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ENVIRONNEMENT

Sierra Club du Canada c. Canada (Procureur général)

T-765-02

2003 CFPI 271, du juge Blais

4-3-03

41 p.

Contrôle judiciaire d'une décision par laquelle le ministre des Pêches et des Océans (MPO) a approuvé la demande en vue d'exploiter des installations d'élevage aquacole de moules à St. Ann's Harbour, au Cap Breton (Nouvelle-Écosse)--Le MPO a donné son approbation, conformément à l'art. 5(1)a) de la Loi sur la protection des eaux navigables (LPEN)-- Selon l'art. 5(1)d) de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE), une évaluation environnementale devait être menée--Bounty Bay (qui a présenté une demande de permis) et le copromoteur ont préparé un énoncé des incidences environnementales (EIE)--Le fait que le public aurait accès à l'EIE soulevait des préoccupations concernant la nature commercialement sensible d'une partie de ce document--Des exemplaires de l'EIE ont été déposés à cinq endroits publics de la région--Le public a été invité à consulter ledit EIE à ces endroits, par suite de la diffusion largement répandue d'annonces dans les médias--L'EIE était considéré comme protégé par le droit d'auteur appartenant à Bounty Bay, le copromoteur, et ne devait être reproduit ni retiré de ces endroits--La date limite fixée pour les réponses était le 1er juin 2001--Le demandeur, qui se trouvait à Ottawa, n'a reçu copie de l'EIE que le 14 mai et a sollicité une prorogation du délai de réponse--Bien que le ministre ait répondu le 7 juin que l'examen n'était pas encore terminé, le demandeur n'a pas communiqué d'autres observations--1) La question est de savoir si le MPO a porté atteinte au droit du demandeur à l'équité procédurale que reconnaît la common law, notamment quant à la façon dont il a appliqué les art. 18(3) ou 55(1) de la LCEE--L'art. 18(3) oblige l'autorité responsable, en l'occurrence la Division de la gestion de l'habitat (DGH) du ministère des Pêches et Océans, à aviser le public et à lui donner la possibilité d'examiner le rapport d'examen préalable et les documents consignés au registre public avant de prendre sa décision aux termes de l'art. 20-- Dans Lavoie c. Canada (Ministre de l'Environnement) (2000), 190 F.T.R. 181 (C.F. 1re inst.), la Cour a statué qu'en raison de la façon dont il avait libellé l'art. 18(3) de la LCEE, le Parlement avait éliminé l'application de la doctrine de l'équité procédurale en ce qui concerne la participation du public, puisque celle-ci était de nature discrétionnaire--L'art. 55(1) prévoit la tenue d'un registre public pour chacun des projets pour lesquels une évaluation environnementale est effectuée afin de faciliter l'accès aux documents relatifs à cette évaluation--Dans Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), [2000] 2 C.F. 263 (C.A.), la Cour a statué que l'établissement et la tenue d'un registre public aux termes de l'art. 55(1) relèvent du pouvoir discrétionnaire de l'autorité responsable--Toutefois, elle a précisé que, lorsqu'un registre public n'est pas établi et tenu à proximité de la zone géographique faisant l'objet de l'évaluation environnementale, il faut prendre d'autres mesures raisonnables afin de satisfaire aux exigences de l'art. 55(1)--Dans la présente affaire, le registre public pouvait être consulté à proximité de la région géographique faisant l'objet de l'évaluation environnementale, comme l'a exigé la Cour dans la décision Friends of the West Country Assn.-- Cependant, étant donné que le demandeur disposait de moins de trois semaines pour faire réviser l'EIE par des experts scientifiques et préparer des commentaires, il s'est vu refuser la possibilité d'examiner le rapport comme l'exige l'art. 18(3) --Le MPO avait l'obligation de veiller à ce que l'EIE soit accessible à des fins de commentaires et ne peut s'en remettre aux mesures que le demandeur aurait pu prendre--En déclarant sans raison valable que l'EIE était protégé par le droit d'auteur, compte tenu de la nature commercialement sensible de certains éléments de ce document, le MPO n'a pas respecté ses obligations--Il appert clairement d'une lecture de l'art. 18(3) de la LCEE qu'une fois que l'autorité responsable a exercé son pouvoir discrétionnaire et décidé que la participation du public est indiquée, cette autorité est tenue de donner au public une possibilité d'examiner et de commenter l'EIE et le rapport d'examen préalable--Dans la présente affaire, ce court laps de temps n'était vraisemblablement pas suffisant pour permettre au public d'examiner et de commenter le rapport d'examen préalable--L'omission du MPO de respecter pleinement les exigences des art. 18(3) et 55(1) constitue une erreur justifiant l'annulation de la décision sous examen--2) La question est de savoir si le MPO a commis une erreur susceptible de révision en décidant d'approuver le projet d'aquaculture--L'autorité responsable devait examiner les effets du projet sur la navigation--Il est impossible de savoir quels sont les documents ou avis sur lesquels l'autorité responsable s'est fondée pour conclure que le projet n'entraînerait aucun effet négatif important sur la navigation--L'approbation du projet dépendait de l'examen des effets de celui-ci sur la navigation et l'autorité responsable aurait dû se pencher sur cette question.--La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision par laquelle le MPO a approuvé le projet est annulée--Loi sur la protection des eaux navigables, L.R.C. (1985), ch. N-22, art. 5(1)a)--Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 18(3), 55(1).

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