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IMPÔT SUR LE REVENU

Calcul du revenu

Gains et pertes en capital

Canada c. Kruco

A-577-01

2003 CAF 284, juge Noël, J.C.A.

26-6-03

16 p.

Appel d'une décision de la Cour canadienne de l'impôt (Kruco Inc. c. La Reine, 2001 DTC 668) accueillant l'appel interjeté par le contribuable à l'encontre de sa cotisation pour l'année d'imposition 1989, établie en tenant pour acquis que les rajustements de 23 518 455 $ au total concernant les crédits d'impôt à l'investissement de Kruger et de sa filiale, lesquels rajustements sont attribuables aux actions du capital social de Kruger détenues par l'appelante, ne sont pas autorisés par la Loi de l'impôt sur le revenu, art. 55(2)--La question en litige porte sur la notion de revenu protégé découlant de l'art. 55(2)--Le revenu protégé désigne le montant à concurrence duquel les dividendes non imposables versés à des sociétés peuvent être versés sans pour autant donner lieu à un gain en capital en vertu de l'art. 55(2)--De manière générale, le revenu protégé correspond aux «revenus gagnés ou réalisés» par une corporation après 1971, sous réserve de certaines nuances--Avant le 30 août 1989, l'intimée était actionnaire minoritaire de Kruger, une corporation privée, détenant 3 627 100 actions ordinaires (32,493 %) et 100 actions privilégiées de son capital social-- Un différend, survenu entre l'intimée et la haute direction de Kruger, a donné lieu à un règlement en vertu duquel Kruger a racheté toutes les actions ordinaires et privilégiées de son capital social détenues par l'intimée en contrepartie de 99 000 000 $ et de 100 $ respectivement, ouvrant la voie à un dividende en vertu de la Loi, au titre de l'art. 84(3)--Pour l'exercice 1989, l'intimée a pris pour acquis qu'un dividende de 73 000 000 $ avait été payé à même des revenus protégés et a déclaré un gain en capital de 17 027 105 $, conformément à l'art. 55(2)--Le ministre a procédé à un rajustement négatif du calcul du revenu protégé au motif que le montant réduit en vertu duquel la déduction pour amortissement pouvait être réclamée donnait lieu à un revenu fictif (revenu reconnu dans le calcul du revenu en vertu de la Division B de la Partie I de la Loi, bien qu'il ne soit appuyé par aucune entrée additionnelle de fonds)--Cette modification a entraîné un premier rajustement négatif de 66 024 068 $, dont 32,493 % ou 21 453 200 $ ont été affectés aux actions détenues par l'intimée--Le deuxième rajustement découle de l'application de l'art. 12(1)t) de la LIR qui exige que les crédits d'impôt à l'investissement soient directement inclus dans le revenu lorsque l'art. 13(17.1)e) et (21)f)(vii) ne s'applique pas--Le ministre était d'avis que cette inclusion n'était pas appuyée par une entrée de fonds correspondante, donnant par conséquent lieu à ce qu'il appelle des «revenus fictifs»--Des 6 355 999 $ de rajustement découlant de cette modification, 2 065 255 $ ont été attribués aux actions de l'intimée-- L'agent de l'évitement fiscal s'était appuyé sur le texte d'un exposé présenté en 1981 par John R. Robertson, de Revenu Canada, lors de la conférence annuelle de la l'Association canadienne d'études fiscales (règles de Robertson)--L'agent a reconnu que le premier rajustement n'était pas, au sens strict, lié au revenu fictif mais qu'il était plutôt une conséquence du rejet de la déduction d'une dépense réellement encourue en raison de l'art. 13(7.1)e) et (21)f)(vii) de la LIR--Il a expliqué que le motif justifiant ce rajustement était toutefois semblable à celui se rapportant au revenu fictif --Le juge de la Cour de l'impôt a estimé que «revenu gagné ou réalisé» à l'art. 55(2) doit être interprété comme se rapportant au revenu pour fins fiscales--Aux terme de l'art. 55(2) et (5)c), le juge de la Cour de l'impôt a déterminé que les rajustements apportés au revenu protégé à l'étape du calcul du revenu devaient se limiter aux rajustements prévus à l'art. 20(1)gg) ou à l'art. 37.1; si le Parlement avait eu l'intention d'autoriser d'autres rajustements, il l'aurait précisé--Le juge de la Cour de l'impôt a expressément rejeté l'argument du ministre voulant que des rajustements négatifs puissent être effectués pour ce qu'il appelle un revenu fictif, à savoir le revenu découlant des crédits d'impôt à l'investissement réclamés par le contribuable--En l'espèce, le juge de la Cour de l'impôt a estimé que les rajustements effectués par le ministre avaient une incidence sur le calcul du revenu, et qu'agir de la sorte allait «directement à l'encontre» du libellé de l'art. 55(5)c)--Il a également estimé que les rajustements équivalaient à une double imposition--L'appel est rejeté--Le juge de la Cour de l'impôt est parvenu à la bonne conclusion et ses motifs étaient bien fondés--L'art. 55(2) de la LIR a été promulgué afin de s'assurer que le gain en capital inhérent aux actions d'une corporation, attribuable à une plus-value non réalisée des actifs sous-jacents de la corporation depuis 1971 ne fasse pas l'objet d'un évitement par l'utilisation des dividendes non imposables versés à une société-- Parallèlement, le Parlement ne voulait pas freiner le flux de dividendes exemptés d'impôt attribuables à des revenus déjà imposés--En établissant la répartition prévue à l'art. 55(2) et (5)f), le «revenu gagné ou réalisé» est «réputé» être un revenu calculé par ailleurs (en vertu de la LIR), sous réserve uniquement des deux exceptions mentionnées à l'art. 55(5)c) (dans le cas des corporations privées)--Le ministre n'est pas habilité à modifier le montant qui, par décision du Parlement, est réputé être un «revenu gagné ou réalisé» par une corporation privée aux fins de l'art. 55(2)--La présomption sous-jacente à l'art. 55(2) exige que dans le calcul du revenu protégé, l'on accorde crédit à l'intégralité du montant réputé être, par décision du Parlement, le «revenu gagné ou réalisé» d'une corporation privée--Une fois ce postulat établi, la conclusion du juge de la Cour de l'impôt voulant que le rajustement proposé par le ministre entraînerait l'imposition de montants qui ont déjà été imposés à titre de revenu devient évidente--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 12(1)t), 13(7.1), (21)(vii), 55(2)c), f), (5), 84(3).

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