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PRATIQUE

Outrage au tribunal

Telus Mobilité c. Syndicat des travailleurs en télécommunications

T-425-02

2002 CFPI 1268, juge Rouleau

6-12-02

21 p.

Demande du Syndicat des travailleurs en télécommun-ications (Syndicat) pour faire déclarer Telus Mobilité et David Wells, vice-président directeur, Services du personnel, coupables d'outrage au tribunal--L'instance fait suite à une ordonnance du protonotaire Hargrave ordonnant à Telus Mobilité et David Wells de comparaître devant un juge de la Cour fédérale pour que ce dernier entende la preuve relative à l'outrage invoqué par le Syndicat--L'affaire porte sur la réduction des tâches accomplies par les représentants de la mise en service et l'élimination progressive éventuelle de la participation des employés de cette unité de négociation--Les employés du groupe visé en l'espèce sont les représentants de la mise en service, dont la tâche consiste à traiter les nouvelles demandes d'abonnement et à mettre en service les téléphones cellulaires--En juin 2001, Telus Mobilité a transféré toutes les mises en service par les concessionnaires de la Colombie- Britannique au nouveau système en place en Alberta (MSDC), se passant ainsi complètement des représentants à la mise en service de l'unité de négociation de la Colombie-Britannique --Ce transfert a donné lieu à un arbitrage et à la présente instance en outrage au tribunal--Même s'il y a eu fusion de différents syndicats en une seule unité de négociation comme l'a ordonné le Conseil canadien des relations industrielles en novembre 2001, la convention collective régissant les syndiqués de Telus Alberta n'a pas été incluse dans la lettre d'entente du 4 décembre 1992 qui était en vigueur en Colombie-Britannique, et les employés des centres de mise en service de l'Alberta n'ont donc pas été touchés--Le 30 janvier 2002, après avoir pressé les parties de régler le litige, l'arbitre a rendu une décision exécutoire qui est devenue une ordonnance, laquelle est à l'origine de la présente instance--Pour établir l'outrage au tribunal, le syndicat doit prouver hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu violation de l'ordonnance rendue par l'arbitre--La violation présumée doit se rapporter à l'ordonnance et non à une supposition provenant des circonstances qui l'entourent--Toute ambiguïté relativement à l'ordonnance peut avoir des incidences sur le caractère exécutoire de l'ordonnance et sur la preuve hors de tout doute raisonnable de la violation--Les tribunaux ont toujours refusé d'exécuter les décisions des tribunaux inférieurs, comme les arbitres en relations de travail, au moyen de la procédure d'outrage au tribunal lorsque les ordonnances rendues par ces derniers ne contenaient pas de directives précises de nature obligatoire ordonnant à une partie à une convention collective de prendre des mesures déterminées pour remédier à une violation de la convention-- La raison en est qu'une ordonnance doit être suffisamment précise pour que la partie qui l'aurait violée puisse raisonnablement tenter de s'y conformer et puisse, si elle n'y parvient pas, expliquer les raisons de son défaut avant qu'une condamnation pour outrage soit prononcée--L'ordonnance de l'arbitre comportait trois éléments: l'exigence que la violation de la lettre d'entente prenne fin, l'exigence que la MSDC ne soit pas utilisée de façon à exclure les employés de l'unité de négociation; l'exigence que le système demeure sous le contrôle de Telus Mobilité et soit exploité par les employés de Telus Mobilité--Le premier élément de l'ordonnance consiste en un énoncé de principe de nature déclaratoire--Il ne fournit aucune directive ni indication sur la façon de s'y conformer concrètement--Le deuxième élément de l'ordonnance encourage à continuer d'utiliser la MSDC, mais avec un changement, de façon à ne pas exclure les employés de l'unité de négociation--Cependant, rien n'est indiqué quant au niveau ou à la qualité de l'inclusion des employés de l'unité de négociation--Pour ce qui est du troisième élément de l'ordonnance, la seule faute qu'a trouvée l'arbitre est l'exclusion totale des membres de l'unité de négociation-- Rien n'indique que la poursuite de l'utilisation de la MSDC violait la lettre d'entente--La preuve révèle clairement que Telus Mobilité contrôle et exploite toujours le système-- L'arbitre a conclu que Telus Mobilité ne s'était pas conformée à la lettre d'entente, mais il n'a pas défini de mesures précises ou obligatoires à prendre afin de remédier à la violation--La Cour a jugé qu'une telle ordonnance n'indiquant pas de ligne de conduite définie ne suffit pas--En conséquence, il ne peut y avoir d'exécution obligatoire d'une décision arbitrale uniquement déclaratoire--En outre, les tribunaux ont toujours refusé de rendre une ordonnance portant condamnation pour outrage au tribunal lorsque le délai d'exécution n'avait pas été précisé--En l'espèce, aucune directive précise dans l'ordonnance ne portait sur le délai pour s'y conformer--Sans délai établi, l'ordonnance peut être interprétée de deux façons différentes--Selon la première, l'ordonnance était applicable immédiatement, ce qui la rendrait impossible à respecter-- Selon la deuxième, l'arbitre voulait que l'ordonnance soit observée à l'intérieur d'un délai raisonnable--L'interprétation contradictoire de la forme requise de conformité ne peut qu'amener la Cour à conclure que l'ordonnance ne peut être exécutée par cette Cour--Aucune directive dans l'ordonnance, on l'a déjà dit, ne porte sur la qualité et/ou le niveau de participation de l'unité de négociation--Cette ambiguïté, associée aux changements apportés par Telus Mobilité, soulève, à tout le moins, un doute raisonnable quant à la question de savoir s'il y a eu violation de l'ordonnance-- Telus Mobilité avait l'intention de se conformer à l'ordonnance de l'arbitre et, de bonne foi, a consacré beaucoup de temps, d'argent et de soin pour remédier à la situation--Il faut présenter une preuve hors de tout doute raisonnable pour fonder une ordonnance d'outrage au tribunal--Le Syndicat ne s'est pas acquitté du fardeau de preuve exigé pour faire condamner Telus Mobilité et David Wells pour outrage au tribunal--Demande rejetée.

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