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IMPÔT SUR LE REVENU

Calcul du revenu

Gains et pertes en capital

Canada c. Canadian Utilities Ltd.

A-438-03, A-439-03

2004 CAF 234, juge Rothstein, J.C.A.

18-6-04

27 p.

Appels de la décision de la Cour de l'impôt ([2004] 1 C.T.C. 2001) concernant le sens de l'expression «série d'opérations ou d'événements» de l'art. 55(2) de la Loi de l'impôt sur le revenu--L'art. 55(2) est une règle anti-évitement visant à empêcher le dépouillement des gains en capital--Aux termes de cette règle, un dividende intersociétés qui serait autrement non imposable et qui est réputée découler du rachat d'actions est réputé constituer le produit de la disposition des actions lorsque le dividende réputé fait partie d'une «série d'opérations ou d'événements» qui entraîne une réduction importante du gain en capital réalisé sur la disposition des actions--Selon une exception à cette règle (exception concernant l'impôt de la partie IV), le dividende réputé ne sera pas qualifié de produit de la disposition des actions dans la mesure où l'actionnaire ayant effectué le rachat est assujetti à l'impôt de la partie IV sur le dividende réputé--Cependant, l'exception fondée sur l'impôt de la partie IV ne s'applique pas si l'impôt de la partie IV est remboursé à l'occasion du versement d'autres dividendes par la société bénéficiaire à d'autres sociétés lorsque les autres versements des dividendes font partie de la même «série d'opérations ou d'événements» qui comprend le dividende réputé initial--En 1995, ATCO Ltd. (ATCO), une société albertaine appartenant à Ronald Southern, contrôlait Canadian Utilities Limited (CU) et Canadian Utilities Holdings Limited (CUH)--CU et CUH étaient toutes deux des sociétés cotées en bourse--ATCOR Resources Ltd. (ATCOR) était une société cotée en bourse qui s'occupait d'exploration, de production, de traitement et de mise en marché du gaz et du pétrole--Ensemble, ATCO, CU et CUH contrôlaient ATCOR, puisqu'elles possédaient 87 p. 100 des actions d'ATCOR avec droit de vote--En mai 1995, le propriétaire a décidé d'explorer la possibilité de vendre ATCOR--Forest Oil Corporation (Forest), un acheteur potentiel, était une société de pétrole et de gaz naturel de l'État de New York dont les actions étaient cotées en bourse--À toutes les époques en cause, ATCO, CU et CUH étaient des sociétés indépendantes de Forest--En vertu d'une entente conclue le 12 décembre 1995, Forest a convenu d'acheter ATCOR--La société 3140334 Canada Ltd. (Newco) a été constituée en société, en tant que filiale possédée en propriété exclusive d'ATCO--ATCO détenait la seule action émise de Newco--En vertu d'une entente de fusion datée du 15 décembre 1995, ATCOR et Newco ont fusionné pour former une nouvelle société qui continuerait à être désignée sous la dénomination sociale ATCOR Resources Ltd. (Amalco)--Forest a constitué la société 3189490 Canada Ltd. (Forest Subco), une filiale en propriété exclusive, aux termes de la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) dans le but d'acquérir Amalco--En janvier 1996, ATCOR et Newco ont fusionné pour former Amalco--Selon l'entente de fusion, l'action unique émise de Newco que détenait ATCO a été convertie en une action ordinaire d'Amalco--Étant propriétaire de cette action, la seule action émise d'Amalco avec droit de vote, ATCO contrôlait Amalco--Aux termes de l'art. 87(4) de la Loi, le prix de base rajusté total (PBR) des actions d'Amalco acquises par CU et CUH était réputé être égal au PBR total de leurs actions respectives d'ATCOR-- Comme l'exigent les art. 26(3)b) et 182(1)c) de la LCSA et les art. 87(3) et 89(1) de la Loi, l'entente de fusion prévoyait que le capital versé total de Newco et d'ATCOR serait réparti entre les quatre catégories d'actions d'Amalco--Le 31 janvier 1996, Forest Subco a acquis d'ATCO une action ordinaire d'Amalco, obtenant ainsi le contrôle d'Amalco qu'exerçait auparavant ATCO--Immédiatement après, Forest Subco a souscrit 1 000 000 d'actions ordinaires d'Amalco pour un prix total de souscription de 129 161 278 $--Amalco a racheté toutes ses actions de catégories A et B pour un produit de rachat de 4,88 $ par action, pour un total de 129 161 278 $-- Forest Subco a ensuite acquis toutes les actions émises de catégorie C d'Amalco à un prix de 4,88 $ par action, pour un total de 56 805 527,76 $--CU versait des dividendes sur ses actions ordinaires depuis 1950 et des dividendes à un taux fixe sur ses actions privilégiées--CUH versait des dividendes sur ses actions privilégiées--Ces dividendes ont été qualifiées de «dividendes normaux»--CU et CUH ont déduit le montant des dividendes réputés à l'égard du rachat de ses actions d'Amalco--Ce montant était égal au montant payé pour le rachat moins le capital versé--Elles ont toutes les deux traité leur dividende réputé comme un dividende déterminé assujetti à l'impôt de la partie IV--Elles ont compensé leur obligation fiscale en vertu de la partie IV en demandant un remboursement au titre de dividendes--Le ministre a établi une nouvelle cotisation en décidant que l'art. 55(2) s'appliquait au dividende réputé--Le juge de première instance a estimé que le versement des dividendes normaux ne faisait pas partie de la série d'opérations ATCOR/Forest qui a donné naissance à la présomption selon laquelle CU et CUH avaient reçu des dividendes à l'occasion du rachat de leurs actions d'Amalco--Il en a conclu que l'art. 55(2) ne s'appliquait pas, étant donné que CU et CUH étaient assujetties à l'impôt de la partie IV et parce que le remboursement de l'impôt de la partie IV découlait non pas de la série d'opérations ATCOR/Forest ayant donné naissance aux dividendes réputés et à l'importante réduction de gains en capital, mais d'opérations indépendantes--Le juge de première instance a déclaré qu'il aurait également accueilli l'appel pour le motif que rien dans la Loi n'autorise une répartition proportionnelle des remboursements de l'impôt de la partie IV entre les dividendes versés aux sociétés et les dividendes versés aux particuliers lorsque les dividendes sont payés à ces deux catégories de personnes--Il a par conséquent conclu que CU et CUH pouvaient répartir les dividendes normaux de la façon qui leur était la plus profitable--Dans la mesure où les dividendes ont été attribués à des particuliers, l'exception relative à l'impôt de la partie IV dont parle l'art. 55(2) serait alors applicable--Le terme «série» n'est pas défini dans la Loi, il faut donc s'en remettre à la définition qu'en donne la common law--Dans OSFC Holdings Ltd. c. Canada, [2002] 2 C.F. 288 (C.A.), la Cour a adopté «le critère de la détermination d'avance» pour décider s'il y avait une série d'opérations selon la common law, à savoir si chaque opération de la série était déterminée d'avance en vue de produire un résultat final--Par détermination d'avance, on veut dire que, lorsque la première opération de la série est réalisée, tous les éléments essentiels des opérations ultérieures sont déterminés par les personnes qui ont la ferme intention et la capacité de les réaliser--OSFC a adopté «l'approche énoncée par la Chambre des lords» dans Craven v. White, [1989] A.C. 398 (H.L.)--Les quatre facteurs énumérés dans Craven v. White n'ont cependant pas pour unique effet de définir ce qu'est une série--Les facteurs énoncés dans Craven v. White constituent un code de common law qui sert non seulement à établir s'il y a une série d'opérations mais également à définir les cas où il est possible de ne pas tenir compte de l'effet juridique d'une opération intermédiaire de la série en cause qui n'a pas d'autre fin que l'évitement fiscal et qui n'est pas prévue pour avoir une existence indépendante--Ainsi, les deuxième et troisième volets du critère ne concernent pas les cas où les opérations individuelles sont suffisamment reliées entre elles pour que le tribunal puisse leur donner l'effet composite qu'elles devaient avoir--Ces critères touchent en fait la question de savoir si une opération de la série n'a été insérée que dans un but fiscal, et si, selon la règle judiciaire anti-évitement, celle-ci ne devrait pas recevoir l'effet juridique qu'elle aurait autrement--Étant donné que l'approche canadienne consiste plutôt à prendre des mesures anti-évitement de nature législative plutôt que judiciaire, il serait inapproprié d'adopter intégralement le critère de common law--L'adoption de l'approche décrite dans OSFC veut dire adopter le critère de la détermination d'avance pour décider s'il y a une série d'opérations selon la common law--Il est alors uniquement nécessaire de décider si chacune des opérations de la série alléguée était déterminée d'avance (telle que définit dans OSFC) pour entraîner un résultat final et si ces opérations déterminées d'avance ont effectivement eu lieu--Le juge de première instance n'aurait pas dû tenir compte des deuxième et troisième parties du critère énoncé dans Craven v. White pour décider si la série d'opérations ATCOR/Forest et les dividendes normaux constituaient ensemble une série selon la common law--En outre, le juge de première instance a ajouté au critère de l'existence d'une série d'opérations une condition que n'exige pas la common law--D'après le juge de première instance, le fait que les opérations aient été déterminées d'avance et aient été effectuées ne permet pas de conclure qu'elles font partie de la même série d'opérations--Une transaction peut faire partie d'une série de transactions reconnue par la common law si elle a une existence et un objet véritablement indépendant--Au Canada, pour qu'il y ait série reconnue par la common law, il suffit qu'au moment où l'opération initiale est achevée, les opérations subséquentes visant à éviter l'impôt aient été déterminées par des personnes qui ont la ferme intention de les mettre en oeuvre ainsi que la capacité de le faire et que toutes ces opérations soient en fait effectuées--Lorsque le ministre établit une série, il peut lui faire inclure toutes les opérations qui lui paraissent pertinentes--S'il est établi que ces opérations étaient déterminées d'avance et qu'elles ont effectivement été effectuées, elles constituent une série d'opérations aux fins de l'art. 55(2)--Lorsque la série est établie, l'application de l'art. 55(2) dépend de la question de savoir si un des buts de la série était d'entraîner une diminution du gain en capital qui aurait été autrement réalisé --Le juge de première instance a jugé que la série d'opérations ATCOR/Forest et les dividendes normaux étaient des opérations déterminées d'avance--Le fait que CU et CUH aient eu l'intention d'utiliser les opérations ATCOR/Forest et les dividendes normaux pour réaliser leur objectif d'évitement fiscal, qu'elles aient eu la capacité de s'assurer que toutes ces opérations soient effectuées, et que toutes les opérations aient effectivement été effectuées comme prévu, suffit à intégrer toutes ces opérations dans une série de common law aux fins de l'art. 55(2)--Peu importe qu'une ou plusieurs opérations aient eu une existence et un but indépendants--Le seul fait de conclure à l'existence d'une série ne veut pas dire que l'art. 55(2) s'applique nécessairement--Les autres conditions prévues par la disposition, notamment la condition selon laquelle un des résultats de la série doit être une diminution importante du montant des gains en capital qui aurait été réalisé autrement, doivent également être remplies--En l'espèce, il n'est toutefois pas contesté que ces conditions l'aient été--Quant à la répartition proportionnelle des dividendes donnant naissance au remboursement de l'impôt de la partie IV, CU et CUH ont versé des dividendes normaux à des sociétés et à des particuliers--Elles ont eu droit, pour cette raison, à un remboursement au titre des dividendes de l'art. 129 de la Loi--Le ministre soutient que, pour préciser la mesure dans laquelle l'exception relative à l'impôt de la partie IV prévue par l'art. 55(2) s'applique, il faut déterminer la proportion du montant total des dividendes qui a été versée à des sociétés et celle qui a été versée à des particuliers--Le ministre affirme que le sous-ensemble des dividendes donnant droit au remboursement de l'impôt de la partie IV doit être réparti dans les mêmes proportions entre les particuliers et les sociétés--Les termes de la Loi n'appuient aucunement l'argument du ministre--L'art. 129(1) ne prévoit pas que dans le cas où des dividendes sont versés à des particuliers et à des sociétés, le remboursement au titre de dividendes doit être réparti de façon proportionnelle entre les deux catégories de bénéficiaires--Les parties reconnaissent que si l'argument de la répartition présenté par le ministre est rejeté, CU a versé un montant suffisant de dividendes normaux à des particuliers au cours de son année d'imposition 1996 pour qu'elle ait droit au remboursement intégral de l'impôt de la partie IV qu'elle a payé--Dans le cas de CUH, cette société n'a pas versé à des particuliers des dividendes suffisants en 1996 et 1997 pour lui donner droit au remboursement intégral de son impôt de la partie IV--Les dividendes normaux versés à des particuliers au cours des années d'imposition 1996 et 1997 de CUH doivent être déduits du dividende réputé attribuable à CUH pour en arriver au montant du dividende réputé qu'il convient de traiter comme un gain en capital aux fins de l'art. 55(2)-- L'appel du ministre à l'égard de la série d'opérations est accueilli--L'appel du ministre au sujet de la répartition des dividendes versés par CU et CUH sur une base proportionnelle est rejeté--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 55(2), 87(3) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 37), (4), 89(1) (mod., idem, ann. II, art. 67; ch. 21, art. 42), 129(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 7, ann. VIII, art. 73; 1996, ch. 21, art. 32; 1998, ch. 19, art. 154)--Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44, art. 26(3), 182(1).

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