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LANGUES OFFICIELLES

Canada (Commissaire aux langues officielles) c. Canada (Ministère de la Justice)

T-2170-98

2001 CFPI 239, juge Blais

23-3-01

88 p.

Recours intenté par le Commissaire aux langues officielles en vertu de l'art. 78(1) de la Loi sur les langues officielles (LLO) contre la défenderesse au motif qu'elle n'aurait pas respecté ses obligations linguistiques et les engagements prévus aux parties IV et VII de la LLO dans leur application de la Loi sur les contraventions (LC) et de son Règlement sur l'application de certaines lois provinciales--Le gouvernement fédéral a délégué au gouvernement de l'Ontario, par entente verbale, ses pouvoirs découlant de la LC--Ce faisant, le gouvernement fédéral n'a pas prévu de clause garantissant les droits linguistiques des contrevenants poursuivis en vertu de la LC--Auparavant, les droits linguistiques étaient protégés par les art. 530 et 530.1 du Code criminel et l'art. 16 de la Charte en ce qui concerne l'aspect judiciaire des poursuites et par la partie V de la LLO et l'art. 20 de la Charte en ce qui concerne l'aspect administratif ou extra-judiciaire des poursuites--L'art. 65.1 de la LC permet de substituer le régime des droits linguistiques provincial ou territorial au régime des droits linguistiques prévu au Code criminel en ce qui concerne les infractions aux lois fédérales--L'art. 65.2 autorise le ministre de la Justice à conclure des ententes générales avec une province ou des ententes particulières avec, provinciales, municipales ou locales, pour préciser les modalités de traitement des contraventions--Les questions en litige: 1) le Commissaire et l'AJEFO ont-ils la qualité nécessaire et cette Cour a-t-elle la compétence suffisante pour que puissent être plaidés des moyens basés exclusivement sur la Charte et la partie VII de la LLO dans le cadre du présent recours?; 2) quelles sont les obligations de la défenderesse relativement aux art. 16 à 22 de la Charte? 3) les municipalités et le gouvernement de l'Ontario agissent-ils pour le compte du procureur général du Canada au sens de l'art. 25 de la LLO lorsqu'ils intentent des poursuites en vertu de la LC?; 4) la défenderesse, le procureur général de l'Ontario et les municipalités ont-ils respecté les obligations prévues à la partie IV de la LLO ainsi que les droits prévus aux art. 16 à 20 de la Charte dans le cadre de l'adoption et de l'application de la LC et de ses règlements; 5) la défenderesse a-t-elle respecté les obligations prévues à la partie VII de la LLO dans le cadre de l'adoption et de l'application de la LC et de ses règlements?; 6) les remèdes demandés par le Commissaire sont-ils appropriés?--En Ontario, depuis l'entente, les lois qui sont appliquées en matière de droits linguistiques sont la Loi sur les tribunaux judiciaires pour ce qui concerne les aspects judiciaires des poursuites (et qui prévoit notamment un procès bilingue) et la Loi sur les services en français qui se rapporte aux aspects administratifs des poursuites--Avec l'adoption de la Loi de 1988 simplifiant l'administration en ce qui a trait aux infractions provinciales, l'Ontario a prévu le transfert de certaines compétences découlant de la LC aux municipalités--Or, cette loi ne prévoit pas la tenue de procès bilingues ou en français et les municipalités ontariennes ne sont pas toutes assujetties à la Loi sur les tribunaux judiciaires--1) L'évolution récente de la jurisprudence, notamment l'arrêt R. c. Beaulac, [1999] 1 R.C.S. 768, n'ont pas donné à la Cour fédérale la possibilité d'intervenir, suite à un recours intenté en vertu de l'art. 78(1)a) de la LLO, quant à des allégations de violation de la partie VII de la LLO--Il est tout à fait légitime pour la Cour et tout à fait à l'intérieur de sa juridiction de considérer tant les allégations de violation des dispositions de la partie IV de la LLO que d'examiner les allégations de violation des dispositions de la Charte, en regard des dispositions de la partie IV de la LLO--Sur application des critères définis dans Thorson c. Procureur général du Canada, [1975] 1 R.C.S. 138; Nova Scotia Board of Censors v. MacNeil, [1976] 2 R.C.S. 265 et Canada (Ministre de la Justice) c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575, et compte tenu du fait que la Cour suprême a également prévu une discrétion d'accorder la qualité d'agir malgré le fait qu'une partie demanderesse ne satisfait pas aux critères, le Commissaire et l'AJEFO ont la qualité nécessaire quant au recours intenté et la Cour fédérale a pleine juridiction pour entendre le présent dossier quant à ses arguments basés sur la partie IV de la LLO et quant aux motifs basés sur les articles pertinents de la Charte relativement aux dispositions prévues à la partie IV de la LLO--2) La défenderesse est tenue, en vertu de la Charte, de s'assurer que les droits linguistiques sont respectés--Dans la mesure où la défenderesse ne respecte pas les droits garantis dans la Charte lors de l'adoption et de l'application de la LC, elle viole la Charte--3) La province de l'Ontario ainsi que les municipalités ayant reçu les pouvoirs délégués de la province de l'Ontario agissent pour le compte du gouvernement du Canada dans la mise en oeuvre de la LC et les gouvernements municipaux qui ont signé une entente avec Justice Canada agissent eux aussi pour le compte du gouvernement du Canada--Les garanties linguistiques prévues à la LLO et au Code criminel s'appliqueront peu importe que ce soit le procureur général du Canada ou le procureur général de l'Ontario, ou encore des municipalités qui seront chargées de l'application de la LC--4) Les mesures prises par la défenderesse en application de la LC et les ententes intervenues entre la défenderesse et les ententes municipales subséquentes ne protègent pas adéquatement et en totalité les droits linguistiques quasi-constitutionnels prévus par les dispositions des art. 530 et 530.1 du Code criminel et par la partie IV de la LLO--La violation des droits linguistiques prévus aux art. 530 et 530.1 du Code et à la partie IV de la LLO constitue également une violation des droits prévus aux art. 16 à 20 de la Charte--5) Pour les motifs expliqués dans la réponse à la question numéro 1, la Cour n'a pas juridiction pour examiner les manquements, s'ils existent, aux obligations prévues à la partie VII de la LLO dans le cas de l'adoption et de l'application de la LC et de ses règlements--6) Il est déclaré que la défenderesse n'avait pas respecté ses obligations en vertu de la partie IV de la LLO; la demande au même effet relativement à la partie VII est rejetée--L'adoption de la LC et ses règlements d'application doivent se faire dans le respect de la Constitution et de la Charte, et s'il y a conflit entre les droits linguistiques existants et confirmés ultérieurement par la Cour suprême et une autre loi du même Parlement visant à réduire d'une façon ou d'une autre les droits linguistiques garantis par la partie IV de la LLO ainsi que par la Charte et assurés par la partie XVII du Code criminel, il n'y a pas de doute que les droits linguistiques ont préséance--Il est clair que la défenderesse, dans les mesures prises dans l'adoption et l'application de la LC, a porté atteinte aux droits linguistiques statutaires de la LLO et aux dispositions de la Charte, quant au statut et l'usage des deux langues officielles dans la province de l'Ontario--La LC est tout à fait légale et la Cour ordonnera simplement à la défenderesse de prendre les mesures nécessaires, législatives, réglementaires et autres, pour faire en sorte que les droits quasi-constitutionnels susmentionnés soient respectés dans toute réglementation ou entente intervenue ou à intervenir avec des tiers visant la responsabilité d'administrer la poursuite de contraventions fédérales--Quant à l'entente verbale intervenue entre la défenderesse et le gouvernement de l'Ontario, la défenderesse a un an pour s'assurer que ladite entente, verbale ou écrite, soit modifiée afin de s'assurer que les droits linguistiques quasi-constitutionnels prévus aux art. 530 et 530.1 du Code criminel et à la partie IV de la LLO soient clairement mentionnés--Dans toute mesure prise afin de déléguer les pouvoirs de gestion relativement à l'application de la LC au gouvernement de l'Ontario, la défenderesse devra insérer une clause indiquant que le gouvernement de l'Ontario, lorsqu'il délègue ce pouvoir à des tiers, y compris à des municipalités, doit prévoir une disposition précisant que ces tiers doivent respecter les droits linguistiques--Les ententes existantes devront être modifiées conformément à la présente ordonnance--La défenderesse a un an pour modifier les ententes entre la défenderesse et les municipalités de Mississauga et Ottawa afin de s'assurer que les droits linguistiques prévus aux art. 530 et 530.1 du Code criminel et à la partie IV de la LLO soient clairement mentionnés--La défenderesse devra donc faire en sorte que tout citoyen canadien voie ses droits linguistiques quasi-constitutionnels garantis par toute mesure prise visant à assurer la mise en place de la LC--Loi sur les langues officielles, L.R.C., 1985 (4e suppl.), ch. 31, art. 25, 78--Loi sur les contraventions, L.C. 1992, ch. 47, art. 65.1 (édicté par L.C. 1996, ch. 7, art. 37), 65.2 (édicté, idem)--Règlement sur l'application de certaines lois provinciales, DORS/96-312--Loi de 1998 simplifiant l'administration en ce qui a trait aux infractions provinciales, L.O. 1998, ch. 4--Loi sur les infractions provinciales, L.O. 1990, ch. P-33--Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43--Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46, art. 530 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 27, art. 94, 203; L.C. 1999, ch. 3, art. 34), 530.1 (édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 31, art. 94)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22.

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