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DROITS DE LA PERSONNE

Société Radio-Canada c. Paul

A-132-99

2001 CAF 93, juges Sexton et Strayer, J.C.A.

2-4-01

35 pp.

Appel de la décision ([1999] 2 C.F. 3) par laquelle le juge des requêtes a accueilli la demande présentée par la Société Radio-Canada (SRC) en vue d'obtenir le contrôle judiciaire de la décision de la CCDP de demander la constitution d'un tribunal chargé d'instruire la plainte de l'appelante--L'appelante a porté plainte devant la CCDP pour cause de discrimination fondée sur l'âge et sur le sexe lors d'un concours tenu en 1989 pour un poste à la SRC et de discrimination fondée sur le sexe lors d'un concours organisé en 1988--L'enquêteur a, dans son rapport d'enquête, recommandé à la CCDP de charger un conciliateur d'en arriver à un règlement de la plainte en vertu de l'art. 47 de la Loi canadienne sur les droits de la personne--La CCDP a nommé un conciliateur malgré l'opposition de la SRC à la désignation d'un conciliateur en raison des présumées irrégularités du rapport d'enquête--Le conciliateur a rédigé un rapport dans lequel il a exposé l'offre de règlement de la SRC que la plaignante avait rejeté--Dans une lettre datée du 14 novembre 1996, la SRC a été informée que la plainte était déférée à la Commission--La lettre précisait que la Commission examinerait le rapport de conciliation avant de rendre sa décision--Dans une lettre en date 29 novembre 1996, la SRC s'est énergiquement opposée à la communication du rapport de conciliation à la Commission--La Commission a, par lettre en date du 13 février 1997, informé la SRC de sa décision de demander la constitution d'un tribunal chargé d'instruire la plainte--La Commission a signalé qu'elle avait examiné le rapport de conciliation et les observations de la plaignante, mais elle n'a pas précisé si elle avait pris connaissance du rapport d'enquête ou des observations formulées par la SRC--Le juge des requêtes a conclu: 1) que la demande de contrôle judiciaire avait été introduite dans le délai prescrit; 2) que la communication du rapport du conciliateur à la Commission sans le consentement de la SRC violait l'art. 47(3) et viciait la décision étant donné que celle-ci était fondée sur des éléments d'information qui n'avaient pas été régulièrement portés à la connaissance de la Commission; 3) que la Commission n'avait pas fait preuve envers la SRC du degré requis d'équité procédurale en se fondant sur un rapport d'enquête qui était partial et incomplet et en faisant reposer sa décision sur des éléments qui avaient été portés à sa connaissance sans avoir été communiqués à la SRC; 4) que l'affaire ne devait pas être renvoyée à la Commission pour réexamen--Appel accueilli en partie--Le juge Sexton, J.C.A. (avec l'appui du juge Rothstein, J.C.A.): 1) L'intimée ne conteste pas la décision de l'enquêteur de publier son rapport, mais bien la décision de la Commission de demander la constitution d'un tribunal--Aux termes de l'art. 18.1 de la Loi sur la Cour fédérale, la demande doit être présentée dans les trente jours de la décision qu'elle vise--La demande a été présentée dans les délais prescrits--2) Faute de consentement, l'art. 47(3) interdisait de façon absolue au conciliateur de divulguer les renseignements révélés par la SRC, notamment l'offre de règlement, au cours de la procédure de conciliation--Les tribunaux reconnaissent depuis longtemps l'importance de protéger légalement la confidentialité des mesures prises par les parties au litige pour résoudre leurs différends--L'art. 47(3) témoigne de l'importance que le législateur fédéral accorde à la confidentialité en interdisant de façon absolue au conciliateur de divulguer tout renseignement sans le consentement de la personne qui les lui a communiqués--Sans la protection de la confidentialité, les parties risquent d'être empêchées de participer pleinement au processus--Rejet de l'argument que l'art. 48, qui oblige la Commission à ratifier tout règlement proposé, et l'art. 49, qui oblige la Commission à tenir compte des circonstances de la plainte avant de demander la constitution d'un tribunal, montrent que la protection dont bénéficie la confidentialité comporte des limites--L'art. 47(3) ne renferme aucune disposition qui permettrait de faire exception en faveur de la Commission--Les arguments invoqués au soutien de la divulgation du rapport ne sont pas convaincants--Les parties qui en arrivent à un règlement au cours de la conciliation savent bien que ce règlement doit être ratifié--Cette exigence n'est pas incompatible avec l'obligation suivant laquelle les renseignements recueillis par le conciliateur ne peuvent être divulgués sans le consentement de la personne qui les a fournis--La demande d'approbation constitue le consentement à la divulgation des modalités du règlement intervenu--Depuis longtemps, les tribunaux sont appelés à homologuer des règlements portant sur des mineurs, des personnes faibles d'esprit ou des fiduciaires--Dans aucun de ces cas, cette fonction de contrôle n'enlève quoi que ce soit au privilège dont jouissent les négociations conduisant au règlement--Il n'y a par ailleurs rien qui permette de penser que les renseignements recueillis lors de la conciliation font partie des circonstances envisagées par l'art. 49--Il faudrait des termes énergiques et explicites pour éteindre un privilège qui existe depuis plus de 200 ans--La Commission a agi de façon irrégulière en recevant le rapport et en en prenant connaissance malgré les protestations énergiques de la SRC--3) L'art. 44 impose à la Commission l'obligation de recevoir le rapport qui lui est soumis avant de pouvoir agir--Cette obligation implique nécessairement que la Commission doit également tenir compte du rapport pour rendre sa décision--L'intention de l'art. 44 est que la Commission n'est pas tenue d'examiner le dossier complet de l'enquête, mais est censée se fonder uniquement sur le rapport (Canada (Commission des droits de la personne) c. Pathak, [1995] 2 C.F. 455 (C.A.)--Le fait que les tribunaux imposent d'autres obligations que la Commission doit respecter avant d'agir en vertu de l'art. 44(3) constitue une reconnaissance de l'obligation qui est faite à la Commission de tenir compte du rapport d'enquête--La Commission n'a pas rempli en l'espèce les obligations auxquelles elle était tenue envers la SRC en matière d'équité procédurale, car on ne sait pas avec certitude si la Commission a examiné les observations que la SRC a formulées dans sa lettre du 28 novembre 1996 ou même si elle a pris connaissance du rapport de conciliation--Application de l'arrêt Société canadienne des postes c. Barrette, [2000] 2 C.F. 145--La mention expresse de l'examen par la Commission d'éléments d'information déterminés, combinée à l'omission de mentionner d'autres éléments qu'elle était tenue d'examiner, permet d'inférer qu'elle n'a pas tenu compte de ces autres éléments--À la différence du juge des requêtes, la Cour hésite à tenir pour acquis que la Commission a tenu compte du rapport d'enquête--Il semble probable que c'est le résumé et non le texte intégral du rapport d'enquête que la Commission a examiné--Bien qu'il n'y ait rien à redire au fait que la Commission ait en main un résumé du rapport d'enquête, elle n'était pas pour autant dispensée de son obligation de prendre connaissance du rapport lui-même--Même si la Commission a tenu compte du rapport d'enquête pour décider de nommer un conciliateur, la Commission n'était pas dégagée de son obligation d'examiner de nouveau ce document avant de décider de renvoyer la plainte à un tribunal--La présente affaire est renvoyée à la Commission pour qu'elle la réexamine en raison de l'examen irrégulier du rapport de conciliation--4) Le juge des requêtes a estimé qu'il ne convenait pas de renvoyer l'affaire à la Commission pour réexamen, au motif que la décision de la Commission avait été annulée à deux reprises pour cause de partialité et de manque d'équité procédurale à propos des mêmes circonstances et que les événements en question remontaient à une dizaine d'années--Si l'on applique les facteurs dont, selon l'arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 R.C.S. 307, il faut tenir compte pour décider s'il y a lieu d'ordonner de mettre fin à l'instance en vertu du principe de l'abus de procédure en droit administratif, il n'est pas facile de déterminer sur qui doit être rejetée la responsabilité des retards, d'autant plus que les conséquences négatives de l'écoulement du temps valent tant pour l'intimée que pour l'appelante--Nécessité de soupeser l'importance respective des intérêts en jeu--Seuls les commissaires qui n'ont pas participé à la décision de février 1997 recommandant la constitution d'un tribunal peuvent prendre part au réexamen --Ni le rapport de conciliation ni son contenu ne doivent être soumis aux commissaires--Parmi les éléments dont la Commission peut tenir compte, il y a lieu de mentionner la plainte, le rapport d'enquête, les observations des parties, ainsi que tout autre élément ayant servi à la confection du rapport d'enquête--Lors de la présentation de sa demande de contrôle judiciaire fondée sur le fait que le rapport d'enquête est à son avis partial et incomplet, l'intimée a également demandé en vertu de la règle 1612 des Règles de la Cour fédérale à la CCDP de lui communiquer les pièces en sa possession--L'arrêt Pathak justifie la production de ces pièces à titre d'éléments de preuve se rapportant à l'allégation que le rapport est partial et incomplet--Lorsqu'une partie allègue que le rapport qui a été soumis à la Commission était partial ou incomplet, les parties doivent avoir la possibilité de présenter des éléments de preuve sur cette question et de formuler des observations sur ces éléments de preuve--En conséquence, lorsqu'elles formulent leurs observations, les parties doivent avoir le loisir de citer le résumé des entrevues des témoins rédigées par l'enquêteur--Le juge Strayer, J.C.A. (jugement concordant, sauf en ce qui concerne la pertinence et l'admissibilité des documents ayant servi à la rédaction du rapport d'enquête dans une instance future): la Commission n'est pas tenue de soupeser elle-même des éléments de preuve éventuels--Elle a le droit de se fonder sur le rapport d'enquête et sur les observations formulées au sujet du rapport par les parties pour déterminer si le rapport justifie rationnellement le renvoi de l'affaire à un tribunal--Toute lacune que comporte le témoignage éventuel des témoins peut être mise à l'épreuve de manière adéquate lorsque le tribunal statue sur l'affaire--Le juge saisi de la demande de contrôle judiciaire de la décision de renvoyer l'affaire est tenu d'examiner uniquement le dossier dont disposait la Commission, sous réserve d'allégations spéciales concernant la procédure ou la compétence de l'auteur de la décision--Le fait de soumettre l'examen préalable sur lequel la Commission fait reposer sa procédure à une analyse judiciaire minutieuse avant que les parties aient eu même l'occasion de faire valoir leur point de vue devant un tribunal administratif nuit au règlement informel, efficace et rapide des plaintes--La jurisprudence récente n'exige pas un examen aussi méticuleux de l'enquête--Si l'affaire est effectivement portée devant un tribunal administratif, la décision de celui-ci est susceptible d'un contrôle judiciaire--Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6, art. 44 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 31, art. 64; L.C. 1998, ch. 9, art. 24), 47, 48 (mod. par. L.C. 1998, ch. 9, art. 26), 49 (mod., idem, art. 27)--Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 18.1 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)--Règles de la Cour fédérale, C.R.C., 663, Règle 1612 (édictée par DORS/92-43, art. 19).

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