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ENVIRONNEMENT

Prairie Acid Rain Coalition c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans)

T-213-03

2004 CF 1265, juge Russell

16-9-04

86 p.

Contrôle judiciaire d'une décision du ministère des Pêches et des Océans du Canada (le MPO) concernant l'étendue d'un projet pour lequel devrait être effectuée une évaluation environnementale--Le MPO est l'autorité responsable, selon la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (la LCEE), en ce qui concerne un projet dont l'origine, aux fins de la LCEE, est une proposition de la défenderesse TrueNorth Energy Corporation (TrueNorth)--TrueNorth voudrait exploiter un gisement de sables bitumineux situé en Alberta-- Les travaux d'extraction requièrent d'enlever une terre imprégnée de pétrole--Un ruisseau poissonneux, le Fort Creek, traverse la zone de la mine projetée--Les travaux de mise en valeur nécessitent la destruction du Fort Creek--Cela signifie qu'une autorisation de détruire le poisson et l'habitat du poisson est requise en application de l'art. 35 de la Loi sur les pêches (la Loi)--L'art. 15 de la LCEE donne à l'autorité responsable le pouvoir de déterminer la portée du projet qui doit être évalué--Le MPO a défini la portée du projet à l'égard duquel une évaluation environnementale serait effectuée comme la destruction du Fort Creek et les activités annexes--Les demandeurs s'opposent à la décision du MPO de limiter à la destruction du Fort Creek la portée des travaux d'exploitation des sables bitumineux--Leurs préoccupations sont les suivantes: le risque de voir les émissions résultant du projet contribuer aux pluies acides et aux émissions de gaz à effet de serre, les répercussions cumulatives du projet, une fois combinées aux répercussions d'autres projets de mise en valeur des sables bitumineux, l'insuffisance de détails dans les mesures proposées d'atténuation, l'absence d'intervention fédérale dans l'atténuation des effets du projet, enfin l'intégrité du processus d'évaluation prévu par la LCEE--Selon les demandeurs, la décision, et les motifs qui l'appuient, révèlent trois erreurs: 1) une erreur dans l'interprétation du champ du pouvoir fédéral d'évaluation selon la LCEE; 2) un exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire du MPO lorsqu'il a déterminé la portée du projet devant être évalué; et 3) une erreur dans l'interprétation de la définition de «projet» et du Règlement sur la liste d'inclusion pris en vertu de la LCEE--En ce qui concerne les points 1) et 2); selon les demandeurs, le MPO a adopté la position selon laquelle un projet soumis à une évaluation environnementale fédérale en application de la LCEE doit correspondre à l'entreprise de réglementée par le gouvernement fédéral dont il est question dans la demande, ce qui a conduit le MPO à limiter la portée du projet à évaluer à la destruction du Fort Creek alors que ce qu'il aurait dû inclure dans la portée du projet, ce sont les opérations minières indiquées dans la demande de TrueNorth--Selon l'affidavit du chef régional pour l'habitat, fonctionnaire chargé de s'assurer que le MPO s'est conformé aux mécanismes réglementaires prévus par la Loi sur les pêches, l'autorité responsable est, en ce qui a trait à la définition de la portée d'un projet, investie d'un pouvoir discrétionnaire qui «doit être exercé raisonnablement dans un cas donné», et «la portée d'un projet doit être définie au cas par cas»--Toutefois, le chef régional affirme ensuite dans son affidavit que «pour les projets soumis à évaluation environnementale par l'effet de l'art. 5(1), la portée du projet doit se limiter aux éléments sur lesquels le gouvernement fédéral peut validement s'arroger un pouvoir, directement ou indirectement»--Lorsqu'il a défini la portée du projet, le chef régional s'est senti juridiquement contraint de limiter la portée d'une évaluation aux éléments du projet sur lesquels le gouvernement fédéral pouvait validement s'arroger un pouvoir--Le point principal que la Cour doit décider est donc celui de savoir si le chef régional pour l'habitat a eu tort d'admettre cette contrainte juridique et, dans l'affirmative, si cela entache la décision qu'il a prise--Les demandeurs disent que l'approche restrictive adoptée pour la définition de la portée du projet repose sur une mauvaise interprétation de la LCEE et de l'étendue du pouvoir fédéral d'évaluation--Sur ce point, ils s'en rapportent aux arrêts suivants: Friends of the Oldman River c. Canada (Ministre des Transports), [1992] 1 R.C.S. 3 (l'arrêt Oldman River); Québec (Procureur général) c. Canada (Office national de l'énergie), [1994] 1 R.C.S. 159 (l'arrêt Hydro-Québec); Friends of the West Country Assn. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [2000] 2 C.F. 263 (C.A.) (l'arrêt Friends of the West Country)--L'arrêt Oldman River n'apporte pas véritablement une aide aux demandeurs dans le contexte de la décision relative à la portée du projet--Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada examinait une question constitutionnelle intéressant un décret fédéral sur les lignes directrices, et, selon elle, «l'étendue de l'évaluation n'est pas limitée au domaine particulier de compétence à l'égard duquel le gouvernement du Canada participe à la prise de décisions au sens du terme "proposition"»--L'arrêt Oldman River ne dit pas que le champ d'une évaluation n'a pas à être rattaché au chef de compétence fédérale qui est mis en cause par une demande--Le pouvoir du MPO de définir la portée d'un projet se trouve dans la LCEE elle-même et ne peut résulter d'une décision judiciaire telle que l'arrêt Oldman River-- Dans l'arrêt Hydro-Québec, la Cour suprême du Canada se demandait si l'Office national de l'énergie était fondé à considérer, parmi les facteurs intéressant sa décision d'accorder ou non des licences, les répercussions environnementales de la construction, par Hydro-Québec, de futures installations de transport de l'électricité--Selon elle, «la Cour d'appel [avait] commis une erreur en limitant l'examen de l'Office sur les incidences environnementales aux effets, sur l'environnement, du transport d'électricité par une ligne de fil métallique au-delà de la frontière»--Dans cette affaire, les effets environnementaux à l'intérieur de la province devaient être «pertinents» pour la décision de l'Office d'accorder une licence d'exportation, avant que l'Office ne puisse tenir compte de tels effets--L'arrêt ne dit pas qu'une autorité fédérale peut tenir compte de tous les effets environnementaux après qu'elle a décidé d'exercer son pouvoir--Les effets en question doivent être pertinents pour la décision--L'octroi d'une autorisation selon l'art. 35(2) de la Loi sur les pêches n'oblige pas le MPO à considérer tous les effets environnementaux résultant du projet minier--Il n'y a dans l'arrêt Hydro-Québec aucun passage qui requiert, entérine ou même impose un tel point de vue--Une fois qu'est déclenchée l'application de l'art. 15 de la LCEE ni aucune disposition liée au champ d'une évaluation ne limitent en rien une décision concernant la portée d'un projet au domaine de compétence fédérale qui est occupé par l'autorité responsable --Aucune limite semblable n'est nécessaire parce qu'il est impossible que le législateur ait voulu permettre à une autorité responsable de procéder à l'évaluation environnementale des aspects d'un projet qui ne sont pas rattachés au chef de compétence fédérale mis en cause par le projet en question-- L'arrêt Friends of the West Country traitait expressément de l'interprétation à donner des art. 16(1)a) et 16(3) de la LCEE --Selon l'art. 16(1)a), l'autorité responsable n'a pas à se borner à un examen des effets environnementaux découlant strictement d'un projet dont la portée a été déterminée en application de l'art. 15(1) de la LCEE et «elle n'est pas non plus obligée de s'en tenir aux seuls effets environnementaux pouvant découler de sources relevant de la compétence fédérale»--Mais l'art. 16(1)a) parle d'«effets cumulatifs»-- L'évaluation des effets cumulatifs doit implicitement s'étendre à la fois au projet dont la portée a été déterminée et aux sources situées en dehors des limites du projet défini--Les effets cumulatifs ne sont pas en cause ici--La demande concerne uniquement la décision d'une autorité responsable de définir la portée d'un projet d'une certaine manière, en application de l'art. 15(1)--Considérés globalement, les motifs avancés par le chef régional pour l'habitat dans son affidavit pour sa décision touchant la portée du projet équivalent pour lui à dire qu'il savait que la portée du projet devait s'accorder avec les responsabilités fédérales et se rattacher aux aspects où des conditions pouvaient être imposées au promoteur--Eu égard aux précédents, son postulat était juste et la décision du MPO ne devrait pas être annulée sur ce chef--Les demandeurs affirment aussi que le chef régional pour l'habitat a délégué abusivement à la province de l'Alberta ses attributions concernant la définition de la portée du projet--Ils s'appuient sur un passage de l'affidavit où il est dit que les préoccupations environnementales ont été étudiées par la province à la satisfaction du MPO et que c'est un facteur dont le chef régional pour l'habitat a tenu compte pour déterminer la portée du projet--Selon les demandeurs, ces mots reconnaissent implicitement que le projet tout entier d'exploitation des sables bitumineux aurait pu être compris dans la portée du projet et sont la preuve que le décideur a renoncé en faveur de la province à ses responsabilités selon la LCEE--La Cour ne peut se livrer à une exégèse hasardeuse --Dans le contexte de la décision tout entière, le passage cité de l'affidavit n'apporte pas une preuve suffisante en faveur de l'une ou l'autre des interprétations préconisées par les demandeurs--Par conséquent, sur ce moyen, aucune erreur sujette à révision n'a été commise--3) La troisième erreur de droit alléguée par les demandeurs se fondait sur une mauvaise interprétation du mot «projet», dans la LCEE, et du Règlement sur la liste d'inclusion--Dans son affidavit, le chef régional pour l'habitat faisait état du Règlement sur la liste d'inclusion pour justifier le déclenchement de l'application de la LCEE--Le MPO reconnaît l'erreur, mais affirme que c'était là un simple détail technique qui n'a eu aucune incidence réelle sur la décision finale touchant la portée du projet--La définition de «projet», à l'art. 2 de la LCEE, ne renferme rien qui puisse empêcher la destruction du Fort Creek d'être par elle-même un projet et, pour les raisons invoquées par le MPO, aucune erreur sujette à révision n'a ici été commise-- La Cour ne se croit pas autorisée à modifier la décision au motif qu'elle serait déraisonnable ou pour d'autres motifs-- Nombre des affirmations faites par les demandeurs sur les conséquences de la décision contestée sont hypothétiques et controversables--Cependant, une fois que la Cour admet qu'une décision sur la portée d'un projet devrait être liée de quelque façon au pouvoir réglementaire fédéral qui a déclenché l'application de la LCEE, il est difficile de trouver une faille dans la décision dont il s'agit ici, une décision qui a bien tenu compte de ce facteur et qui a défini en conséquence la portée du projet--Demande rejetée--Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37, art. 2(1) «projet», 5(1), 15 (mod. par L.C. 1993, ch. 34, art. 21(F)), 16(1)a)--Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 35--Règlement sur la coordination par les autorités fédérales des procédures et des exigences en matière d'évaluation environnementale, DORS/97-181--Règlement sur la liste d'inclusion, DORS/94-637.

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