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IMPÔT SUR LE REVENU

Nouvelles cotisations

Canada c. Agazarian

A-36-03

2004 CAF 32, juges Pelletier, Létourneau , J.C.A.

23-4-04

28 p.

Appel interjeté contre une décision de la Cour canadienne de l'impôt ([2003] 2 C.T.C. 2323) qui concernait le point de droit suivant: le M.R.N. était-il fondé à établir une nouvelle cotisation pour l'année d'imposition 1987 de l'appelant, en application de l'art. 152(4)b)(i) de la Loi de l'impôt sur le revenu, après le 5 octobre 1991, fin de la période normale de nouvelle cotisation de l'appelant pour l'année d'imposition 1987?--Dans sa déclaration de revenus pour l'année d'imposition 1988, le contribuable avait demandé un report de perte en amont--Le ministre avait établi en 1990 une seconde nouvelle cotisation établissant les obligations fiscales de l'appelant pour 1987--La période normale de nouvelle cotisation prenait fin le 5 octobre 1991--L'appelant n'avait produit aucun autre formulaire officiel--Le ministre avait délivré le 1er avril 1993 une troisième nouvelle cotisation établissant les obligations fiscales de l'appelant pour l'année d'imposition 1987--Le contribuable s'était opposé à cette troisième nouvelle cotisation en faisant valoir qu'elle avait été établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation--Le ministre avait confirmé la nouvelle cotisation --Le contribuable avait interjeté appel--La question était de savoir si le texte législatif applicable était la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle existait en 1993, année au cours de laquelle avait été établie la nouvelle cotisation contestée, ou bien la Loi de l'impôt sur le revenu telle qu'elle existait après les modifications adoptées en 1988, qui étaient entrées en vigueur après le 27 avril 1989--Les parties se sont accordées pour dire que, quelle que soit la réponse, l'effet était le même--Nonobstant la communauté de vues des parties, la Cour a examiné les deux dispositions pour voir si en réalité elles disaient bien la même chose--Elle avait affaire à deux notions, le pouvoir du ministre de calculer et de recalculer le revenu du contribuable, et les délais à l'intérieur desquels le ministre peut exercer ce pouvoir--L'ancien art. 152(1) conférait au ministre le pouvoir de calculer le revenu du contribuable après avoir reçu la déclaration du contribuable, et l'art. 152(6) conférait au ministre le pouvoir de recalculer le revenu du contribuable dans certains cas, dont l'un était la demande de nouveau calcul faite par le contribuable afin d'obtenir un report de perte vers une année antérieure d'imposition--Il y a des délais à l'intérieur desquels ce pouvoir doit être exercé, et il y a des limites à l'objet qui peut être soumis à un nouveau calcul--Ces deux genres de limites se trouvent dans l'art. 152(4) tel qu'il existait au moment où les nouvelles cotisations en cause ont été établies--Même si l'art. 152(1) confère au ministre le pouvoir de calculer le revenu du contribuable, et de le faire avec toute la diligence possible, cette disposition ne prévoit aucun délai à l'intérieur duquel le ministre doit exercer ce pouvoir--De même, bien que l'art. 152(6) confère au ministre l'obligation de recalculer le revenu du contribuable pour tenir compte de la demande de report de perte en amont faite par le contribuable, cette disposition ne prévoit aucun délai à l'intérieur duquel ce nouveau calcul doit être fait--Pour savoir ce que sont les délais en question, il faut s'en rapporter à l'art. 152(4), qui parle de l'absence de tout délai à l'intérieur duquel le ministre doit exercer au départ son pouvoir d'établir la responsabilité fiscale du contribuable--L'art. 152(4) parle aussi du pouvoir du ministre d'établir de nouvelles cotisations--Le pouvoir d'établir de nouvelles cotisations à l'intérieur de la période élargie de cotisation selon ce que prévoit l'art. 152(4)b) se limite au report de perte lui-même--Il n'est pas vrai que l'art. 152(4)b)(i) autorise une nouvelle cotisation unique du seul fait que cette disposition fait état de la nouvelle cotisation «exigée» par l'art. 152(6)--L'art. 152(4)b)(i) indique simplement les cas où la période élargie de nouvelle cotisation, à l'art. 152(4)b), s'applique; il ne définit pas ce qui peut arriver à l'intérieur de cette période élargie de nouvelle cotisation--La définition de ce qui peut arriver durant la période élargie est exprimée par les mots qui précèdent l'art. 152(4)c): «selon les circonstances, établir des nouvelles cotisations, des cotisations supplémentaires ou des cotisations d'impôt, d'intérêts ou de pénalités en vertu de la présente partie»--Le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation plus d'une fois à l'égard de chacune des périodes de nouvelle cotisation définies à l'art. 152(4)a), b) et c) se trouve dans les mots «selon les circonstances»--L'intention du législateur peut être trouvée dans la version française du texte--La version anglaise dit simplement «may . . . reassess», ce qui ne donne aucune indication du nombre, tandis que la version française dit «établir des nouvelles cotisations», ce qui est évidemment un pluriel--Par conséquent, même si l'expression «selon les circonstances» («as the circumstances may require») s'applique à un choix entre les catégories énumérées, la catégorie des nouvelles cotisations est définie comme davantage qu'une nouvelle cotisation--La version française renforce l'argument selon lequel l'ancienne version du texte législatif autorise une pluralité de nouvelles cotisations à l'intérieur de la période élargie de nouvelle cotisation, en ce qui a trait à une demande de nouvelle cotisation présentée conformément à l'art. 152(6)--L'actuel art. 152(4) dit que le ministre peut [n'importe quand] établir une cotisation ou une nouvelle cotisation--Ce pouvoir s'applique à la cotisation initiale et à toute nouvelle cotisation --Cependant, il dit ensuite que pareille cotisation, nouvelle cotisation ou cotisation supplémentaire ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation que dans certains cas--Puisque la période normale de nouvelle cotisation commence à courir à compter de la date de mise à la poste de la cotisation initiale, cette limite ne s'applique pas à la cotisation initiale, mais uniquement aux nouvelles cotisations et aux cotisations supplémentaires subséquentes--Voilà pour la règle générale: le ministre peut n'importe quand établir une cotisation ou une nouvelle cotisation; et voilà pour la limite: la cotisation ou la nouvelle cotisation doit être établie à l'intérieur de la période normale de nouvelle cotisation, sauf dans certains cas, qui sont exposés dans l'art. 152(4)a) et b)--L'art. 152(4)b)(i) traite de nouvelles cotisations établies pour donner effet à un report de perte en amont, auquel cas le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation doit être exercé dans un délai de trois ans après la fin de la période normale de nouvelle cotisation--S'agissant des délais, la version actuelle et la version ancienne de l'art. 152(4) donnent le même résultat--Bien que la version actuelle ne renferme pas de limites d'objet au pouvoir d'établir une nouvelle cotisation à l'intérieur de la période élargie de nouvelle cotisation, on obtient le même résultat avec les limites d'objet qui apparaissent dans l'art. 152(4.01)--L'art. 152(4.01) restreint le droit d'établir une nouvelle cotisation, à l'intérieur de la période élargie de nouvelle cotisation, à l'objet qui a donné lieu au droit d'établir une nouvelle cotisation en dehors de la période normale de nouvelle cotisation--Il va donc dans le même sens que les dispositions finales de l'ancien art. 152(4)--Quant au pouvoir d'établir une nouvelle cotisation plus d'une fois, le ministre a le pouvoir, dans l'actuel art. 152(4), d'établir une cotisation ou une nouvelle cotisation «at any time»--Eu égard au sens ordinaire des mots «at any time», le pouvoir d'établir une cotisation ou une nouvelle cotisation plus d'une fois s'applique non seulement aux nouvelles cotisations qui entrent dans la période normale de nouvelle cotisation, mais également à celles qui sont en dehors de cette période--Les mots correspondant à «at any time» sont manifestement absents de la version française, ce qui donne à penser qu'un seul exercice seulement du pouvoir d'établir une nouvelle cotisation est autorisé--Il est nécessaire de concilier la version française et la version anglaise d'un texte pour donner effet au sens qui s'accorde avec l'esprit et l'intention du texte législatif, afin que ses objets soient atteints--Pour savoir quelle était l'intention du législateur, on peut considérer les anciennes versions du texte--L'ancienne version, par l'emploi qu'elle fait de l'expression «selon les circonstances» et de l'expression «as the circumstances require», permet d'affirmer que le législateur voulait que le ministre ait le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation plus d'une fois--Cette affirmation s'impose également lorsque l'on considère la différence entre l'ancienne version du texte et sa version actuelle--Puisqu'une disposition législative dit que la nouvelle disposition s'applique à compter du 27 avril 1989, la différence entre les deux versions signifie que les contribuables seront traités différemment pour la même année d'imposition selon le moment auquel le ministre a choisi d'établir une nouvelle cotisation--Cela est manifestement contraire à l'équité et doit être évité s'il est le moindrement possible de le faire--Cette possibilité permet de conclure que l'expression «à un moment donné» [c'est-à-dire n'importe quand] figure implicitement dans les mots introductifs de la version française de l'art. 152(4)--Cette présence implicite de l'expression se justifie par la logique interne du texte lui-même, mais la validité d'une telle approche est confirmée par le préjudice qui résulterait de toute autre interprétation-- La version actuelle et la version ancienne de l'art. 152(4) ont donc la même signification--En conséquence, la date d'application de la disposition actuelle ne présente qu'un intérêt administratif--Le ministre avait le pouvoir d'établir pour l'intimé une nouvelle cotisation plus d'une fois au-delà de la période normale de nouvelle cotisation, mais les nouvelles cotisations devaient être établies à l'intérieur de la période élargie de nouvelle cotisation--Le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation pour donner effet à un report de perte en amont se trouve dans l'art. 152(6), tandis que le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation plus d'une fois se trouve dans les mots «selon les circonstances» ou «à un moment donné», selon la version considérée du texte législatif--Appel accueilli--Le juge Létourneau (motifs concourants): Le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation plus d'une fois après la période normale de nouvelle cotisation du contribuable ne découle pas des mots «selon les circonstances», dans l'ancien art. 152(4)--Ces mots évoquent la nature du pouvoir conféré et l'objet de ce pouvoir, davantage que la fréquence d'utilisation de ce pouvoir--Le pouvoir d'établir une nouvelle cotisation plus d'une fois résulte des mots «à un moment donné» («at any time»), ainsi que de l'emploi constant du pluriel en français et l'emploi plus parcimonieux du pluriel en anglais--Les dispositions législatives considérées sont «un véritable cafouillis» et ne se prêtent pas à une interprétation littérale--Elles présentent une telle confusion que l'interpré-tation littérale conduit à des résultats incongrus, quelle que soit la position adoptée--Cependant, les prétentions de l'intimé conduisent à une incongruité qui porte à croire que le législateur ne voulait pas que la nouvelle cotisation soit limitée à un seul cas après la période normale de cotisation-- Si, après acceptation initiale du report de perte en amont, puis après nouvelle cotisation du contribuable, le ministre arrive à la conclusion que la perte déclarée n'est pas une perte juridiquement admissible à une déduction, il n'aura pas le pouvoir de corriger la cotisation de manière à refuser la perte --Le contribuable déduirait ainsi en fait une perte juridiquement non admissible--Le législateur ne voulait pas un résultat aussi absurde--Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 152(1) (mod. par S.C. 1978-79, ch. 5, art. 5; 1988, ch. 55, art. 136), (4) (mod. par L.C. 1990, ch. 39, art. 38), (6) (mod. par S.C. 1984, ch. 1, art. 84; ch. 45, art. 59; 1986, ch. 55, art. 59; 1988, ch. 55, art. 136; 1990, ch. 35, art. 17; ch. 39, art. 38)--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 152(4) (mod. par L.C. 2001, ch. 17, art. 149).

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