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[2017] 2 R.C.F. F-11

Transports

Appel interjeté à l’encontre d’une décision par laquelle l’Office des transports du Canada a rejeté la plainte pour pratiques discriminatoires déposée par l’appelant en vertu de l’art. 67.2(1) de la Loi sur les transports au Canada, L.C. 1996, ch. 10 (la Loi), contre l’intimée Delta Air Lines, Inc. — L’Office a rejeté la plainte pour le motif préliminaire que l’appelant n’avait pas la qualité pour déposer cette plainte — L’appelant a déposé une plainte alléguant que certaines pratiques de l’intimée à l’égard des personnes « de grande taille (obèses) » sont discriminatoires — L’appelant s’est appuyé sur un courriel envoyé par un agent du service à la clientèle de l’intimée — L’Office a jugé entre autres que, même si l’appelant n’était pas tenu de faire partie du groupe faisant l’objet de discrimination, il devait néanmoins avoir un « intérêt suffisant » — Il a conclu que l’appelant ne pouvait pas invoquer la qualité pour agir dans l’intérêt public pour présenter sa plainte à l’Office — Il s’agissait de savoir si l’Office a commis une erreur en appliquant les règles de droit commun relatives à la qualité pour agir à une plainte à l’égard de conditions discriminatoires en vertu de l’art. 67.2(1) de la Loi et de l’art. 111(2) du Règlement sur les transports aériens, DORS/88-58 — L’Office a commis une erreur de droit et a rendu une décision déraisonnable en rejetant la plainte jugeant que l’appelant n’avait pas la qualité pour agir — La justification qui sous-tend la règle de la qualité pour agir a toujours été la préoccupation de l’utilisation des ressources judiciaires limitées et la nécessité qui en découle d’éliminer les instances présentées par les personnes qui n’ont pas un intérêt juridique personnel direct dans l’affaire — De telles préoccupations se justifient dans un contexte judiciaire — Cependant, il est loin d’être évident que ces règles strictes établies dans le contexte judiciaire devraient être appliquées avec la même rigueur par un organisme administratif chargé d’agir dans l’intérêt public — L’Office a commis une erreur en superposant la jurisprudence en matière de qualité pour agir au régime réglementaire instauré par le législateur — L’Office n’est pas un tribunal judiciaire et fait partie du pouvoir exécutif — La Loi fait une distinction entre les « plaintes » et les « demandes » — L’expression « toute personne » à l’art. 67.1 et à l’art. 67.2(1) est l’expression pertinente en l’espèce et renvoie aux personnes qui peuvent déposer une plainte à l’Office — Le terme « toute personne lésée » qui figure à l’art. 67.1b) et à l’art. 86(1)h)(iii) est plus restrictif et indique qui peut obtenir une compensation monétaire — L’emploi de ces expressions confirme l’intention du législateur de faire une distinction entre les personnes qui peuvent formuler une plainte en vue d’obtenir une réparation personnelle et celles qui peuvent le faire par principe — En l’espèce, il incombe à l’Office d’intervenir dès que possible, afin de prévenir les préjudices que pourraient causer des conditions de transport déraisonnables et injustement discriminatoires — De ce point de vue, le fait qu’un plaignant n’ait pas été directement lésé, et même qu’il n’ait pas la qualité pour agir dans l’intérêt public, ne devrait pas être déterminant — L’Office ne peut pas refuser d’examiner une plainte simplement parce que le plaignant ne satisfait pas aux exigences visant la qualité pour agir qui ont été adoptées par les tribunaux de droit privé — Ce faisant, l’Office a entravé son pouvoir discrétionnaire de manière déraisonnable — Appel accueilli.

Lukács c. Canada (Office des transports) (A-135-15, 2016 CAF 220, juge de Montigny, J.C.A., jugement en date du 7 septembre 2016, 16 p.)

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