sujet de sa réflexion sur les questions d'intérêt public, et sans accès aux renseignements pertinents qui sont en possession du gouvernement, l'efficacité de la participation du public sera inévitablement réduite.

[33]Le rapport du commissaire à l'information déclare simplement que certains des renseignements retenus en l'espèce [traduction] "constituent des avis élaborés par les fonctionnaires des ministères aux fins de la prise de décisions" et qu'ils sont donc exclus aux termes de l'alinéa 21(1)a ). D'autres renseignements [traduction] "sont des compte rendus de consultations et de délibérations entre des fonctionnaires du ministère des Finances et ceux de Revenu Canada concernant les dispositions de l'alinéa 8(1)c ) de la Loi de l'impôt sur le revenu", et font donc l'objet de l'exception prévue à l'alinéa 21(1)b ). De nouveau, le commissaire ajoute qu'il est convaincu que le pouvoir discrétionnaire de ne pas divulguer les renseignements tombant sous le coup de ces alinéas a été exercé régulièrement.

[34]La portée du paragraphe 21(1) a fait l'objet d'une question de principe au sujet de laquelle les parties ont avancé différentes opinions à l'audience: il s'agissait de savoir si cette disposition vise des documents internes révélant que les fonctionnaires ont identifié un problème concernant la déduction "pour résidence d'un membre du clergé" selon la définition actuelle de l'alinéa 8(1)c ) de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[35]L'avocat du demandeur prétend que non. Il soutient qu'il est important pour les membres intéressés du public et de différents organismes d'avoir accès à ce type de renseignements de façon à pouvoir présenter des observations au gouvernement pour déterminer si, à leur avis, un problème existe et, dans l'affirmative, quelle est la manière de le résoudre.

[36]Étant donné que la participation des citoyens est vraisemblablement plus efficace s'ils interviennent tôt dans le processus d'élaboration de la politique, il ne faudrait pas interpréter le paragraphe 21(1) plus libéralement que ce que le libellé exige clairement. Après tout, l'un des buts essentiels de la Loi sur l'accès à l'information est de favoriser les fondements démocratiques du gouvernement, et sa responsabilité.

[37]Pour sa part, l'avocat du ministre soutient qu'il est généralement impossible de faire la distinction entre l'identification d'un problème au niveau de la législation et les recommandations de réforme et les conseils sur les options de politique présentées pour résoudre ce problème. Même quand cela n'est pas clairement exprimé, les conseils et les recommandations peuvent être implicites dans la simple identification d'un problème.

[38]Qui plus est, un document interne rédigé par un fonctionnaire, et communiqué à un autre fonctionnaire, qui identifie un problème au niveau de la législation tomberait sous le coup de l'alinéa 21(1)b) comme étant un "compt[e] rend[u] de consultations ou délibérations où sont concernés des cadres ou employés d'une institution fédérale".

[39]Il est difficile de ne pas en venir à la conclusion que l'effet combiné des alinéas 21(1)a) et b) est d'exclure de la communication prévue par la Loi un très grand nombre de documents établis dans les processus internes d'élaboration des politiques d'une institution fédérale. Les documents renfermant des renseignements de nature factuelle ou statistique ou offrant une explication du contexte d'une politique ou d'une disposition législative en vigueur ne sont peut-être pas visés par ces conditions générales. Cependant, la plupart des documents internes qui analysent un problème, en commençant par identifier celui-ci, et qui proposent ensuite un certain nombre de solutions avant de terminer sur des recommandations précises au niveau des changements sont susceptibles de tomber sous le coup des alinéas 21(1)a) ou b).

[40]La Loi accorde donc aux responsables des institutions fédérales, sous réserve d'un pouvoir de contrôle et de recommandation conféré au commissaire à l'information, le pouvoir discrétionnaire de décider lesquels parmi la très grande série de documents tombant sous le coup de ces alinéas peuvent être communiqués sans porter atteinte à l'efficacité du gouvernement. Le rôle de la Cour au niveau du contrôle de l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire est très limité.

    (iii)  Le paragraphe 24(1)

[41]La troisième exception prévue par la Loi sur laquelle s'appuie le ministre en l'espèce interdit la communication de renseignements en contravention de dispositions législatives qui figurent à l'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information. L'article 241 de la Loi de l'impôt sur le revenu figure à cette annexe.

[42]Le paragraphe 241(1) interdit à un fonctionnaire de fournir sciemment des "renseignement[s] confidentiel[s]". Cette expression est définie au paragraphe 241(10) comme étant des renseignements concernant des contribuables et ayant été obtenus par le ministre pour l'application de la Loi mais, et c'est ce qui est important en l'espèce, cette expression ne comprend pas les renseignements "qui ne révèle[nt] pas, même indirectement, l'identité du contribuable en cause".

[43]La demande d'accès à l'information du Conseil incluait des renseignements au sujet des organismes dont les membres avaient réclamé la déduction pour "résidence d'un membre du clergé". Le ministre était disposé à fournir des renseignements sur l'incidence des réclamations, mais non pas le nom des organismes ayant employé des contribuables qui ont réclamé la déduction ou, dans certains cas, le poste occupé par ces contribuables, au motif que bon nombre de ces organismes sont de petite taille, ou de nature locale, et que la communication pourrait indirectement révéler l'identité des contribuables ayant réclamé la déduction.

[44]Le commissaire à l'information a indiqué dans son rapport que le paragraphe 24(1) s'appliquait:

[traduction] Le reste des documents et parties de documents visés par l'exception renferment des renseignements confidentiels relativement à une compagnie autre que votre client.

[45]En principe, il semble manifeste que la communication du nom de l'employeur d'une personne qui a réclamé la déduction est susceptible de révéler l'identité du contribuable concerné. Bien entendu, cela dépend des circonstances particulières, notamment de la taille de l'organisme, du nombre de ses employés et de son rayon d'action plus ou moins local.

[46]J'ajouterai simplement que le maintien de la stricte confidentialité des renseignements sur les contribuables est important, non seulement par mesure d'équité envers les particuliers qui sont tenus par la Loi de fournir des renseignements au ministre, mais aussi en raison des répercussions que peut avoir la communication sur la bonne administration de la Loi de l'impôt sur le revenu. Si les contribuables viennent à douter de la capacité de Revenu Canada d'assurer la confidentialité des renseignements qu'ils lui fournissent au sujet de leurs affaires financières, ils seront peut-être moins portés à fournir les renseignements dont Revenu Canada a besoin pour l'évaluation rapide et exacte de leur responsabilité fiscale.

    (iv)  L'article 23

[47]La quatrième et dernière exception sur laquelle le ministre s'appuie a trait au privilège des communications entre avocat et client. L'article 23 autorise le responsable d'une institution fédérale à refuser la communication de renseignements protégés par le secret professionnel qui lie un avocat à son client. Les parties conviennent que la portée de cette exception est régie par la doctrine du privilège juridique découlant de la common law. L'avocat du ministre a simplement demandé que, dans mon examen des documents au sujet desquels ce privilège est invoqué, je m'assure que ces documents sont véritablement visés par lui, compte tenu du fait que le ministre a antérieurement invoqué le secret professionnel pour certains renseignements, et qu'il s'est par la suite rétracté en indiquant que ses prétentions n'étaient pas justifiées.

[48]Le commissaire à l'information a confirmé le refus de communiquer les documents au sujet desquels on avait invoqué l'exception visée à l'article 23 au motif que:

[traduction] Les renseignements sont de nature confidentielle et les communications ont eu lieu par suite d'une demande d'avis juridique.

Il s'est également dit convaincu qu'en refusant de communiquer ces renseignements le ministre avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire.

E.    LES DOCUMENTS EXAMINÉS

    (i)  L'alinéa 18d)

[49]Le ministre ne s'est pas appuyé sur cet alinéa seul pour justifier son refus de communiquer les documents. Étant donné que j'ai conclu que le refus de communiquer la totalité ou une partie de ces documents est justifié en vertu du paragraphe 21(1), il n'est pas nécessaire que je décide si la prétention fondée sur l'alinéa 18d) a été faite à bon droit.

    (ii)  Les alinéas 21(1)a) et b)

[50]Le ministre s'appuie sur l'un de ces alinéas ou sur les deux concernant les renseignements figurant aux pages 1 à 77 et 149 à 150 de la liasse de documents que j'ai examinés. Après avoir examiné ces documents, je suis convaincu que, sauf pour trois exceptions, les renseignements qui n'ont pas été communiqués sont visés par les exceptions décrites dans ces alinéas.

[51]Les exceptions portaient aussi sur les renseignements suivants qui me semblent manifestement de nature factuelle, et qui ne tombent donc pas sous le coup des alinéas 21(1)a) ou b).

a) page 24, premier paragraphe en entier: ce paragraphe décrit simplement un changement social bien connu qui s'est produit au Canada et qui est manifestement important pour être en mesure de bien comprendre l'alinéa 8(1)c). L'alinéa 18d) n'est clairement pas pertinent à cet égard.

b) page 69, à l'exception du dernier paragraphe et de la dernière phrase de l'avant-dernier paragraphe: cette page décrit les résultats de certains appels fiscaux, et comprend un énoncé de l'intention attribuée au législateur au moment de l'adoption de l'alinéa 8(1)c).

c) page 74, dernier paragraphe: ce paragraphe décrit le rôle du Conseil et la stratégie qu'il a adoptée sur cette question.

[52]Dans la mesure que je viens d'indiquer, donc, ces renseignements n'étaient pas visés par les exceptions décrites dans ces alinéas et la décision de ne pas les divulguer était erronée.

[53]Finalement, à la lumière de l'affidavit de M. Maher, du rapport du commissaire à l'information et de mon examen des documents, je n'ai aucune raison de croire que le ministre a exercé illégalement son pouvoir discrétionnaire de refuser de communiquer les renseignements qui sont visés par ces alinéas.

    (iii)  L'article 24

[54]Les pages 82 à 97, au sujet desquelles une exception a été invoquée, renferment deux catégories de renseignements. Le ministre prétend que ces deux catégories de renseignements ne peuvent être communiquées parce qu'il s'agit de "renseignements confidentiels" au sens du paragraphe 241(10) de la Loi de l'impôt sur le revenu .

[55]La première catégorie de renseignements comprend un résumé des réclamations contestables qui ont été faites au cours d'une année concernant la déduction pour "résidence d'un membre du clergé", et inclut le numéro d'identification des contribuables qui ont réclamé la déduction, leur niveau de salaire, ainsi que le nom des organismes qui les employaient. Dans certains cas, le poste que le contribuable occupait figurait également dans les renseignements qui n'avaient pas été communiqués. La deuxième catégorie est une liste des noms des organismes qui ont été acceptés comme des ordres religieux pour les fins de l'alinéa 8(1)c ) de la Loi de l'impôt sur le revenu et une description de leurs activités.

[56]Pour ce qui concerne la première catégorie de renseignements, j'ai consulté les renseignements contenus dans les documents eux-mêmes au sujet du nombre d'employés de certains des organismes où travaillaient les contribuables qui ont réclamé la déduction. Je suis convaincu que la plupart de ces organismes sont tels, soit du fait de leur taille, soit du fait de leur situation géographique, qu'il existe un risque véritable que l'identité des contribuables qui ont réclamé la déduction puisse être déduite si le nom de leurs employeurs et le poste qu'ils occupaient étaient communiqués.

[57]Les renseignements numériques n'étaient pas disponibles pour la totalité des organismes pour lesquels travaillaient les contribuables qui ont réclamé la déduction dans l'année en question. Toutefois, en m'appuyant sur les renseignements numériques dont je disposais au sujet d'autres personnes, et à partir des inférences que j'ai tirées des noms de certains de ces organismes, je suis disposé à supposer qu'il y a un degré inacceptable de risque que la communication des renseignements refusés révèle indirectement l'identité des contribuables qui ont réclamé la déduction. Pour ce qui a trait aux quelques très grands organismes désignés, il est clair qu'il s'agit presque certainement de sociétés ou d'œuvres de bienfaisance enregistrées et donc de contribuables au sens de la Loi de l'impôt sur le revenu. Communiquer les renseignements obtenus par le ministre à leur sujet révélerait inévitablement leur identité.

[58]Par conséquent, je conclus que le ministre a eu légalement raison de ne pas communiquer ces renseignements.

[59]La deuxième catégorie de renseignements qui se trouve aux pages 82 à 97 désigne les employeurs des contribuables qui ont réclamé la déduction et que Revenu Canada a acceptés comme ordres religieux pour les fins de l'alinéa 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Des renseignements semblables sont contenus aux pages 99 et 100.

[60]Encore une fois, puisque la communication du nom des employeurs pourrait indirectement révéler l'identité des contribuables, je suis convaincu que le ministre a eu raison de refuser de communiquer ces renseignements.

[61]Les pages 120 à 147 sont des documents qui identifient et décrivent les organismes qui ont été acceptés comme ordres religieux, et dont les employés ont réclamé la déduction. La nature de certaines de ces réclamations est décrite en détail. Les renseignements non communiqués me semblent tomber sous le coup de l'article 24 comme étant des "renseignements confidentiels" parce qu'ils pourraient être utilisés pour identifier ceux qui ont réclamé cette déduction.

    (iv)  L'article 23

[62]Le document figurant aux pages 101 à 118 traite de la portée de l'alinéa 8(1)c) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il s'agit d'un avis juridique donné, sur demande, par le ministère de la Justice, et par conséquent, il s'agit d'une exception établie par l'article 23. Même si cet avis a été donné il y a 15 ans, il traite de questions qui sont toujours d'actualité et, par conséquent, le ministre n'a pas commis d'erreur évidente en décidant de ne pas communiquer ces renseignements, dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire.

F.    CONCLUSION

[63]À l'exception des documents figurant aux pages 24, 69 et 74 de la liasse de documents qui, selon ma décision, ne sont pas visés par les exceptions invoquées aux termes des alinéas 21(1)a) ou b), à mon avis, le ministre pouvait ou devait refuser de communiquer ces documents au demandeur.

[64]Pour ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est accueillie pour ce qui a trait à la décision de ne pas communiquer les renseignements dont il est question ci-dessus. J'ordonne au ministre de communiquer les renseignements qui ne sont pas visés par l'une ou l'autre des exceptions prévues par la Loi. À tous autres égards, la demande est rejetée.

[65]Les avocats ont indiqué qu'ils souhaitaient présenter des observations sur la question des dépens. Ces observations seront soumises par écrit à la Cour au plus tard 14 jours suivant la date des présents motifs.

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