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IMPÔT SUR LE REVENU

Pratique

Artistic Ideas Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu)

T-1141-02

2004 CF 573, juge Snider

16-4-04

24 p.

Demande visant à obtenir une ordonnance radiant la partie d'une demande de production exigeant de la demanderesse qu'elle fournisse le nom et l'adresse de donataires et organismes de bienfaisance sans autorisation judiciaire préalable--En sa qualité de représentante commerciale de deux galeries d'art américaines, Artistic Ideas Inc. (la demanderesse), organise la vente d'oeuvres d'art à des contribuables canadiens (les donataires) qui en font habituellement don à des organismes de bienfaisance enregistrés--Ces dons procurent aux donataires un avantage fiscal qui correspond à la différence entre la valeur d'expertise de l'oeuvre d'art et le prix payé par le donataire pour l'acquérir--Ces opérations sont parfois appelées «achat et vente successifs d'oeuvres d'art»--La Section de l'évitement fiscal de l'Agence des douanes et du revenu du Canada (l'ADRC) a entrepris la vérification fiscale de la demanderesse--Une agente de l'évitement fiscal a exigé de la demanderesse, en vertu de l'art. 231.2(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu, qu'elle produise certains documents (la demande) et qu'elle communique le nom des donataires et des organismes de bienfaisance--Au même moment, l'ADRC a ouvert une enquête sur les opérations successives d'achat et de vente d'oeuvres d'art (le Projet) pour identifier tous les donataires impliqués dans des opérations successives d'achat et de vente d'oeuvres d'art et pour établir de nouvelles cotisations à leur égard--La demanderesse a accepté de fournir à l'ADRC tous les renseignements demandés sauf le nom et l'adresse des donataires et des organismes de bienfaisance--1) Le ministre ne peut recourir aux vastes pouvoirs que lui confère l'art. 231.2(1) pour faire une «recherche à l'aveuglette»: il ne peut exercer ces pouvoirs que si l'assujettissement à l'impôt d'une personne déterminée fait l'objet d'une enquête réelle et sérieuse--Bien qu'il existe un lien entre la demanderesse et le Projet, les promoteurs d'opérations d'achat et de vente successifs d'oeuvres d'art comme la demanderesse ne sont en règle générale pas poursuivis en vertu du Projet--L'agente de l'évitement fiscal a expliqué, lors de son contre-interrogatoire, que les personnes chargées du Projet relatif aux stratagèmes concernant les dons d'oeuvres d'art avaient commencé à s'intéresser à la demanderesse--On peut comprendre cet intérêt si l'on considère le rôle crucial joué par la demanderesse dans les opérations d'achat et de vente successifs d'oeuvres d'art--Cela n'enlève cependant rien aux préoccupations réelles et sérieuses qui ont, au départ, donné lieu à la vérification--La vérification fiscale de la demanderesse constitue une enquête réelle et sérieuse sur son assujettissement à l'impôt--2) Pertinence du nom des donataires et des organismes de bienfaisance--Ainsi qu'il est déclaré dans l'arrêt Tower c. M.R.N., [2004] 1 R.C.F. 183 (C.A.F.), le critère qui permet de savoir si des renseignements demandés sont nécessaires pour la vérification est peu exigeant--Il suffit pour la défenderesse de démontrer que le nom des donataires et des organismes de bienfaisance peut être pertinent--Le fait de connaître le nom des donataires et des organismes de bienfaisance avec lesquels la demanderesse a eu des rapports permettrait au M.R.N. de vérifier, en consultant les tiers en question, si les opérations déclarées par la demanderesse ont effectivement eu lieu--De plus, les craintes exprimées au sujet de la fidélité des documents expurgés sont légitimes--Seuls les originaux permettront d'avoir une image fidèle et complète des opérations commerciales de la demanderesse--Le nom des donataires et des organismes de bienfaisance constitue des renseignements qui peuvent être pertinents lors de la vérification de la demanderesse--3) Le ministre doit-il d'abord obtenir l'autorisation judiciaire prévue à l'art. 231.2(2) avant de pouvoir exiger le nom des donataires et des organismes de bienfaisance?--Comme le M.R.N. n'essaie pas de faire une «recherche à l'aveuglette», la question à se poser est celle de savoir dans quelle mesure, s'il y a lieu, l'art. 231.2(2) limite les pouvoirs que le M.R.N. tient de l'art. 231.2(1)--Le fait que des renseignements donnés puissent divulguer des opérations confidentielles qui mettent en cause des personnes qui ne font pas l'objet d'une enquête et qui peuvent ne pas être assujetties à l'impôt n'a pas pour effet d'invalider la demande de production--Les art. 231.2(2) et (3) permettent au ministre d'obtenir des renseignements sur des personnes qui font l'objet d'une enquête mais seulement à la condition d'obtenir d'abord l'autorisation d'un juge--Ces dispositions visent à empêcher le ministre de recueillir des renseignements lorsqu'il refuse de divulguer l'identité du contribuable dont il est en train de déterminer la dette fiscale--Le juge peut accorder cette autorisation s'il est convaincu que la personne ou le groupe est identifiable et que la production vise à vérifier si cette personne ou les personnes de ce groupe ont respecté quelque devoir ou obligation prévu par la Loi (art. 231.2(3))--Dans l'affaire Tower, la Cour d'appel fédérale s'est penchée sur la question de savoir ce qu'il arrive lorsque la demande de production est signifiée à une personne qui fait l'objet d'une enquête véritable et que cette personne détient le nom de personnes qui sont elles aussi scrutées à la loupe par l'ADRC--Le droit d'expurger, si tant est que ce droit existe, ne devrait être envisagé que s'il repose sur des faits--On ne peut conclure à l'existence d'un droit d'expurger du simple fait que la communication entraînerait la divulgation de renseignements portant sur des personnes qui ne font pas l'objet d'une enquête--Dès lors qu'il est acquis, comme c'est le cas en l'espèce, que le contribuable qui a reçu signification d'une demande de production fait l'objet d'une vérification valide, il reste deux questions à résoudre, à la suite de l'arrêt Tower: 1) Existe-t-il un droit théorique de retrancher ou de biffer le nom de personnes non désignées nommément? 2) La demanderesse a-t-elle établi un fondement factuel qui lui permet de faire valoir son droit d'expurger?--La réponse à la première de ces questions se trouve dans l'inclusion, à l'art. 231.2(1), des mots «sous réserve du paragraphe (2)»--Il n'y a rien dans l'art. 231.2 qui empêche quelqu'un d'être à la fois un contribuable faisant l'objet d'une vérification et une personne assujettie aux obligations énumérées aux art. 231.2(2) et (3) en ce qui concerne les personnes non désignées nommément--Quant à la seconde question, faute de preuve démontrant clairement que les organismes de bienfaisance risquent de faire l'objet d'une vérification, la divulgation du nom des organismes de bienfaisance est un élément valable de la demande de production qui ne requiert pas une autorisation judiciaire préalable--Examen des décisions citées, dont aucune ne s'applique directement au point en litige--Exiger du ministre qu'il obtienne l'autorisation d'un juge avant de pouvoir réclamer la divulgation du nom des donataires ne va pas à l'encontre de la jurisprudence actuelle--La demande de production, dans la mesure où elle prétend exiger de la demanderesse qu'elle fournisse le nom et l'adresse des donataires sans avoir d'abord obtenu l'autorisation d'un juge conformément à l'art. 231.2(2) de la Loi est annulée--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 231.2 (mod. par L.C. 1996, ch. 21, art. 58; 2000, ch. 30, art. 176).

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