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COURONNE

Contrats

Ready John Inc. c. Canada (Ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux)

A-372-03, A-433-03

2004 CAF 222, juge Evans, J.C.A.

8-6-04

25 pp.

Contrôle judiciaire découlant de l'adjudication d'un contrat pour la fourniture de toilettes chimiques et de postes de lavage de mains au ministère de la Défense nationale (MDN)--En mars 2003, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a adjugé une offre à commandes à Plaggenborg's Ltd. (Plaggenborg) pour la fourniture et l'entretien de toilettes chimiques portatives et de postes de lavage de mains à la Base des Forces canadiennes Gagetown (BFCG)--Les produits et l'entretien devaient être fournis sur demande pendant une période de deux ans débutant le 1eravril 2003--Ready John Inc. (Ready John), le seul autre soumissionnaire conforme et le détenteur des offres à commandes précédentes pour la fourniture de toilettes chimiques à la BFCG, s'est plaint au Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE) que l'adjudication du contrat était invalide parce que la soumission de Plaggenborg n'était pas conforme aux exigences obligatoires figurant au paragraphe 14.1.1 de la spécification du marché public proposé--Ready John a déposé une plainte auprès du TCCE en vertu de l'art. 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur et a soutenu que, contrairement à ce qui était prévu au paragraphe 14.1.1 de la spécification, Plaggenborg n'avait pas en sa possession le nombre requis de toilettes puisque, au moment de l'adjudication du contrat, elle n'était pas propriétaire de 250 toilettes et elle n'avait pas, non plus, cette quantité de toilettes en stock--Le TCCE a rejeté la plainte après avoir conclu que Plaggenborg avait en sa possession le nombre d'unités requis étant donné qu'elle pouvait, aux termes d'un contrat conclu avec un fournisseur, «contrôler l'allocation des unités au marché public»--Le TCCE a refusé d'adjuger les dépens à la Couronne en raison du manque de clarté du paragraphe 14.1.1 --Ready John a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle le TCCE avait rejeté sa plainte (A-372-03)--Invoquant qu'elle était déraisonnable, le procureur général a contesté la décision de ne pas lui adjuger les dépens (A-433-03)--Signification du terme «possession» --Le TCCE avait raison de conclure qu'une personne peut être en possession de quelque chose même si elle n'en est pas propriétaire--Le New Shorter Oxford English Dictionary on Historical Principles, Oxford: Clarendon Press, 1993 définit le terme possession comme étant notamment [] «l'action ou le fait de détenir ou d'avoir une chose [. . .] sous son contrôle; détention effective» et comme étant, d'un point de vue juridique, le [] «pouvoir ou [le] contrôle apparent sur une chose»--Dans le contexte juridique avoir possession signifie essentiellement avoir le contrôle physique d'une chose et souvent, mais pas nécessairement, en avoir le contrôle exclusif--La question de savoir si une personne possède un bien dépend de la nature du bien dont la possession est revendiquée et du contexte juridique particulier dans lequel s'inscrit la décision--La possession est l'expression d'une relation entre un individu et un bien particulier--Ainsi, appliquée à un bien matériel personnel, la notion de possession comporte l'idée de contrôle, souvent exclusif, ou de droit légal d'exercer le contrôle--La question de savoir si une personne a suffisamment de contrôle sur un bien particulier pour l'avoir «en sa possession» au sens juridique est une question mixte de fait et de droit--L'exigence du contrôle fait de la possession un concept plus restreint que celui de l'accès ou de la disponibilité--En ce qui a trait à la question de la possession dans le contexte du paragraphe 14.1.1, la condition énoncée à ce paragraphe a pour objectif général de garantir que l'entrepreneur sera capable de respecter les exigences de l'offre à commandes lorsque le MDN voudra faire livrer un nombre déterminé de toilettes chimiques à la BFCG--L'exigence d'inspection prévue au paragraphe 14.1.1 peut également vouloir dire que l'entrepreneur doit être en mesure, avant l'adjudication du contrat, de désigner les toilettes qu'il entend utiliser pour remplir les obligations de l'offre à commandes--Pour ce qui est de savoir à quel moment la condition relative à la «possession» doit être remplie, trois possibilités sont envisagées: l'entrepreneur est en «possession» des toilettes immédiatement avant l'adjudication de l'offre à commandes ou lors de l'adjudication; il en a la possession tant au moment de l'adjudication du contrat que pendant sa durée; il établit, immédiatement avant l'adjudication du contrat ou à la date de celle-ci, être en mesure d'avoir en sa possession au moins 250 toilettes dans de brefs délais, et ce, à tout moment au cours de la durée du contrat--Toutefois, cette dernière interprétation cadre difficilement avec le libellé du paragraphe 14.1.1--Selon le TCCE, Plaggenborg satisfaisait au paragraphe 14.1.1 parce qu'elle avait en sa possession, en raison d'un contrat de location, le nombre minimum de toilettes immédiatement avant et peu après l'adjudication du contrat--Il n'était pas déraisonnable pour le Tribunal de conclure qu'il s'agissait des moments où l'entrepreneur devait avoir en sa possession le nombre d'unités requis--Le TCCE a par ailleurs assimilé la «possession» à la capacité de facto de Plaggenborg de garantir, au moment de l'adjudication du contrat, qu'elle était capable d'allouer suffisamment d'unités à l'exécution du contrat d'approvisionnement--La décision du TCCE n'est pas rationnellement justifiable et, parce qu'elle comporte un défaut suffisamment flagrant, elle est manifestement déraisonnable--Premièrement, le TCCE s'est engagé dans une mauvaise voie lorsque, en l'espèce, il a assimilé la «possession» à la capacité de l'entrepreneur de «contrôler l'allocation des unités au marché public»--Le TCCE n'a pas accordé l'importance voulue à la relation entre Plaggenborg et les biens en cause et il ne se prononce pas sur la question clé, qui consiste à déterminer si Plaggenborg exerçait un contrôle de facto sur 250 toilettes au moment de l'adjudication du contrat--Deuxièmement, le TCCE a estimé que Plaggenborg était en possession des toilettes qu'elle était en mesure de livrer sans délai sur demande--Ce raisonnement est vicié: il met sur un même pied la location d'un bien meuble déterminé et un accord de location future concernant un nombre indéterminé de biens décrits de manière générale-- Troisièmement, le TCCE a aussi fondé sa conclusion sur la preuve que A-1 (le sous-traitant de Plaggenborg), ayant obtenu une source d'approvisionnement fiable, serait effectivement capable d'honorer son contrat de location avec Plaggenborg--Toutefois, cela ne suffit pas pour satisfaire à l'exigence imposée à l'entrepreneur d'avoir en sa possession au moins 250 toilettes au moment de l'adjudication du contrat--La demande de Ready John est accueillie--La demande de la Couronne est rejetée--Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 47, art. 30.11(1) (édicté par L.C. 1993, ch. 44, art. 44).

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