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PÊCHES

Ecology Action Centre Society c. Canada (Procureur général)

T-1179-01

2004 CF 1087, juge Heneghan

6-8-04

31 p.

Contrôle judiciaire de l'ordonnance de modification 2001-074, prise par le directeur régional général, Région des Maritimes, ministère des Pêches et des Océans, remettant en vigueur les périodes de fermeture prévues par le Règlement de pêche de l'Atlantique--L'objectif de la demanderesse, un organisme à but non-lucratif, est d'éduquer le public au sujet de la conservation de l'environnement--Elle fait valoir son point de vue auprès du gouvernement et de l'industrie de la pêche--Elle est spécialement préoccupée par le choix des méthodes de pêche, notamment les effets négatifs du chalutage sur le Banc Georges, une zone immergée peu profonde répartie entre le Canada et les É.-U.--La portion se trouvant au Canada recouvre une zone allant de la côte sud-ouest de la Nouvelle-Écosse jusqu'au golfe du Maine--Le fond de l'océan sur le Banc Georges (région benthique), constitué de sable et de sable pierreux, serait une aire d'alevinage pour diverses espèces, y compris les anémones de mer, les coraux et les crabes--Ces organismes seraient soumis à un risque lorsqu'on attrape des poissons avec un chalut--Le chalutage utilise une armature de filins et de panneaux, tirée par un bateau de pêche--Les panneaux maintiennent le filet ouvert à l'horizontale--Des poids posés au fond maintiennent le filet ouvert à la verticale--Le «cul du chalut» retient les poissons et tout ce qui est ramassé au fond de l'océan--La demanderesse déclare que le chalutage ramasse les poissons trop petits et les végétaux nécessaires pour nourrir l'environ-nement marin--Elle a déposé des bibliographies d'études scientifiques à ce sujet, soumises à l'examen des pairs--Le Plan de gestion intégrée des pêches au poisson de fond est reproduit dans le dossier du tribunal--La demanderesse soutient que l'ordonnance de modification est incohérente avec les dispositions de la Loi sur les pêches qui traitent de la protection de l'habitat du poisson et donc ultra vires-- L'autorisation du chalutage sur le Banc Georges entraîne la détérioration, la destruction ou la perturbation (DDP) de l'habitat du poisson, ce qui est interdit par l'art. 35(1) de la Loi--L'argument veut que le ministre ait reçu la responsa-bilité de gérer et de protéger l'environnement aquatique-- L'art. 35 aurait été adopté pour protéger l'environnement marin: voir la jurisprudence et le débat à la chambre des Communes lorsque l'art. 35 a été déposé--La demanderesse soutient que les termes «ouvrages ou entreprises» de l'art. 35 se rapportent à toutes les formes d'activité humaine, y compris la pêche et le chalutage--Renvoi à la décision R. v. British Columbia Hydro and Power Authority (1997), 25 C.E.L.R. (N.S.) 51 (C.S.C.-B.), pour établir que les tribunaux ont adopté une interprétation holistique des termes «habitat du poisson»--Le Banc Georges ferait partie de l'habitat essentiel au poisson, comprenant des frayères, des aires d'alevinage, de croissance et d'alimentation, ainsi que des routes migratoires --N'importe lequel des éléments suivants, à savoir la détérioration, la destruction et la perturbation, constitue la DDP--Renvoi à la jurisprudence pour dire qu'il n'est pas nécessaire que les effets sur l'habitat soient permanents ou irréparables pour constituer une violation de l'art. 35(1)--Le chalutage détruirait des zones de croissance pour les petits des poissons de fond--La demanderesse soutient que l'art. 35(2) exige une autorisation ministérielle pour la DDP, qui n'a pas été accordée en l'espèce--Elle s'appuie sur Spinney c. Canada (Ministre des Pêches et Océans) (2001), 183 F.T.R. 71 (C.F. 1re inst.), pour soutenir que les ordonnances de modification sont des actes de nature législative et non administrative, la norme de contrôle applicable étant celle de la décision correcte--Renvoi au «principe de précaution» énoncé dans l'arrêt 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), [2001] 2 R.C.S. 241, pour dire qu'en l'absence d'une preuve scientifique complète, les mesures environnementales doivent anticiper et prévenir la dégradation de l'environnement--Le fait d'ouvrir le Banc Georges au chalutage serait contraire au «principe de précaution», le directeur général régional devant pécher par excès de prudence--Le procureur général soutient que la seule question qui se pose est celle de savoir si le directeur général régional a agi dans les limites de sa compétence; la présence de la DDP n'étant pas pertinente--Le défendeur soutient que le gouverneur en conseil a voulu accorder au directeur général régional entière discrétion de modifier les périodes de fermeture, sous réserve de l'avis prévu à l'art. 7 du Règlement de pêche (dispositions générales)--Le défendeur soutient que l'autorisation prévue à l'art. 35(2) n'est pas requise avant la prise d'une ordonnance de modification, mais seulement lorsqu'on veut se livrer à une activité autre que la pêche qui peut avoir un impact sur l'habitat du poisson-- Subsidiairement, si l'art. 35(1) s'applique à la pêche, la seule autorisation requise est la délivrance d'un permis, qui est un moyen légal d'autoriser la DDP--La pêche n'est pas mentionnée à l'annexe VI du Règlement, qui parle de ponts, ponceaux, barrages et activités minières--Le défendeur soutient que la Loi canadienne sur l'évaluation environne-mentale (LCEE) n'est pas pertinente à l'ordonnance de modification en cause--Une décision d'ouverture ou de fermeture d'une zone de pêche n'est pas un «ouvrage» en vertu de la LCEE--Le directeur général régional n'était pas saisi d'un projet--La fonction de la cour dans une procédure de contrôle judiciaire n'est pas de «prêter des intentions» au ministre ou de substituer ses propres vues--La décision contestée est une décision législative--La différence entre les actes législatifs et administratifs est expliquée dans l'ouvrage De Smith's Judicial Review of Administrative Action (4e éd. par J.M. Evans, Londres: Stevens & Sons Ltd., 1980): un acte législatif promulgue une règle générale; un acte administratif comprend l'adoption d'une politique, la formulation d'une directive précise et l'application d'une règle générale à un cas particulier--Une ordonnance de modification est de la législation déléguée et l'exercice d'une compétence déléguée doit être conforme aux objectifs de la loi habilitante--La Loi sur les pêches confère de larges pouvoirs de réglementation et de gestion des pêches--Les pêches sont une source de richesse pour le pays et la province, à gérer pour le bien de tous les Canadiens--La Loi donne un pouvoir discrétionnaire absolu au ministre pour l'octroi de permis--Le législateur a confié le pouvoir de prendre des règlements au gouverneur en conseil (art. 43 de la Loi), y compris la conservation et la protection des frayères et la modification des périodes de fermeture--Au vu du Règlement, il est apparent que le directeur général régional avait le pouvoir de prendre l'ordonnance de modification--Il n'a pas outrepassé sa compétence--L'art. 43 autorise le gouverneur en conseil à prendre le Règlement qui fonde la compétence du directeur général régional--L'ordonnance de modification 2001-074 n'a fait que rétablir la période de fermeture de la pêche prévue au Règlement de pêche de l'Atlantique--Aucune contestation de la légalité de l'art. 43 de la Loi, non plus que du Règlement --Sous-jacent à l'allégation que la pêche est couverte par l'art. 35(1) de la Loi, et que le directeur général a agi de façon contraire à la loi, on trouve l'argument que le chalutage va inévitablement entraîner la DDP dans la zone 5Z--Aucune preuve n'indique que la prise de l'ordonnance de modification a eu un impact particulier sur l'environnement benthique de la zone 5Z--L'art. 35 n'interdit pas absolument la DDP--La DDP peut être autorisée par le ministre ou par un règlement pris par le gouverneur en conseil--Si le législateur avait eu l'intention que les termes «ouvrages ou entreprises» de l'art. 35 comprennent la pêche, il aurait dû clarifier cette intention--L'art. 35 ne prescrit pas une interdiction absolue de la DDP, mais seulement des activités non autorisées menant à ce résultat--Le débat parlementaire invoqué par la demanderesse indique que le ministre d'alors se préoccupait de la conservation, mais il n'appuie pas l'argument de la demanderesse que les termes «ouvrages ou entreprises» de l'art. 35 recouvrent les activités de pêche autorisées par le ministre ou par le Règlement--Cet article ne s'applique pas à l'ordonnance de modification en cause ici--La LCEE ne s'applique pas non plus, ayant été adoptée pour évaluer l'impact environnemental des projets--Dans Kwicksutaineuk/Ah-kwa-mish Tribes c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (2003), 227 F.T.R. 96 (C.F. 1re inst.), conf. par. (2003), 313 N.R. 394 (C.A.F.), le juge Rouleau a conclu que la pêche n'est pas un «projet» aux fins de la LCEE--Les ordonnances de modification sont des outils de gestion légitimes, exigeant l'exercice d'un jugement qui ne devrait pas être contesté par la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire--Demande rejetée, sans octroi de dépens au vu de l'intérêt public aux questions soulevées par la demanderesse--Loi sur les pêches, L.R.C. (1985), ch. F-14, art. 35(1), (2), 43i), l), m)--Règlement de pêche (dispositions générales), DORS/93-53, art. 7, annexe VI --Règlement de pêche de l'Atlantique, DORS/86-21--Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, L.C. 1992, ch. 37.

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