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BREVETS

Contrefaçon

Laboratoires Abbott c. Canada (Ministre de la Santé)

T-1035-02

2004 CF 1349, juge Gibson

1-10-04

58 pp.

Les demanderesses réclament une ordonnance interdisant au ministre de délivrer à Pharmascience un avis de conformité pour des comprimés de clarithromycine jusqu'à l'expiration du brevet no 2261732 (le brevet 732)--Demande déposée conformément à l'art. 6 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en réponse à un avis d'allégation signifié par Pharmascience à Abbott Canada conformément à l'art. 5 du Règlement. Pharmascience affirme que sa version du médicament produite grâce à son procédé ne contrefait pas le brevet ou que les revendications du brevet ont une portée plus large que l'invention réalisée et divulguée et que le brevet est par conséquent invalide--Le protonotaire a prorogé de 105 jours le délai de 24 mois prescrit par l'art. 7(1)e) du Règlement pendant lequel il est interdit au ministre de délivrer un avis de conformité--Rejet de l'appel interjeté de cette ordonnance-- L'interdiction est toujours en vigueur--Le médicament en question est l'antibiotique Biaxin BID®, qui est fabriqué au Canada par Abbott Canada avec la permission d'Abbott U.S.--Pharmascience est une société fabriquant des médicaments génériques qui commercialise des médicaments sans avoir à établir, de façon distincte, leur innocuité et leur efficacité--Le brevet en litige compte 44 revendications-- Résumé de l'invention revendiquée--Pharmascience compte acheter la clarithromycine II à un fournisseur étranger et elle prétend que le procédé du fournisseur déborde le cadre du brevet en ce qu'il ne comporte pas de cristallisation ni de recristallisation mais plutôt une «transformation à l'état solide» obtenue par une mise en suspension dans l'eau--Mais le fournisseur fabrique aussi de la clarithromycine II par un second procédé qui est visé par le brevet des demanderesses --La clarithromycine II fournie à Pharmascience ne serait produite que par la méthode de «mise en suspension»-- Questions préliminaires: 1) L'avis d'allégation de Pharmascience est-il insuffisant à sa face même? 2) Le fait que la défenderesse se soit fondée sur des éléments de preuve qui constitueraient du ouï-dire constitue-t-il une preuve suffisante pour évaluer l'allégation? Questions de fond: absence de contrefaçon du brevet 732 et, si la Cour conclut à la contrefaçon, invalidité du brevet 732 en raison du fait que les revendications du brevet ont une portée plus vaste que l'invention réalisée et divulguée--En ce qui concerne l'avis d'allégation, la Cour ne dispose d'aucun élément de preuve qui révélerait qu'à la date de l'avis d'allégation, Pharmascience savait, ou même ignorait, que son fournisseur avait reconnu qu'il employait deux méthodes différentes, dont une seule comportait une mise en suspension--Preuve insuffisante pour pouvoir évaluer l'allégation--Lorsqu'on le rapproche des détails communiqués par Pharmascience après le prononcé de l'ordonnance de confidentialité, le fondement factuel de l'avis d'allégation est insuffisant pour justifier l'avis d'allégation--L'avis d'allégation s'approche d'un abus de procédure et d'un manquement à l'économie du Règlement-- Il est impossible pour la Cour de conclure que la forme II de la clarithromycine que la défenderesse utiliserait si un avis de conformité lui était délivré serait fabriqué en totalité au moyen d'un procédé qui ne contrefait pas le brevet--Bien que cette conclusion scelle le sort de l'affaire, la Cour poursuit son analyse en examinant les allégations d'absence de contrefaçon et la question de l'invalidité du brevet 732 pour cause de portée excessive--La réponse à ces deux questions dépend entièrement de la conclusion tirée au sujet de la crédibilité des témoins experts --Examen des principes d'interprétation des revendications de brevet--La personne «versée dans l'art auquel l'invention appartient» est, en l'espèce, un chimiste titulaire d'un diplôme de premier cycle en chimie ou en génie chimique qui possède entre deux et cinq ans d'expérience, y compris au niveau de la maîtrise, dans l'élaboration de processus pharmaceutiques--La date déterminante pour l'interprétation du brevet 732 est celle à laquelle le brevet est devenu «accessible au public» ou a été «publié», c'est-à-dire le 5 février 1998--Interprétation du mot «traitement»--Le terme «traitement» englobe toute méthode de cristallisation de la clarithromycine qui comporte une dissolution dans un des solvants ou systèmes de solvants énumérés dans le brevet 732--Il englobe la mise en suspension de la clarithromycine lorsque la forme II de la clarithromycine est la forme cristalline résultante-- Interprétation du composé de départ et des systèmes de solvants--Fardeau de persuasion et fardeau de présentation de la preuve concernant l'allégation de contrefaçon--Lorsque, comme en l'espèce, le brevet en litige est produit selon un brevet de procédé, l'art. 6(6) du Règlement présume que le brevet des demanderesses sera contrefait «en l'absence d'une preuve contraire»--La Cour tient pour acquis que l'avis d'allégation de Pharmascience est suffisant, qu'elle a réussi à démontrer que la question de l'absence de contrefaçon et celle de la portée excessive sont «mises en jeu» et que le témoignage de ses experts a permis aux demanderesses de se décharger du «fardeau de persuasion» ou du «fardeau de présentation de la preuve» qui leur incombait--Le «fardeau de présentation de la preuve» revient à la défenderesse, qui ne s'en est pas déchargé--Le sort de la question de la contrefaçon du brevet 732 dépend entièrement de l'évaluation des témoignages contradictoires des experts--L'argument de Pharmascience selon lequel la transformation dans le procédé du fournisseur a lieu dans l'eau et non dans un solvant ou un système de solvants divulgué dans le brevet 732 n'est pas défendable--L'allégation d'absence de contrefaçon du fait que le procédé implique une transformation à l'état solide ou une transformation solide-solide plutôt qu'une cristallisation ou une recristallisation tombant sous le coup du brevet 732 n'a pas été établie--Quant à l'allégation d'invalidité pour cause de portée excessive, une interprétation de la divulgation du brevet 732 qui serait assez large pour englober le procédé que le fournisseur de la défenderesse utilise ou se propose d'utiliser est tout à fait acceptable et les revendications du brevet ne débordent pas de ce fait le cadre de l'exposé de l'invention --Pharmascience ne s'est pas acquittée du fardeau de preuve qui lui incombait de démontrer le bien-fondé de l'allégation d'invalidité--Les demanderesses obtiennent gain de cause sur tous les aspects de la demande--Ordonnance interdisant au défendeur, le ministre de la Santé, de délivrer un avis de conformité jusqu'à l'expiration du brevet--Règlement sur les médicaments brevets (avis de conformité), DORS/93-133, art. 5 (mod. par DORS/98-166, art. 4; 99-379, art. 2), 6 (mod. par DORS/98-166, art. 5; 99-379, art. 3), 7(1)e) (mod. par DORS/98-166, art. 6).

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