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LIBÉRATION CONDITIONNELLE

McMurray c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles)

T-266-03

2004 CF 462, juge Russell

26-3-04

45 p.

Contrôle judiciaire de la décision de la section d'appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles (CNLC) de refuser d'entendre un appel présenté en vertu de l'art. 147 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC)--Appel portait sur une décision antérieure de la Commission nationale des libérations conditionnelles qui imposait au demandeur une condition en matière de résidence en vertu d'un pouvoir qu'elle prétendait détenir aux termes de la LSCMLC--Le demandeur est un délinquant à contrôler au sens des art. 753.1 et 753.2 du Code criminel et de la partie II de la LSCMLC--Le demandeur en est à sa première incarcération, il a été reconnu coupable de cinq chefs d'agression sexuelle sur des adolescents--Il a été condamné à une peine de quatre ans d'emprisonnement-- Crédit accordé pour les périodes de détention antérieures--La Cour a prescrit que, conformément à l'art. 753.2 du Code criminel, à la fin de sa peine, le demandeur ferait l'objet d'une ordonnance de surveillance à long terme dans la collectivité pour une période de cinq ans--La CNLC a décidé d'imposer un certain nombre de conditions spéciales, notamment la condition de résidence contestée, censément en vertu de l'art. 134.1(2) de la Loi, à savoir: le délinquant est tenu de résider dans un centre correctionnel communautaire-- Condition réitérée dans le certificat de surveillance de longue durée--Position de la CNLC: les conditions dont était assortie la surveillance de longue durée n'étaient pas susceptibles de révision par la section d'appel--La condition de résidence vise à favoriser une surveillance plus étroite du demandeur et à l'obliger à rendre des comptes--La condition de résidence restreint grandement la liberté du demandeur car il est tenu de passer la nuit au Keele Correctional Centre et il est obligé de respecter un couvre-feu et diverses règles strictes--Le demandeur affirme qu'il s'agit d'une forme de réincarcération modifiée, qu'il s'est senti stigmatisé, intimidé par les autres résidents de l'établissement--Un des objectifs officiels du système correctionnel est de faciliter la réinsertion sociale des délinquants ainsi que leur réintégration dans la collectivité-- Présomption en faveur de la liberté--Principe général: les délinquants ont la possibilité de faire réviser les décisions de la CNLC--Le paragraphe 134.1(2) donne à la Commission le pouvoir d'établir, quant au délinquant soumis à une surveillance de longue durée, les conditions «qu'elle juge raisonnables et nécessaires pour protéger la société et favoriser la réinsertion sociale du délinquant»--La loi ne donne pas expressément à la Commission le pouvoir d'imposer au contrevenant des conditions de résidence-- L'art. 135.1(1)c) autorise la Commission à assigner à résidence dans un lieu précis un délinquant soumis à une surveillance de longue durée qui a violé une des conditions de sa surveillance ou est sur le point de le faire--Le demandeur affirme que la maxime juridique expressio unius est exclusio alterius est applicable--Le législateur a adopté une disposition législative autorisant expressément l'imposition d'une condition de résidence aux délinquants qui obtiennent leur libération d'office--Le demandeur a purgé sa peine au complet--Le demandeur renvoie à l'art. 7 de la Charte en faisant valoir que le choix d'un lieu pour établir sa demeure est, de la même façon, une décision essentiellement privée qui tient de la nature même de l'autonomie personnelle--Le demandeur affirme que la Cour a le pouvoir, en vertu de l'art. 24(1) de la Charte, d'accorder une réparation appropriée fondée sur la violation alléguée de l'art. 7--Quant au principe expressio unius est exclusio alterius, le défendeur renvoie à l'affaire R. c. V. M., [2003] O.J. no 436 (QL), au paragraphe 143 dans laquelle la juge Wilson a souligné que [] «il serait peu logique que la CNLC ait le pouvoir d'imposer des conditions en matière de résidence aux délinquants ordinaires faisant l'objet d'une libération conditionnelle et qu'elle n'ait pas le pouvoir de rendre des ordonnances comparables à l'égard des délinquants qui représentent un grave danger et qui ont des besoins importants»--Le défendeur soutient que le principal objectif de la loi est le maintien d'une société juste, paisible et sûre et que c'est donc en fonction de ce principe directeur qu'il convient d'interpréter l'art. 134.1(2)--Dans l'affaire V.M., la juge Wilson déclaré que si la CNLC n'avait pas le pouvoir d'imposer des conditions de résidence dans une ordonnance de surveillance de longue durée, le risque que posent de nombreux délinquants ne pourrait alors être maîtrisé au sein de la collectivité et qu'ils seraient déclarés délinquants dangereux--La juge a conclu qu'il s'agirait là d'un résultat absurde--Dans l'arrêt R. c. Johnson, [2001] B.C.J. no 2021 (QL), le juge Ryan a expliqué que, en vertu de la loi actuelle, le délinquant qui, même s'il est incurable, pourra être contrôlé de façon sécuritaire dans la collectivité, peut maintenant faire l'objet d'une déclaration de délinquant à contrôler plutôt que de délinquant dangereux--Selon la défenderesse l'imposition de conditions relatives à la résidence aux délinquants à contrôler relie les notions de protection du public et de réduction du recours à l'incarcération--La défenderesse prétend que l'art. 99.1 de la LSCMLC indique clairement que les art. 146 et 147 (l'accès des délinquants à la Section d'appel) ne s'appliquent pas aux délinquants à contrôler--Le défendeur affirme que le seul droit qu'a le demandeur est de présenter à la Cour fédérale une demande de contrôle judiciaire de la décision du tribunal qui l'a déclaré être un délinquant à contrôler--Le demandeur affirme que la norme de contrôle appropriée de la décision de la CNLC d'imposer des conditions de résidence est celle du caractère raisonnable et que les tribunaux doivent faire preuve de retenue à l'égard de ce genre de décision, tandis que le défendeur affirme que la norme de contrôle appropriée est celle du caractère manifestement déraisonnable--La condition de résidence était raisonnable et nécessaire compte tenu qu'une évaluation phallométrique a montré que le demandeur réagissait par une excitation déviante à des stimulus montrant des adolescents--Forte probabilité que le demandeur récidive --Dans le cas où la Cour jugerait que l'affaire met en jeu un aspect du droit à la liberté protégé par la Charte, la restriction dont ce droit est l'objet est conforme aux règles de la justice fondamentale--Une ordonnance de surveillance de longue durée n'est pas une forme de mise en liberté sous condition comparable à la libération conditionnelle--Elle prend effet après la date d'expiration du mandat d'incarcération d'un délinquant lorsque ce dernier représente encore un danger pour la collectivité--L'ordonnance de surveillance de longue durée est comparable à une situation de délinquant dangereux mais n'exige pas l'imposition d'une sentence de durée indéterminée--Condition de résidence est directement reliée à la protection de la société--Le demandeur est un délinquant sexuel qui n'a pas reçu de traitement, il faut donc circonscrire le danger qu'il représente pour le public--Demande rejetée-- La seule question soulevée par le demandeur susceptible d'être examinée par la Cour est la validité de la décision qu'a prise la section d'appel de refuser d'entendre l'appel du demandeur--Le pouvoir de la CNLC d'imposer une condition de résidence au demandeur n'a pas de lien avec l'examen du pouvoir de la section d'appel d'entendre l'appel du demandeur--Le demandeur a sollicité l'autorisation de proroger le délai accordé pour présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision d'imposer une condition de résidence mais aucun motif susceptible de justifier une prorogation du délai ou la modification de la présente demande n'a été présenté--La décision bien fondée est la norme de contrôle applicable--Les délinquants à contrôler qui se trouvent dans la situation du demandeur ne sont pas visés par la définition de «délinquant» prévue à la partie II de la LSCMLC et il faut se référer à l'art. 99.1--La Cour estime que le contexte, l'économie générale, l'objet et le sens ordinaire des mots indiquent que l'art. 99.1 fait référence à des dispositions particulières dans le but de préciser, lorsque cela n'est pas évident, que ces dispositions s'appliquent aux délinquants à contrôler «avec les adaptations nécessaires»--Si le législateur avait eu l'intention de rendre les art. 146 et 147 applicables aux délinquants à contrôler, il l'aurait dit expressément dans l'art. 99.1--L'argument suivant est encore plus déterminant: les dispositions relatives au processus de révision qui se trouvent à la partie II commencent à l'art. 140 et se poursuivent jusqu'à l'art. 147--Le processus d'appel fait partie du mécanisme normal de révision mais l'art. 99.1 énonce que les art. 140 à 145 s'appliquent aux délinquants à contrôler--Pourquoi ne pas insérer les art. 146 et 147 dans l'art. 99.1, si le législateur avait eu l'intention de donner aux délinquants à contrôler le droit d'interjeter appel devant la section d'appel?--Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 99.1, 134.1(2), 135.1(1)c), 137, 140, 141, 142, 143, 144, 145, 146, 147--Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, et ses modifications, art. 753.1, 753.2--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie 1 de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7, 24.

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