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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention

Pacificador c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)

IMM-4057-02

2003 CF 1462, juge Heneghan

12-12-03

31 p.

Le demandeur sollicitait le contrôle judiciaire d'une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) selon laquelle il n'était pas un réfugié au sens de la Convention--Le demandeur, un ressortissant des Philippines, avait quitté ce pays le 15 mars 1986--Le 29 septembre 1987, il revendiquait au Canada le statut de réfugié au sens de la Convention, en alléguant ses attaches politiques et son appartenance à un groupe social (une famille dont les attaches politiques étaient connues)--Le demandeur affirme que la poursuite est en réalité politiquement motivée et qu'elle est commanditée par ses rivaux politiques--Une élection présidentielle nationale s'est déroulée en février 1986 aux Philippines--Le demandeur et sa famille soutenaient le président Ferdinand Marcos--La famille Javier, rivaux politiques dans la province d'Antique, soutenaient Corazon Aquino--Plus tard cette année-là, Corazon Aquino était déclaré présidente--Le 11 février 1986, Evelio Javier, frère d'Ezekiel Javier, gouverneur de la province d'Antique, était assassiné--Le demandeur a été inculpé du meurtre--Il est maintenant recherché aux Philippines en rapport avec ce meurtre--Il proteste de son innocence--La Commission a estimé que la Convention relative au statut des réfugiés n'avait pas pour effet d'exclure le demandeur de la protection accordée aux réfugiés--La Commission a estimé qu'il n'y avait aucun motif sérieux de penser que le demandeur avait commis un crime de droit commun--Elle a aussi jugé que la présomption selon laquelle un système judiciaire étranger est juste et impartial ne s'appliquait pas pour l'heure aux Philippines--Elle a jugé ensuite que le demandeur n'avait aucune raison objective de craindre la persécution aux Philippines, et cela parce que les gens riches et influents tels que le demandeur profitent de la corruption du système judiciaire et ne sont pas les victimes de brutalités policières-- Les arguments du demandeur relatifs aux présumées violations du devoir d'équité soulèvent deux questions-- D'abord, il est bien établi que la Commission est maîtresse de ses propres procédures, y compris des demandes de remise-- La requête présentée par le demandeur à la Commission pour qu'elle attende que la Cour d'appel de l'Ontario se prononce avant qu'elle-même ne rende sa décision concernant son extradition participait d'une demande de remise--La Commission n'était pas tenue d'accorder cette requête, encore qu'il eût sans doute été prudent de le faire--Le deuxième point qui découle des arguments du demandeur est le fait que la Commission a rendu sa décision avant que l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario ne lui ait été notifié--La Commission a signé ses motifs le 19 juillet 2002, et le demandeur a notifié à la Commission le 6 août 2002 l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario daté du 1er août 2002--Selon l'arrêt Tambwe-Lubemba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 11 Imm. L.R. (3d) 175 (C.A.F.), une décision est «rendue» par la Commission le jour où elle signe ses motifs--La Commission n'avait donc pas le pouvoir de considérer l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario lorsque cet arrêt lui a été notifié le 6 août 2002--Le demandeur soutient aussi que la Commission a commis une erreur parce qu'elle n'a pas tenu compte des preuves postérieures à l'audience, c'est-à-dire de l'affidavit qu'il avait produit le 16 avril 2002, accompagné d'autres éléments relatifs au procès de son père en rapport avec le meurtre de Pangpang--Le demandeur n'a pas prouvé que ces preuves avaient été ignorées par la Commission--Si la Commission ne s'est pas référée à chaque élément de preuve, cela ne veut pas dire qu'elle n'en a pas tenu compte--La Commission est présumée avoir évalué et considéré toutes les preuves produites, à moins que le contraire ne soit établi--La conclusion selon laquelle une preuve par affidavit postérieure à l'audience a été ignorée parce que la Commission n'en a pas fait état dans ses motifs ne s'impose pas ici, parce que la preuve par affidavit se bornait à expliciter ce que le demandeur avait déjà présenté-- Le troisième argument soulevé par le demandeur concerne la conclusion de la Commission selon laquelle il n'avait pas établi le fondement objectif de sa revendication--Si la Commission est arrivée à cette conclusion, c'est parce qu'elle a estimé que, bien que le système judiciaire des Philippines soit corrompu et inéquitable et qu'il ne soit pas exempt de torture et de brutalités policières, d'autres éléments de preuve montraient que les gens riches et influents pouvaient manipuler à leur avantage ce système judiciaire corrompu-- La Commission a estimé que le demandeur entrait dans ce groupe de gens qui pouvaient échapper aux exactions en usant de leur pouvoir, de leur influence et de leur fortune--Selon le demandeur, il s'agit là d'une conclusion de fait abusive--Il revient au revendicateur du statut de réfugié d'établir à la fois le fondement objectif et le fondement subjectif de sa revendication--La décision de la Commission doit reposer sur la preuve--La Commission a commis une erreur lorsqu'elle est arrivée à la conclusion que le demandeur n'était pas exposé à une possible persécution aux Philippines, et cela parce qu'elle s'est limitée à comparer le demandeur à une seule autre personne dans le même cas que lui, en l'occurrence son père--La faille portait sur la définition trop étroite du groupe témoin--La Commission aurait dû plutôt considérer le fondement objectif de la crainte de persécution du demandeur sous l'angle de son appartenance à un groupe composé de personnes qui aux Philippines sont poursuivies pour des motifs politiques et dont les poursuites semblent entachées de corruption--Le fait que le père du demandeur n'ait pas été maltraité ou torturé ne disposait pas de la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur--Cette erreur suffit à faire droit à la demande de contrôle judiciaire--Le dernier argument soulevé par le demandeur portait sur la relation entre d'une part la procédure d'extradition et l'opposition de la personne concernée à cette procédure, et d'autre part la décision qui fait suite à une revendication du statut de réfugié--L'extradition est reconnue comme une forme particulière de coopération entre États dans la mise en application des lois pénales--En l'espèce, la Commission avait connaissance de la procédure d'extradition qui avait été engagée--Cette procédure faisait partie de l'ensemble des faits qui lui avaient été signalés--Cependant, la Commission n'avait pas devant elle l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario lorsqu'elle a rendu sa décision, et donc cet arrêt ne faisait évidemment pas partie des fondements de sa décision concernant la revendication du statut de réfugié présentée par le demandeur--Ce n'est d'ailleurs pas ce qui permet d'affirmer que la Commission a rendu une décision erronée-- L'existence d'une procédure d'extradition, assortie d'une demande de reconnaissance de droits prévus par la Charte canadienne des droits et libertés devant les tribunaux compétents, peut se révéler une preuve utile dans d'autres affaires portant sur le statut de réfugié--Les décisions se rapportant aux preuves de ce genre seront sujettes à contrôle judiciaire selon les moyens que prévoit la loi applicable-- Demande de contrôle judiciaire accueillie--Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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