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COMPÉTENCE DE LA COUR FÉDÉRALE

Abbott Laboratories Ltd. c. M.R.N.

T-1289-02, T-1129-02, T-1290-02, T-1291-02, T-1292-02, T-1293-02, T-1294-02, T-1295-02, T-1296-02, T-1297-02, T-1298-02

2004 CF 140, juge Lemieux

29-1-04

31 p.

Réunion des demandes de contrôle judiciaire présentées par Abbott Laboratories Limited, une société canadienne, en qualité d'importatrice, et Abbott Laboratories International, une société américaine, en qualité d'exportatrice, concernant les produits alimentaires «Similac» and «Ensure»--La société exportatrice a certifié l'origine de ces produits comme étant les États-Unis, ce qui donnait droit à un traitement tarifaire préférentiel de ces produits au Canada aux termes de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALÉNA)--La société importatrice est une filiale à 100 p. 100 de la société exportatrice--Contestation de 96 décisions prises par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) qui a décidé que les produits alimentaires en cause ne pouvaient bénéficier d'un tarif préférentiel parce qu'ils ne répondaient pas aux règles d'origine de l'ALÉNA et provenaient par conséquent d'un pays autre que les États-Unis ou le Mexique et n'avaient donc droit qu'au traitement de la nation la plus favorisée--L'ADRC a procédé au réexamen de l'origine des marchandises conformément à l'art. 59(1) de la Loi--En 1998 et par la suite, un agent de la vérification de l'observation de l'ADRC (agent de l'ADRC) a envoyé à la société importatrice un relevé détaillé de réajustement (RDR), document qui constitue l'avis et le motif exigés par l'art. 59(2) lorsque l'Agence impose des droits de douane supplémentaires en raison du changement du statut de l'origine des produits-- Plusieurs RDR ont été envoyés par la suite--Le M.R.N. soutient que l'art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale (LCF) interdit le contrôle judiciaire des RDR, étant donné que la Loi sur les douanes prévoit un mécanisme complet permettant de contester les RDR jusque devant la Cour d'appel fédérale sur une question de droit--À titre subsidiaire, le M.R.N. soutient que la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser la mesure de réparation sollicitée par les demande-resses parce que celles-ci possèdent un autre recours approprié, à savoir le mécanisme prévu par la Loi, que les sociétés Abbott exercent effectivement devant le commissaire, puisqu'elles ont interjeté appel aux termes de l'art. 60 de la Loi--L'art. 18.5 de la Loi sur la Cour fédérale ne s'applique pas en l'espèce--L'appel devant la Cour d'appel fédérale que prévoit la Loi sur les douanes vise la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) et non pas les RDR--Aux termes des clauses privatives prévues par le mécanisme de révision décrit aux art. 59 à 68 de la Loi, les RDR ne peuvent être révisés que par un réexamen effectué par le commissaire--Seul le TCCE peut annuler ou modifier le réexamen du commissaire et la décision du TCCE peut faire l'objet d'un appel devant la Cour d'appel fédérale, mais uniquement sur une question de droit--Le législateur avait clairement l'intention d'écarter le contrôle judiciaire exercé par la Cour fédérale ainsi que la nécessité d'examiner la question de savoir si la voie de révision prévue par la Loi constitue un autre recours approprié--Quant à la fin de non-recevoir invoquée à titre subsidiaire (lorsque l'art. 18.5 de la LCF ne s'applique pas), la Cour a le pouvoir discrétionnaire de rejeter une demande de contrôle judiciaire lorsqu'il existe un autre recours approprié: Fast c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2001), 41 Admin. L.R. (3d) 200 (C.A.F.)--Les demanderesses affirment qu'elles ne peuvent pas obtenir devant le commissaire le même redressement qu'elles peuvent obtenir ici, c. à d. la Cour peut constater la nullité des RDR et les déclarer invalides, mais, aux termes de l'art. 60, le commissaire ne peut que réviser les RDR; il ne peut pas annuler les RDR délivrés illégalement --Le principe de l'autre recours n'exige pas que le recours soit identique mais approprié--Les demanderesses soutiennent qu'elles n'ont jamais obtenu les motifs de ces décisions, ni d'explication au sujet du refus de l'ADRC d'accorder un traitement préférentiel aux produits Abbott. Elles ignorent les arguments qu'elles doivent réfuter devant le commissaire--Les sociétés Abbott et leurs avocats savaient parfaitement que l'ADRC avait substitué au tarif de l'ALÉNA le tarif de la nation la plus favorisée à cause des produits laitiers contenus dans les produits Abbott--La question de savoir si la déclaration contenue dans le RDR constitue des motifs au sens de l'art. 59 de la Loi sur les douanes ne modifie pas ce fait--Les demanderesses doivent démontrer que les produits qu'elles ont exportés et importés étaient des produits originaires des pays de l'ALÉNA et qu'ils n'avaient pas perdu cette qualité à cause de composantes laitières non originaires d'un pays de l'ALÉNA--Abbott n'est pas obligée de présenter tous ces arguments au commissaire pour la raison qu'elle ignore les motifs pour lesquels l'ADRC a pris cette décision--C'est à Abbott de décider quels sont les arguments de fait et de droit qu'elle souhaite présenter au commissaire pour le convaincre de décider, après réexamen, que les produits en question ont droit au tarif préférentiel de l'ALÉNA--Les demanderesses soutiennent que le réexamen effectué par le commissaire ne constitue pas un nouvel examen parce qu'elles ont le fardeau de démontrer que les agents de l'ADRC ont commis une erreur--L'argument des demanderesses sur ce point n'est pas très convaincant, parce que le commissaire doit procéder à un réexamen--Il incombe aux sociétés Abbott de présenter toute la preuve et tous les arguments qu'elles souhaitent pour démontrer que les produits qu'elles exportent ont bien le statut de produits fabriqués dans un pays de l'ALÉNA, à la suite de l'enquête de vérification prévue par l'art. 42 de la Loi--Dans ce contexte, il est inexact de soutenir que les sociétés Abbott doivent réfuter une conclusion défavorable--L'instance devant le commissaire est une nouvelle instance dans le sens que cette instance se déroule comme si celle qui a eu lieu devant l'agent de l'ADRC n'avait jamais existé--La situation des sociétés Abbott devant le commissaire est la même que devant l'agent de l'ADRC--Enfin, les demanderesses affirment que les RDR sont nuls et qu'elles ont droit à ce que leur demande de contrôle judiciaire soit acceptée--L'invalidité des RDR n'influence aucunement l'analyse qu'exige le principe de l'autre recours approprié--Les demanderesses ont ensuite abordé les facteurs énumérés dans l'arrêt Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3 qui permettent de décider si une voie de recours constitue un autre recours approprié--Argument selon lequel l'appel prévu par la Loi sur les douanes n'est pas pratique parce qu'il comprend trois niveaux d'appel possibles et qu'en l'espèce, cela soulèverait un nombre infini de questions de fait et de droit susceptibles d'exiger des témoignages d'experts--C'est cependant le législateur qui a créé ces niveaux d'appel et la complexité de l'instance dépend dans une large mesure des sociétés Abbott--Même si de telles erreurs ont été commises, elles ne modifient pas le caractère approprié du réexamen auquel procède le commissaire--Dans l'arrêt Matsqui, la majorité des juges de la Cour n'a pas accordé une grande importance aux questions de droit ou portant sur la compétence du tribunal comme étant un des facteurs permettant de trancher la question de l'autre recours approprié --Le fait que l'instance soit nouvelle permet d'effacer ces erreurs ou donne aux demanderesses toute latitude pour les signaler et les faire corriger--Sur le plan de la réparation, je constate que le commissaire peut décider que les produits exportés sont originaires de pays de l'ALÉNA et ont donc droit au taux préférentiel de l'ALÉNA--Les principes de l'exclusion expresse et de l'autre recours approprié trouvent application ici--Les demandes sont rejetées--Accord de libre-échange nord-américain signé par le gouvernement du Canada, le gouvernement des États-Unis du Mexique et par le gouvernement des États-Unis d'Amérique, le 17 décembre 1992, [1994] R.T. Can. no 2--Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 42 (mod. par L.C. 2001, ch. 25, art. 32), 59 (mod. par L.C. 1997, ch. 36, art. 166; 2001, ch. 25, art. 41), 60 (mod. par L.C. 1997, ch. 36, art. 1.66; 1999, ch. 17, art. 127; 2001, ch. 25, art. 42)--Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 1 (mod. par L.C. 2002, ch. 8, art. 14), 18.5 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5; 2002, ch. 8, art. 27).

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