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[2017] 3 R.C.F. F-8

Droit constitutionnel

Charte des droits

Requêtes en radiation de déclarations déposées dans deux procédures dans lesquelles les demandeurs ont présenté leurs réclamations respectives sous forme de recours collectifs envisagés — Chaque déclaration faisait valoir une cause d’action fondée sur une violation de la Charte canadienne des droits et libertés et cherchait à obtenir des dommages-intérêts en vertu de l’art. 24(1) de celle-ci — Les groupes envisagés de requérants étaient des détenus fédéraux dont les droits à la procédure d’examen expéditif ont été supprimés par l’application rétrospective de la Loi sur l’abolition de la libération anticipée des criminels, L.C. 2011, ch. 11 — La tentative du législateur d’appliquer la modification législative de manière rétrospective a finalement été jugée inconstitutionnelle, car, dans le cas du demandeur Whaling, elle violait les droits garantis par l’art. 11h) de la Charte de trois détenus qui avaient déjà été condamnés à ne pas être punis pour la même infraction (Canada (Procureur général) c. Whaling, 2014 CSC 20, [2014] 1 R.C.S. 392) — Dans le cas du demandeur Liang, la violation découlait de l’art. 11i) de la Charte qui accorde au coupable le droit de bénéficier de la peine la moins sévère face aux modifications législatives entre la date de la perpétration de l’infraction et celle de la sentence (Liang c. Canada (Procureur général), 2014 BCCA 190) — Malgré la détermination préalable de violations de la Charte, le défendeur a déposé une requête en radiation des actions au motif que les déclarations ne révélaient aucune cause d’action valable; il a fait valoir de plus que les déclarations ne suffisaient pas à surmonter l’immunité parlementaire pour les conséquences découlant de l’adoption d’une loi inconstitutionnelle — Le défendeur a également fait valoir que les actions étaient prescrites et devaient être radiées pour fin de non-recevoir et abus de procédure — Les demandeurs ont déposé des déclarations modifiées pour appuyer davantage leurs causes d’action envisagées — Il s’agissait de savoir si la requête en radiation devait être autorisée; si les actions étaient prescrites; et si les actions devaient être radiées pour fin de non-recevoir et abus de procédure — Les demandeurs se sont appuyés sur des références générales de l’arrêt Mackin c. Nouveau-Brunswick, 2002 CSC 13, [2002] 1 R.C.S. 405 pour faire valoir que la Cour devrait, à ce stade précoce, entendre la cause d’action selon les réalités politiques pratiques et ne pas tenir compte de la séparation de jure des responsabilités — L’arrêt Henry c. Colombie-Britannique (Procureur général) 2015 CSC 24, [2015] 2 R.C.S. 214 a établi la nécessité de présenter des actes de procédure adéquats dans le contexte d’une action en dommages-intérêts fondée sur la Charte découlant d’une présumée conduite blâmable de la poursuite et de préciser des faits qui, s’ils étaient prouvés, seraient suffisants pour établir que la conduite de l’État atteignait le seuil de gravité requis — Le défaut d’agir ainsi portait un coup fatal à la demande — Bien que les allégations d’imprudence, de mauvaise foi et d’abus de pouvoir des demandeurs aient semblé acceptables et abordaient la question de l’immunité parlementaire, ces allégations étaient insuffisantes en soi pour faire rejeter la requête — Les déclarations finales doivent être étayées par la présentation de faits pertinents, mais les présents actes de procédures ne répondaient pas à ce critère — Les demandeurs ont soutenu que les faits pertinents requis se trouvent dans la référence à la phrase [traduction] « proposer un projet de loi et adopter une loi que [le défendeur] savait ou aurait dû savoir qu’elle était inconstitutionnelle et porterait atteinte aux droits de ceux auxquels elle s’appliquait et a agi ainsi motivé par l’intérêt personnel » — Cette déclaration ne constituait pas une conclusion appuyée par la preuve et ne suffisait pas à informer le défendeur des preuves qu’il devait produire — L’acte de procédure modifié constituait une allégation factuellement non étayée selon laquelle le défendeur a adopté une modification législative qu’il savait ou aurait dû savoir qu’elle était inconstitutionnelle — L’acte de procédure ne contenait pas d’allégation de fait pertinent tendant à établir le seuil de responsabilité nécessaire pour obtenir des dommages-intérêts en vertu de la Charte en raison de l’adoption de la loi inconstitutionnelle — Il n’existe pas de critère de démarcation nette pour fonder une déclaration de responsabilité dans des causes comme la présente instance qui découle de l’arrêt Mackin — Ce qui ressort de l’opinion majoritaire dans l’arrêt Mackin, c’est l’incertitude quant à savoir où les limites de l’immunité dans la prise de mesures législatives commencent et se terminent — Une discussion sur les principes de justiciabilité guidant essentiellement toute intrusion judiciaire dans les tâches parlementaires est également absente de l’arrêt Mackin — Dans le contexte de la recherche de l’intention du législateur en adoptant une loi, des questions surgissent qui ne se prêtent pas facilement à une détermination judiciaire ou dont une détermination judiciaire n’est pas appropriée ou qui ne sont pas justiciables — La Cour a examiné les approches possibles pour déterminer la possibilité d’accorder des dommages-intérêts en vertu de la Charte — La protection des droits constitutionnels et la nécessité d’un gouvernement efficace constituent des intérêts opposés lorsqu’il convient de déterminer la disponibilité d’une indemnité lorsque des droits garantis par la Charte ont été violés — La division dans le raisonnement de la Cour suprême du Canada sur la disponibilité d’un recours en dommages-intérêts fondés sur la Charte face à la common law et aux immunités légales qui protègent les acteurs de l’État est profonde — Les observations orales des demandeurs quant à la combinaison des fonctions exécutives et législatives n’avaient aucune chance de réussite puisque la législation faisant l’objet de la présente action envisagée a été adoptée par un gouvernement minoritaire avec le soutien des membres de l’opposition; de plus, rien dans les déclarations envisagées ne formulait la théorie de la responsabilité nouvellement avancée par les demandeurs — Par conséquent, les déclarations actuellement constituées ne respectaient pas les critères juridiques énoncées dans l’arrêt Henry — Par conséquent, elles ont été radiées intégralement, mais l’autorisation de les modifier a été accordée — En ce qui concerne la défense portant sur la prescription, les faits générateurs invoqués par les demandeurs ne sont pas survenues dans une province où un membre du groupe en particulier se trouvait au moment de l’adoption de la loi contestée — Ils ne sont pas survenues dans une province, comme le prévoit l’art. 39(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7; par conséquent, ces faits générateurs étaient assujetties à un délai de prescription de six ans — Étant donné que les recours collectifs envisagés ont été intentés en réponse à une mesure parlementaire, en vertu d’une loi fédérale inconstitutionnelle et en raison de la perte d’un droit garanti par une loi fédérale, les demandes peuvent être considérées uniquement comme n’étant pas survenues dans la province — Même si la date la plus rapprochée avait été choisie pour faire naître les causes d’action (la date d’entrée en vigueur de la législation contestée), ces causes n’étaient pas frappées de prescription pour les demandeurs et les autres membres des groupes envisagés — L’argument que les actions devraient être radiées selon les principes de fin de non-recevoir et d’abus de procédure a été rejeté — Bien que les exigences techniques pour établir la fin de non-recevoir de la cause d’action étaient présentes en l’espèce, le moyen de défense ne devrait pas être appliqué aux présentes instances — La Cour détient toujours un pouvoir discrétionnaire résiduel pour appliquer les moyens de défense fondés sur la fin de non-recevoir ou l’abus de procédure — Si les actions sont reconstituées avec les actes de procédure appropriés et qu’elles sont finalement autorisées à titre de recours collectif, il serait inapproprié de les interdire sur le fondement des moyens de défense invoqués — Les membres des catégories envisagées ne devraient pas être lésés par la conduite du litige de la part des plaignants qui les représentent; en outre, les plaignants représentants ont rencontré des difficultés pratiques lorsqu’ils ont voulu initialement contester la constitutionnalité de la loi — Ces questions exigent que les personnes visées par le retrait inconstitutionnel de l’accès à la libération conditionnelle anticipée ne soient pas privées de la possibilité de demander une réparation en dommages-intérêts pour fin de non-recevoir et abus de procédure — Requêtes accordées sous réserve des droits des demandeurs de modifier les actes de procédure et de les présenter de nouveau.

Whaling c. Canada (Procureur général) (T-455-16, T-456-16, 2017 CF 121, juge Barnes, jugement en date du 31 janvier 2017, 21 p.)

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