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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Statut au Canada

Réfugiés au sens de la Convention

Adjibi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)

IMM-2580-01

2002 CFPI 525, juge Dawson

8-5-02

17 p.

Contrôle judiciaire de la décision de la SSR ayant refusé la demande de statut de réfugié--Les demandeurs sont une citoyenne du Congo de 29 ans et ses deux enfants--Après l'arrestation du mari à la fin de 1994 ou au début de 1995, des fonctionnaires congolais ont saccagé la maison, bousculé les enfants, violé la demanderesse adulte--Les demandeurs ont finalement déménagé en Afrique du Sud où ils ont obtenu le statut de réfugié--La demanderesse adulte a été violée par deux policiers qui ont saccagé la maison, frappé les enfants, menacé de revenir--Elle croit que ces hommes ont enlevé son fils aîné qu'elle n'a pas revu depuis--Les demandeurs ont quitté l'Afrique du Sud sur-le-champ--La SSR croit la demanderesse, mais constate que la situation a évolué de façon positive au Congo depuis le changement de gouvernement en 1997, et que la demanderesse ne savait pas quelle était sa situation vis-à-vis du gouvernement actuel--La SSR n'était pas convaincue qu'il y avait une possibilité raisonnable ou sérieuse que les demandeurs soient persécutés pour l'un des motifs prévus par la Convention s'ils retournaient au Congo--La preuve ne permet pas de conclure que la persécution subie par la revendicatrice était suffisamment «atroce et épouvantable» pour justifier l'application de l'art. 2(3) de la Loi sur l'immigration--L'art. 2(2)e) prévoit qu'une personne perd le statut de réfugié au sens de la Convention dans les cas où les raisons qui lui faisaient craindre d'être persécutée dans le pays qu'elle a quitté ou hors duquel elle est demeurée ont cessé d'exister-- L'art. 2(3) prévoit qu'une personne ne perd pas le statut de réfugié pour le motif visé à l'art. 2(2)e) si elle établit qu'il existe des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du pays hors duquel elle est demeurée de crainte d'être persécutée-- L'art. 2(3) de la Loi tire son origine du paragraphe 5 de la section C de l'article premier de la Convention relative au statut des réfugiés--L'exception est expliquée au paragraphe 136 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés: on ne devrait s'attendre qu'une personne qui a été victime de formes atroces de persécution accepte le rapatriement, même s'il y a eu un changement de régime dans le pays puisque cela n'a pas nécessairement entraîné un changement complet dans l'attitude de la population ni dans les dispositions d'esprit du réfugié--Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Obstoj, [1992] 2 C.F. 739 (C.A.); Yamba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2000), 254 N.R. 388 (C.A.F.), portant sur l'art. 2(3)--De manière générale, il ressort de la jurisprudence de la C.A.F. que des «raisons impérieuses» découlent de persécutions antérieures qui peuvent être qualifiées d'«atroces», d'«effroyables» ou d'«épouvantables»-- Demande accueillie--1) La SSR n'a pas commis d'erreur en appliquant le critère visant à déterminer si les persécutions antérieures étaient suffisamment «atroces» et «épouvantables»--Il suffit que, à la lumière de la preuve dont la SSR disposait et de la nature des prétentions qui lui ont été présentées pour le compte des demandeurs, que les mots «atroces» et «épouvantables» constituaient des outils d'interprétation appropriés pour aider la SSR à déterminer si la preuve documentaire et les témoignages démontraient, comme les demandeurs le prétendaient, qu'il existait des raisons impérieuses de ne pas les renvoyer au Congo--2) La SSR a l'obligation aux termes de l'art. 69.1(11) de la Loi sur l'immigration de motiver par écrit sa décision--Motifs suffisamment clairs, précis et intelligibles pour permettre au revendicateur de savoir pourquoi sa revendication a échoué et de juger s'il y a lieu d'en demander le contrôle judiciaire--La SSR n'a pas fait allusion à une évaluation psychiatrique qui concluait que la demanderesse adulte souffrait du syndrome de stress post-traumatique--Motifs insuffisants--Étant donné qu'elle avait reconnu que la demanderesse adulte avait été persécutée, on ne sait pas très bien ce que la SSR a voulu dire quand elle a indiqué que «la preuve ne permet[tait] pas de conclure»--La persécution exige, par définition, des mauvais traitements qui constituent un préjudice grave--Pour que les motifs soient valables, il faut recevoir une explication suffisamment intelligible des raisons pour lesquelles des actes de persécution ne constituent pas des raisons impérieuses--Ce qui suppose qu'on examine à fond le degré d'atrocité des actes dont le demandeur a été victime, les répercussions de ces actes sur son état physique et mental et la question de savoir si les expériences et leurs conséquences constituent une raison impérieuse de ne pas le renvoyer dans son pays d'origine--La SSR a commis une erreur susceptible de contrôle en ne fournissant pas de motifs valables de sa décision--Cela règle l'instance, mais il convient d'examiner les autres prétentions --3) Bien qu'il ne soit pas fatal que la SSR n'ait pas parlé des rapports médicaux dans ses motifs si ceux-ci montrent par ailleurs qu'elle a bien examiné et compris la preuve, le fait qu'elle n'ait pas analysé la preuve d'ordre médical montre qu'elle n'a pas bien analysé et pris en compte la preuve dans ses motifs--De même, rien n'indique que la SSR a pris en considération le traitement subi par la demanderesse adulte aux mains de la police sud-africaine--La SSR n'avait pas l'obligation de tenir compte de l'art. 2(3) au regard des incidents survenus en Afrique du Sud--La persécution subie dans un autre pays ne peut justifier qu'une personne ne se réclame pas de la protection de son pays d'origine--Des événements subséquents survenus dans le pays d'origine d'une personne qui ne sont cependant pas assimilables à de la persécution peuvent accentuer ou amplifier l'effet de la persécution--La SSR doit considérer un revendicateur du statut de réfugié dans la situation où il se trouve au moment de son audience devant elle pour déterminer s'il devrait ou non être rapatrié--Les rapports médicaux décrivaient l'état de santé actuel de la demanderesse adulte à la suite des viols survenus au Congo et en Afrique du Sud--La SSR aurait dû tenir compte de l'effet cumulatif de ces événements sur la demanderesse adulte pour déterminer si, compte tenu de son état actuel, celle-ci a des raisons impérieuses de ne pas vouloir retourner au Congo--4) La SSR n'a rien dit des enfants dans l'analyse de l'art. 2(3)--Le Guide du HCR reconnaît que la persécution d'un membre de la famille peut être tellement grave qu'il est déraisonnable de s'attendre à ce qu'un revendicateur du statut de réfugié accepte d'être rapatrié--Par conséquent, et compte tenu du fait que la SSR a rejeté les revendications de tous les demandeurs au motif que la situation dans leur pays avait changé et de l'obligation légale de la SSR de prendre en considération l'art. 2(3) de la Loi après avoir refusé le statut de réfugié en raison d'un changement de la situation dans le pays en cause (l'arrêt Yamba), il s'ensuit que la SSR a commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération l'art. 2(3) à l'égard de chaque demandeur--La SSR doit déterminer si les enfants en bas âge qui revendiquent le statut de réfugié peuvent satisfaire au critère établi par la jurisprudence--L'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.) traitait de la nécessité de considérer l'intérêt supérieur d'un enfant dans le contexte d'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire--L'arrêt Ranganathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] 2 C.F. 164 (C.A.) formule la mise en garde suivante: plus on laisse les raisons d'ordre humanitaire intervenir dans le cadre des revendications du statut de réfugié, plus la procédure applicable aux réfugiés se confond avec la procédure propre à la prise en compte des raisons d'ordre humanitaire, de sorte que le concept de persécution que l'on trouve dans la définition de réfugié est remplacé en pratique par le concept d'épreuve, ce que ne souhaitait pas le législateur--La SSR n'a commis aucune erreur susceptible de contrôle en ne prenant pas en compte l'intérêt supérieur des enfants quand elle s'est demandé si ces derniers ont des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures de refuser de se réclamer de la protection du Congo--Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 2(2)e) (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 1), (3) (mod., idem), 69.1(11) (mod. par L.C. 1992, ch. 49, art. 60)-- Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] Can T.S. no 6, art. 1c(5).

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