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IMPÔT SUR LE REVENU

Pratique

Stanfield c. M.R.N.

T-1554-02

2004 CF 584, protonotaire Hargrave

20-4-04

32 p.

Le ministre du Revenu national, préoccupé de certains «dispositifs pour pertes fiscales», avait envoyé au demandeur, Stanfield, une mise en demeure sous la forme d'un questionnaire l'informant qu'une enquête criminelle avait été entreprise concernant la promotion d'un genre d'opérations au titre desquelles le demandeur avait déduit des pertes dans sa déclaration de revenus--La mise en demeure précisait que le demandeur n'était pas pour l'heure l'objet d'une enquête-- L'incertitude préoccupait le demandeur au point qu'il avait décidé de demander l'examen de la mise en demeure signifiée par ministre--Un nombre appréciable d'autres contribuables se sont joints à la procédure de contrôle judiciaire--Les demandeurs priaient la Cour de déclarer que la lettre sollicitant des renseignements était illicite et d'interdire au ministre de prendre contre eux des dispositions parce qu'ils n'avaient pas donné suite à la lettre--Les demandeurs fondaient leur position sur l'arrêt R. c. Jarvis, [2002] 3 R.C.S. 757, où les juges Iacobucci et Major expliquaient qu'il fallait traiter différemment les vérifications de conformité et les enquêtes pour fraude fiscale, parce qu'une relation de nature contradictoire se cristallise entre le contribuable et les agents du fisc dès qu'un examen effectué par l'un de ces agents a pour objet prédominant d'établir la responsabilité pénale du contribuable; à partir de ce moment, les agents du fisc ne peuvent plus avoir recours aux puissants mécanismes d'inspection établis par les art. 231.1(1) et 231.2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) et ils doivent dès lors obtenir des mandats--Les faits remontaient à une vérification de 1998 portant sur un dispositif pour pertes fiscales qui faisait intervenir des opérations sur devises et marchandises chevauchant une fin d'exercice, et que la vérificatrice de l'ADRC avait décrit comme un moyen de réaliser des pertes et de différer la constatation d'un revenu-- La vérificatrice avait décidé de revoir les déclarations de revenus des demandeurs pour 1999, mais ce travail devint par la suite un projet national--En 2001, à la suite d'un partage de renseignements, la Section des enquêtes priait la Section de l'évasion fiscale de cesser la vérification des déclarations de 1998 et 1999--La Section des enquêtes intervient pour évaluer s'il y a eu des activités criminelles--Or, un an plus tard, la Section des enquêtes disait à la Section de l'évasion fiscale de recommencer la vérification pour 1998, le résultat étant un avis de nouvelle cotisation pour cette année-là--Peu après, la Section de l'évasion fiscale était priée de recommencer la vérification des demandeurs pour leurs années d'imposition 1999 et 2000--Les demandeurs voulaient obtenir des documents additionnels qui leur permettraient de contre-interroger davantage le témoin de la Couronne (la vérificatrice)--Les demandeurs ont fait valoir que les documents produits ne signalaient pas l'objet prédominant de l'enquête elle-même et ne permettaient pas de dire si une relation de nature contradictoire s'était cristallisée, de telle sorte que le contribuable avait le droit de refuser de communiquer des renseignements--Les demandeurs ont signifié à la vérificatrice une assignation formulée en des termes généraux, lui intimant de comparaître (règle 91 des Règles de la Cour fédérale (1998))--Ils voulaient obtenir à peu près tous les documents se rapportant à cette affaire et détenus par l'ADRC--Mais la règle 91 ne peut pas servir à élargir la production de documents dans un contrôle judiciaire de telle sorte que le processus devient similaire à la communication de documents dans une action--Une procédure de contrôle judiciaire est un recours relativement expéditif--Une demande de production de documents qui est trop étendue peut être assimilée à un abus de procédure-- Dans la décision Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc. (1998), 80 C.P.R. (3d) 103, le juge MacKay avait cassé deux subpoena duces tecum qui visaient un éventail de documents semblables à l'éventail recherché dans la présente affaire--Une assignation à comparaître signifiée selon la règle 91 ne peut servir à obtenir pleine communication de documents comme c'est l'intention manifeste dans le cas présent--Le refus ici d'une production générale de documents n'empêchait pas les demandeurs de présenter des demandes plus restreintes et plus détaillées de documents--La notion de pertinence est plus limitée dans un contrôle judiciaire qu'elle ne l'est dans une action--Dans un précédent, le juge Hugessen disait que le contre-interrogatoire n'est pas un interrogatoire préalable: les réponses données sont des éléments de preuve, non des aveux; le témoin peut légitimement répondre qu'il ignore quelque chose et il n'est pas tenu de se renseigner; on ne peut exiger d'un témoin qu'il produise un document que s'il en a la garde ou la possession--Deux genres de pertinence sont reconnus: la pertinence formelle et la pertinence juridique--La pertinence formelle est liée aux questions de fait qui opposent les parties et qui, dans un contrôle judiciaire, sont circon-scrites par les affidavits déposés--Le contre-interrogatoire de l'auteur d'un affidavit ne peut donc porter que sur les faits énoncés dans l'affidavit--Toutefois, même le fait est énoncé dans un affidavit, il n'est pertinent sur le plan juridique que lorsque son existence ou son inexistence peut contribuer à déterminer si le redressement demandé peut ou non être accordé--Or, dans la décision Swing Paints Ltd. c. Minwax Company Inc., [1984] 2 C.F. 521 (1re inst.), le juge Muldoon avait estimé que l'auteur de l'affidavit ne devrait pas pouvoir se dissimuler derrière une preuve habilement structurée et devrait être soumis à un contre-interrogatoire sur les questions accessoires découlant de réponses et sur les éléments au sujet desquels il est permis de croire que le témoin détient des connaissances--Dans la décision Weight Watchers International Inc. c. Weight Watchers of Ontario Ltd. (No. 2) (1972), 6 C.P.R. (2d) 169 (C.F. 1re inst.), le juge Heald avait estimé qu'un contre-interrogatoire n'était pas limité aux quatre coins d'un affidavit--Contrairement à l'avis du juge Hugessen, le juge Martin avait jugé, dans la décision Bland c. Commission de la Capitale nationale (1989), 29 F.T.R. 232 (C.F. 1re inst.), après examen de plusieurs précédents, qu'un témoin pouvait être tenu de s'informer--Il se peut très bien que la nature de la procédure exige parfois une production légèrement plus complète de documents, par exemple lorsque le témoin est en réalité le mandataire d'une partie--Il est fautif de permettre à un témoin d'échelon moindre, qui a une connaissance limitée des événements et de ce qui est en jeu, de se dissimuler derrière un affidavit étroit--Les plaideurs ne devraient pas être encouragés à produire des témoins marginaux, car cela non seulement serait source d'injustice, mais également serait faire peu de cas du temps et de l'argent de tous les intéressés, y compris du public et de la Cour--Dans un arrêt non publié, Stella Jones Inc. c. Mariana Maritime S.A., [2000] A.C.F. no 2033 (C.A.) (QL), la Cour d'appel fédérale a élargi le contre-interrogatoire sur affidavit pour qu'il s'étende à des aspects pertinents dépassant largement les quatre coins de l'affidavit, et elle a élargi aussi la production de documents en imposant la production de documents liés à des relations antérieures--Le juge des requêtes s'était fourvoyé en excluant la possibilité que des relations antérieures puissent apporter un éclairage--La Cour a rejeté l'argument de la Couronne selon lequel, en exigeant des réponses et des documents, la Cour devrait s'abstenir de remonter le temps au-delà de juin 2002, lorsque la Section des enquêtes avait semble-t-il décidé que le processus de vérification devait être recommencé--Examen de la nature du critère de l'objet prédominant--La Cour suprême du Canada a proposé une liste non limitative de facteurs pouvant indiquer s'il y a eu franchissement de la ligne qui sépare la vérification coopérative à des fins de calcul de l'impôt et la cristallisation d'une relation de nature contradictoire (le moment où l'objet prédominant d'une enquête est d'établir une responsabilité pénale)--Une question de liberté est en jeu, puisque, une fois qu'un vérificateur dispose de renseignements, ces renseigne-ments peuvent être communiqués à la Section des enquêtes-- Il n'y pas cristallisation tant que le dossier n'a pas été renvoyé à la Section des enquêtes--La Cour devait se demander si la Section des enquêtes avait renvoyé le dossier au motif qu'il devait simplement y avoir une vérification ou parce qu'il existait un autre ordre du jour: permettre à la Section de la vérification d'utiliser ses entrées commodes dans les dossiers du contribuable pour obtenir des preuves propres à soutenir plus tard des poursuites--Il n'y avait en l'espèce aucune preuve claire et précise indiquant si l'objet prédominant était passé d'une intention de vérification à une intention de poursuites pénales, pour revenir ensuite à une intention de vérification--Le contre-interrogatoire de la vérificatrice était loin de garantir que les demandeurs n'étaient pas exposés au risque d'une enquête criminelle--Indices selon lesquels, à toutes fins utiles, il y a eu cristallisation d'une relation de type contradictoire--Le questionnaire envoyé par l'ADRC visait à obtenir des renseignements qu'il serait sans doute difficile de justifier sur la seule base d'une vérification--Il était juste d'affirmer que les enquêtes relatives à l'année d'imposition 1998 intéressaient les trois années d'imposition subséquentes, toutes faisant partie d'une seule enquête étalée sur plusieurs années--La demande apparaissant dans l'assignation à comparaître était trop générale, et le résultat pouvait constituer une enquête à l'aveuglette et faire partie d'une communication intégrale de documents--Le dossier demandé se trouvait semble-t-il dans le classeur de la vérificatrice, et sa production, en tant que liasse utile de documents, était justifiée car, bien qu'il puisse se trouver en dehors des quatre coins de l'affidavit, il indiquerait certainement une ligne de conduite de la part du ministre et pourrait révéler l'objet prédominant des demandes de renseignements de l'ADRC-- La vérificatrice doit produire le procès-verbal de réunion qu'elle en sa possession--Les directives adressées par la Section des enquêtes à la Section de la vérification, invitant celle-ci à aller de l'avant, doivent être produites, car elles pourraient être utiles pour déterminer l'objet prédominant du ministre--Le point de savoir si quelqu'un du siège de l'ADRC avait participé à une certaine réunion était une question valide et pertinente à laquelle il devrait être répondu: l'avocat des demandeurs tente simplement de savoir ce qui s'est produit au cours d'une réunion à laquelle avait participé la vérificatrice mais dont elle n'avait qu'un vague souvenir--Il était nécessaire que la vérificatrice comparaisse de nouveau pour contre-interrogatoire additionnel, après s'être informée au besoin selon ce qu'indiquent les présents motifs--Dans un contre-interrogatoire complexe portant sur un affidavit, une nouvelle comparution est souvent requise--Cela ne devrait pas nécessairement être assimilé à la situation faisant intervenir un témoin contraire (qui souvent doit comparaître de nouveau à ses propres frais), encore que le fait d'être un témoin non informé puisse ressembler à cette situation--Les frais de nouvelle comparution constitueront des dépens qui suivront l'issue de la cause--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 231.1(1), 231.2(1) (mod. par L.C. 2000, ch. 30, art. 176)--Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 91.

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