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PRATIQUE

Modification des délais

Apv Canada Inc. c. M.R.N.

01-T-22

2001 CFPI 737, juge Pelletier

3-7-01

19 p.

Requête visant à obtenir une ordonnance prorogeant le délai fixé pour introduire une demande de contrôle judiciaire visant environ 1 500 décisions--Aux termes d'une publication datée du 21 juillet 1990, le ministre a ajouté rétroactivement au 1er janvier 1988 les «robinets rotatifs» à la liste de machines et appareils soustraits au tarif--Cet ajout rétroactif a déclenché une avalanche de demandes de remboursement, ce qui explique une partie des 1 500 demandes en litige--Seulement 200 remboursements ont été accordés--Un certain nombre de demandes ont été refusées au motif que les «robinets rotatifs» désignaient exclusivement les «distributeurs rotatifs», certaines ont été refusées pour la simple raison que les «robinets à tournant, à boisseau ou à papillon» ne sont pas des «robinets rotatifs» et d'autres ont été refusées «par suite des renseignements complémentaires communiqués par le Conseil consultatif en machinerie et équipement»--La thèse des demandeurs est que ce refus est injustifié parce que les ouvrages spécialisés montrent sans la moindre équivoque que les robinets à tournant, les robinets à boisseau et les robinets à papillon sont tous des robinets rotatifs--L'art. 18.1(2) de la Loi sur la Cour fédérale prévoit que les demandes de contrôle judiciaire doivent être présentées dans les 30 jours qui suivent la première communication de la décision à l'intéressé ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces 30 jours, fixer ou accorder--Les principes suivant lesquels le tribunal saisi d'une demande de prorogation de délai doit exercer son pouvoir discrétionnaire ont été énoncés dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399 (C.A.F.)--Cette analyse est tempérée par la mise en balance de ces facteurs à la lumière des circonstances de l'espèce--Le défendeur s'oppose à la prorogation de délai au motif qu'il n'existe pas de preuve quant à l'intention constante d'introduire une demande de contrôle judiciaire et que les demandeurs n'ont pas démontré qu'il ne subirait pas de préjudice--En ce qui concerne le préjudice, le défendeur invoque la décision Valyenegro c. Canada (Secrétaire d'État) (1994), 88 F.T.R. 196 (C.F. 1re inst.), dans laquelle il a été statué que lorsqu'il y a retard, il faut présumer qu'il y a préjudice, à moins de preuve du contraire--La difficulté que soulève cette proposition est qu'elle exige que le demandeur présente des éléments de preuve sur un sujet que seul le défendeur connaît, en l'occurrence le préjudice qu'il pourrait subir si la prorogation est accordée--En pratique, tout ce que le demandeur peut faire, c'est d'affirmer que le défendeur ne subira aucun préjudice, car le défendeur est la personne qui sait si ses documents ou ses témoins ont disparu--La simple affirmation qu'aucun préjudice ne sera causé ne représente rien de plus qu'une invitation lancée au défendeur de présenter ces propres éléments de preuve pour démontrer qu'il subira un préjudice, après quoi le demandeur peut produire des preuves pour minimiser ou contredire l'affirmation du défendeur selon laquelle il subira un préjudice--Le demandeur a fait tout ce qu'il pouvait pour ce qui est de la preuve du préjudice--Lorsque le demandeur doit démontrer son intention constante de faire valoir ses droits en justice, il lui suffit de démontrer qu'il a pris des mesures pour protéger ses droits, sans qu'il soit nécessaire de démontrer qu'il a exercé un type de recours déterminé--Il ne s'ensuit pas que, dans tous les cas, le critère applicable est l'intention d'introduire une instance en contrôle judiciaire--Pour ce qui est du bien-fondé de la demande, la seule exigence à remplir consiste à se demander si la cause a certaines chances de réussite--Le point de départ est la norme de contrôle--La Cour suprême du Canada a statué qu'il y a lieu de faire preuve de déférence envers les tribunaux spécialisés en ce qui concerne les questions de droit, pourvu que le tribunal en question n'ait pas l'obligation de trancher la question correctement (Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557)--Les facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer la norme de contrôle applicable sont les suivants: 1) Absence de droit d'appel et possibilité de demander un contrôle judiciaire permettant de conclure à une norme de contrôle moyenne; 2) Comme la question de savoir si les robinets à tournant, à boisseau ou à papillon sont des robinets rotatifs est posée dans le contexte de l'application du Tarif, il y a lieu de faire preuve d'une certaine retenue à l'égard de l'expertise du ministre; 3) C'est au ministre qu'il sied le mieux de trouver un équilibre entre les besoins des importateurs et ceux des fabricants; 4) La question en litige est une question mixte de droit et de fait qui entre parfaitement dans le cadre du champ de compétence d'un tribunal administratif et qui a droit à une plus grande retenue qu'une pure question de droit--La décision du ministre au sujet des demandes de remboursement mérite une certaine retenue de la part de la Cour--Tant que le critère n'est pas celui du bien-fondé, la solidité de la cause des demandeurs est considérablement ébranlée en ce sens que les demandeurs doivent démontrer que le ministre a suffisamment tort pour justifier l'intervention de la Cour--Bien que la cause des demandeurs ne soit pas vouée à l'échec, son succès n'est pas non plus assuré--Les demandeurs signalent leur participation à l'affaire Cameron Iron Works Ltd. c. Canada, T-2240-93, comme preuve de leur volonté d'exercer leurs droits en justice--L'affaire Cameron a été réglée à l'amiable sans que la Couronne n'admette que l'expression «robinets rotatifs» qui figurait sur la liste du ministre visait en outre les «robinets à tournant»--Après que l'affaire Cameron eut été tranchée, les demandeurs ont agi promptement en introduisant sans délai leur propre action individuelle en enrichissement sans cause--Si l'on doit considérer l'affaire Cameron comme une cause-type, il serait raisonnable que les demandeurs en attendent l'issue--Mais, pour qu'elle puisse être considérée comme une cause-type, il faudrait que l'affaire Cameron ait été structurée de manière à permettre le règlement d'une partie ou de la totalité des questions qui demeurent en litige--Le défendeur n'a jamais convenu que la décision qui serait rendue dans l'affaire Cameron déterminerait celle qui serait rendue dans les autres causes--Vu l'absence d'engagement suivant lequel le résultat de l'affaire Cameron régirait leur cause, le défaut des demandeurs d'introduire une instance quelconque pour protéger leur position permet de conclure à une absence de volonté de leur part de poursuivre leurs réclamations--Les demandeurs se sont contentés d'adopter une attitude attentiste avant de poursuivre leurs démarches--Bien qu'ils aient manifesté un intérêt constant en ce qui concerne leurs chances d'obtenir réparation, les demandeurs n'ont pas fait preuve d'une intention constante de faire valoir en tout état de cause leurs droits en justice--Le défendeur affirme qu'il subirait un préjudice au motif que certains des documents pertinents ont peut-être été détruits en raison de la politique de confiscation et de destruction des documents du ministère--Plus le délai est long, plus il est facile de faire la preuve d'un préjudice, mais le préjudice subi de son propre fait ne satisfait pas à ce critère--Les demandeurs n'ont pas convaincu la Cour qu'il y avait lieu de les autoriser à déposer leur demande de contrôle judiciaire--Le bien-fondé de la cause ne suffit pas à combler les lacunes de la preuve sur l'intention constante--Il faudrait une preuve solide d'injustice pour justifier la prorogation d'un délai de 30 jours dans le cas d'une décision remontant à huit ans--La requête est rejetée--Loi sur le Tarif des douanes, L.R.C. (1985), ch. 41 (3e suppl.), ch. 41, art. 75--Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1(2) (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5).

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