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DROIT D'AUTEUR

Contrefa�?§on

Eros-Équipe de recherche opérationnelle en santé inc. c. Conseillers en gestion et informatique C.G.I. inc.

T-687-88

2004 CF 178, juge Tremblay-Lamer

3-2-04

78 p.

Action dans laquelle la demanderesse, Eros-Équipe de recherche opérationnelle en santé inc. (Eros), poursuit les défenderesses, Conseillers en gestion et informatique CGI inc. (CGI), la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Québec (Régie de Québec) solidairement et conjointement, et la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Montérégie (Montérégie), pour violation des ses droits d'auteur selon la Loi sur les droits d'auteurs (Loi) relative-ment à l'usage de son oeuvre littéraire intitulée Classification (des bénéficiaires) par types (de programmes) en milieu de soins prolongés (CTMSP)--Les défenderesses Régie de Québec et Montérégie sont toutes deux des corporations constituées selon la Loi sur les services de santé et les services sociaux du Québec--Eros est une entreprise d'évaluation, de conception, de réalisation, et de mise en opération de systèmes de gestion dans le domaine de la santé--Elle reproche à la Régie de Québec d'avoir violé ses droits d'auteurs en autorisant la reproduction de parties importantes des formulai-res CTMSP lors de la conception du logiciel SIBPA (Système d'information pour le bénéficiaires en perte d'autonomie) par CGI; en autorisant la traduction en langage informatique du CTMSP par CGI; en reproduisant l'oeuvre CTMPS lors de l'utilisation de SIBPA; en autorisant l'utilisation du logiciel contrefacteur SIBPA et conséquemment, la reproduction du CTMSP lors de l'utilisation; et en mettant en circulation l'oeuvre contrefacteur de façon à porter préjudice à Eros en offrant le logiciel à toutes les régies--Eros reproche à Montérégie la reproduction de son oeuvre CTMSP lors de l'utilisation de SIBPA--Elle reproche à CGI la reproduction de parties importantes de son oeuvre CTMSP lors de la conception de SIBPA--En incorporant les formulaires CTMSP dans le logiciel SIBPA, CGI les a reproduits, mais dans un langage informatique--Pour ne pas être tenue responsable des dommages causés par la conception de SIBPA, la Régie du Québec a invoqué le bénéfice de l'immunité de la Couronne provinciale--Lorsque la Régie de Québec agit dans le cadre d'un mandat spécifique du ministère des Affaires sociales (MAS) (maintenant le ministère de la Santé et des Services sociaux), son statut de mandataire est clair et elle jouit de l'immunité de la Couronne (R. c. Eldorado Nuclear Ltd., [1983] 2 R.C.S. 551)--La Loi sur le droit d'auteur ne précise pas qu'elle s'applique à la Couronne--Il est donc nécessaire d'analyser les dispositions de la Loi afin de décider si la Couronne peut lui être implicitement assujettie --La Couronne et ses mandataires ne peuvent prendre avantage d'un régime législatif et ensuite ignorer les obligations qui en découlent--Le MAS s'est prévalu du régime de la Loi--Il existe un lien étroit entre l'avantage que procure une licence exclusive, c'est-à-dire le droit d'utiliser une oeuvre à l'exclusion de tout autre personne, et l'obligation de ne pas violer les droits que le cédant a choisi de ne pas céder, en l'espèce, le droit à l'informatisation de son oeuvre-- Le MAS et ses mandataires sont donc liés par les dispositions de la Loi et ne peuvent se prévaloir de l'immunité de la Couronne--La Régie de Québec a outrepassé le mandat conféré par la MAS en violant les droits d'auteur d'Eros et elle a donc perdu son immunité--Le droit civil ne peut être la source de la faute de la défenderesse dans un cas de violation de droit d'auteur puisque la Loi prévoit quels sont les actes constituant une violation au droit d'auteur et quels sont les recours disponibles--La preuve était concluante quant à la connaissance des droits d'auteur d'Eros par la Régie de Québec--Eros a prétendu que chacune des défenderesses a violé ses droits d'auteur, soit par l'accomplissement d'un des actes énoncés à l'art. 3 de la Loi ou par l'autorisation de l'acte en question--L'art. 27(1) de la Loi stipule que l'accomplisse-ment, sans le consentement du titulaire de ce droit, d'un acte que seul ce titulaire a la faculté d'accomplir selon la Loi constitue une violation du droit d'auteur--L'art. 27(2) stipule que la mise en circulation d'une oeuvre violant les droits d'auteur d'un autre est également une violation de droit d'auteur--Le critère pour déterminer s'il y a eu reproduction d'une partie importante d'une oeuvre est qualitatif--Les défenderesses ont admis que le guide d'utilisation du logiciel SIBPA reproduit des parties importantes des formulaires CTMSP, ce qui démontre clairement qu'elles se sont approprié l'essence de l'oeuvre CTMSP--Les formulaires CTMSP se trouvent mot pour mot dans le logiciel de la Régie de Québec en violation des arts. 3(1)a) et 27(1) de la Loi--La Régie de Québec a donc autorisé les gestes de contrefaçon de la défenderesse CGI et de ses prédécesseurs--La personne qui autorise une violation commet un acte de contrefaçon au même titre que l'entité qui accomplit l'acte--CGI et la Régie de Québec sont donc solidairement responsables de ces actes --Montérégie n'a pas participé à la conception de SIBPA, mais elle reconnaît avoir utilisé le logiciel comme plusieurs autres régies régionales--La reproduction par la Régie de Québec et Montérégie de l'oeuvre sur leurs ordinateurs constitue une violation du droit d'auteur de la demanderesse --Mis à part la reproduction à l'écran, la preuve a révélé que SIBPA générait des rapports imprimés qui sont eux-mêmes des reproductions de parties importantes des formulaires CTMSP, ce qui constitue une autre violation du droit d'auteur d'Eros--L'art. 27(2)c) prévoit qu'il y a contrefaçon lorsqu'une personne met en circulation l'oeuvre contrefaite de façon à porter préjudice au titulaire du droit d'auteur--La preuve a clairement démontré que les défenderesses Régie de Québec et CGI ont ,«mis en circulation» le logiciel SIBPA et que plusieurs régies l'ont utilisé--Puisque les droits d'auteur liés au CTMSP étaient dûment enregistrés, CGI devait réfuter la présomption qu'elle avait un motif raisonnable de soupçonner que l'oeuvre était protégée--Le simple fait qu'il n'y avait jamais eu de problème de contrefaçon auparavant ne signifie pas que la contrefaçon n'est pas un élément à considérer lorsqu'un formulaire est intégré mot pour mot dans un nouveau logiciel, surtout lorsque l'avis de droit d'auteur est reproduit à plusieurs endroits dans le document--Il était donc raisonnable de croire qu'un droit d'auteur existait relativement à l'oeuvre CTMSP et CGI n'a pas réfuté la présomption énoncée à l'art. 39 de la Loi--La Régie de Québec et CGI ont violé, au sens de l'art. 27(2)c) de la Loi, les droits d'auteur de la demanderesse en mettant en circulation l'oeuvre contrefaite de façon préjudiciable à Eros--L'art. 34 de la Loi indique les recours dont l'auteur lésé peut se prévaloir et l'art. 35 traite des dommages-intérêts auxquels il a droit pour remédier à la contrefaçon--Quant aux pertes reliées à l'exploitation informatique de CTMSP, un montant de 200 000 $ est raisonnable pour le coût de conception de SIBPA--À ce montant s'ajoute 70 000 $ pour tenir compte des sommes dépensées par la Régie de Québec pour apporter des modifications subséquentes au logiciel SIBPA, totalisant 270 000 $--Il faut ensuite appliquer la marge bénéficiaire d'Eros de 53,72% pour obtenir le montant des bénéfices perdus, qui s'élèvent à 312 729 $--Eros aurait touché des frais pour l'entretien annuel de son logiciel CTMPS informatisé--Au taux incontesté de 17%, cela représente un montant annuel de pertes de bénéfices de 53 164 $, montant qui devra être majoré selon l'indice du prix à la consommation à compter de 1986, date de la contrefaçon, jusqu'en 1992, date où SIBPA a cessé d'être utilisé par les défenderesses--Quant aux pertes reliées au manque à gagner sur les ventes du logiciel PLAISIR (Planification informatisée des soins infirmiers requis), ce chef de dommages est fondé sur l'hypothèse que le logiciel contrefacteur SIBPA aurait supplanté en partie le marché du logiciel PLAISIR--Comment la demanderesse peut-elle prétendre pouvoir vendre un produit et ensuite continuer de faire payer l'acheteur pour l'utilisation du produit?--Il est inévitable qu'un logiciel CTMSP aurait fait concurrence au produit PLAISIR d'Eros--Puisque le tribunal doit éviter les chevauchements et les dédoublements, Eros ne peut réclamer à la fois des dommages-intérêts liés à l'utilisation de PLAISIR et des dommages-intérêts liés à l'informatisation du CTMSP --Eros a réclamé contre Montérégie des dommages-intérêts fondés sur son utilisation du logiciel SIBPA--Eros n'a pas démontré que la fin de l'utilisation de PLAISIR dans la Montérégie était directement liée à l'utilisation de SIBPA-- Dans ce cas, il est opportun d'accorder des dommages-intérêts nominaux de l'ordre de 10 000 $ en faveur de la demanderesse --Eros a également réclamé des dommages-intérêts punitifs aux défenderesses--En ce qui concerne la Régie de Québec, la Montérégie et CGI, l'absence de preuve d'intention malveillante ou d'intention de nuire de leur part éliminait la possibilité de dommages-intérêts punitifs--Eros a droit aux intérêts à un taux de 5% depuis l'assignation de l'action, soit en avril 1988--Finalement, CGI a formulé un appel en garantie fondé sur le manquement de la Régie de Québec à son devoir de renseignement lors du contrat pour la conception de SIBPA--La Régie de Québec ne conteste pas l'appel en garantie pour les dommages causés par les actions des prédécesseurs de CGI ni avant l'institution de l'action ni suite à celle-ci--Appel en garantie accueilli contre la Régie de Québec pour les dommages-intérêts auxquels CGI a été condamné dans le présent litige avec dépens contre la Régie de Québec--Action accueillie--La Cour déclare inter partes que l'oeuvre originale littéraire CTMSP est une oeuvre protégée dont la demanderesse seule est propriétaire des droits d'auteur dans celle-ci--Loi sur les droits d'auteur, L.R.C. (1985), ch. C-42, art. 3 (mod. par L.C. 1988, ch. 65, art. 62; 1993, ch. 23, art. 2; ch. 44, art. 55; 1997, ch. 24, art. 3), 27 (as am. by L.C. 1997, ch. 24, art. 15)--Loi sur les services de santé et les services sociaux, L.R.Q., ch. S-4.2.

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