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DROIT CONSTITUTIONNEL

Charte des droits

Droits à l'égalité

Périgny c. Canada (Procureur général)

A-405-01

2003 CAF 94, juge Décary, J.C.A.

21-2-03

21 p.

La demanderesse soutient que les dispositions relatives à l'admissibilité au bénéfice de prestations d'assurance-chômage de la «personne qui devient ou redevient membre de la population active» au sens de l'art. 6(3) et (4) de la Loi sur l'assurance-chômage (la mesure contestée) sont inconstitu-tionnelles en ce qu'elles sont discriminatoire envers les femmes qui s'étaient absentées du marché du travail pour voir à leurs obligations familiales--Ces dispositions sont communément appelées la règle «DEREMPA»--La demanderesse demande que la mesure contestée ne lui soit pas appliquée et qu'une période de prestations soit établie à son profit comme si cette mesure n'existait pas--La prétention de la demanderesse a été rejetée par le juge-arbitre pour le motif que la demanderesse ne s'était pas déchargée du fardeau de preuve qui incombe à la partie invoquant le droit à l'égalité reconnu par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), à son art. 15--La demanderesse reproche au juge-arbitre d'avoir erré en droit en n'adoptant pas l'approche suggérée dans Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497 (Law) et, d'avoir erré en droit en imposant un fardeau de preuve trop onéreux ou d'avoir erré en fait en tirant de la preuve des conclusions qu'il ne pouvait tirer--Law propose une démarche en trois étapes qui prend la forme de trois questions auxquelles la Cour doit répondre--Il y aura discrimination au sens de l'art. 15(1) de la Charte si chacune des questions reçoit une réponse affirmative--Le premier reproche fait au juge-arbitre n'est pas mérité--Le juge-arbitre a adopté l'approche suivie dans Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695 (Symes) puisqu'il s'agissait également, dans cette affaire et contrairement à Law, d'une loi qui ne serait discriminatoire que par ses effets--Le juge-arbitre n'avait pas passé à la troisième étape de l'analyse suggérée par Law puisqu'il en était arrivé à la conclusion, selon son propre cheminement fondé sur Symes, que la demanderesse avait échoué au niveau de la première étape--La reproche est d'autant plus injustifié que la demanderesse a omis de traiter de la troisième étape de manière indiquée dans Law, forçant la Cour et les procureurs de la défenderesse à entendre une argumentation orale toute remaniée et fort indigeste--De toute façon, dans Law, la Cour a pris soin de préciser que «ces lignes directrices ne doivent pas être perçues comme des critères stricts, mais plutôt comme des points de repère pour les tribunaux» et qu' «Il est inapproprié de tenter de restreindre l'analyse au paragraphe 15(1) de la Charte à une formule figée et limitée» --Quant au second reproche ayant trait au fardeau de preuve et aux conclusions de fait qu'a tirées le juge-arbitre, selon la Cour, il y a deux manières d'aborder le fardeau de preuve-- L'approche du juge-arbitre apparaît douteuse parce qu'il était conscient, en principe, que la règle applicable est celle de la balance des probabilités ou de la prépondérance de preuve, mais il semblerait qu'il ne l'ait peut-être pas appliqué en pratique le principe--Ici, le juge-arbitre fait référence a un degré de preuve probable qui serait une preuve suffisante--Le fait que les débats parlementaires ainsi que la controverse qui a entouré l'adoption et le maintien de la règle DEREMPA dans le cadre de la Loi sur l'assurance-chômage reflètent une croyance largement répandue que la règle touchait plus durement les femmes que les hommes--Une telle croyance n'établit pas que la règle a un effet discriminatoire, mais le fait que tant de personnes et d'organismes impliqués dans la prise de décision aient cru que la mesure pouvait avoir cet effet devrait être pris en considération par le juge-arbitre dans son appréciation globale de la preuve --La cour n'interviendra que si le juge-arbitre a imposé un fardeau trop lourd à la demanderesse ou n'a pas tenu compte de facteurs pertinents--La première étape proposée dans Law a été franchie--Relativement a la seconde étape, la demanderesse la franchit aisément: la différence de traitement est fondée, essentiellement, sur le sexe, un motif expressément reconnu, et sur ce motif analogue qu'est le statut parental--Au stade de la troisième étape, les tribunaux ne concluent pas facilement à une violation de l'art. 15(1) de la Charte lorsqu'il s'agit de différence de traitement résultant de régimes de prestations contributifs tels le Régime de pensions du Canada et le régime d'assurance-emploi-- La mesure attaquée ne porte pas atteinte à la dignité essentielle des mères de famille--Bref, il y a bien peu de traces d'indignité dans l'histoire et la situation particulière de la demanderesse--La demanderesse reproche à la mesure contestée de ne pas être adaptée à ses circonstances personnelles, lesquelles n'ont rien d'ordinaire--Or, le législateur ne peut pas tout prévoir, il ne veut pas, non plus, tout prévoir en ce sens qu'il lui est loisible de viser certaines cibles plutôt que d'autres --La mesure attaquée est particulièrement complexe, ce n'est peut-être pas la solution idéale convenant à la demanderesse, mais il paraît difficile de conclure qu'une tentative, peut-être imparfaite, d'avantager certaines femmes et mères de famille porte atteinte à la dignité essentielle des autres--Les conditions d'admissibilité ne sont pas la manifestation d'un manque de respect ou d'une perte de dignité--Il s'agit d'un instrument administrativement nécessaire conçu pour répondre aux exigences d'un régime viable d'assurance par cotisations--Demande de contrôle judiciaire rejetée-- Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U-1, art. 6 (mod. par L.C. 1990, ch. 40, art. 5)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15(1).

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