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DROIT MARITIME

Créanciers et débiteurs

Royal Bank of Scotland plc c. Golden Trinity (Le)

T-32-99, T-38-99, T-119-99, T-186-99

2004 CF 795, protonotaire Hargrave

31-5-04

96 p.

Priorités--Ventes, approuvées par la Cour, de quatre navires saisis, le Golden Trinity, l'Ypapadi, le Kimisis III et le Zoodotis, navires gérés par la société Pronoia Ship Agents & Brokers Inc. (Pronoia)--Ils ont tous été vendus au-dessus de leur valeur d'expertise--Une vingtaine parmi les réclamations visant le produit des ventes ont été réglées par consentement, essentiellement parce qu'elles constituaient des privilèges maritimes qui leur conféraient un rang prioritaire évident-- Les revendicatrices du solde du produit des ventes, en leur qualité de créancières hypothécaires, étaient la Royal Bank of Scotland plc (la RBS), créancière hypothécaire du Ypapadi, du Golden Trinity et du Kimisis III, et la Nedship Bank N.V. (Nedship), créancière hypothécaire du Zoodotis--La principale difficulté à laquelle se heurtaient les banques concernait les réclamations de Tramp Oil & Marine Limited (Tramp) au titre du combustible fourni aux quatre navires défendeurs et à divers autres navires, lesquels étaient eux aussi gérés par Pronoia, et qui seraient des navires du même propriétaire (ou navires jumeaux)--Tramp fondait ses réclamations en partie sur un privilège maritime se rapportant au combustible fourni au Golden Trinity, mais pour l'essentiel sur une contestation de la sûreté détenue par les banques et sur les agissements des banques--Les sûretés initiales de la RBS et de Nedship étaient solides--1) Le privilège maritime allégué par Tramp contre le Golden Trinity reposait sur le fait qu'une firme d'approvisionnements en combustible agissant sur les directives de Tramp avait fourni du combustible de soute dans un port américain--Tramp a prétendu plus tard qu'elle était subrogée dans le privilège maritime de son fournisseur américain, Petro-Diamond Inc., en vertu du principe de la subrogation et en vertu de la règle américaine appelée «règle des avances»--Petro-Diamond serait fondée à revendiquer un privilège maritime américain contre le Golden Trinity, bien que la facture de Petro-Diamond pour le combustible eût été adressée à Tramp--Présomption, en droit américain, selon laquelle celui qui fournit des nécessités à un navire acquiert un privilège maritime; quiconque entend réfuter cette présomption a la charge d'établir que le fournisseur des nécessités entendait délibérément renoncer à un privilège maritime--Il y a eu relation continue, durant de nombreuses années, entre Tramp et Pronoia--Le paiement de Tramp à Petro-Diamond visait à satisfaire la réclamation de Petro-Diamond à l'encontre du Golden Trinity, c'est-à-dire à rembourser une somme avancée à un navire--L'avance résultait bel et bien de directives, celles de Pronoia--La somme avancée par Tramp a servi à satisfaire la créance privilégiée de Petro-Diamond--Vu la nature du commerce mondial du combustible de soute, il n'y avait aucun lien réel avec l'Angleterre, si ce n'est la clause du contrat de Tramp relative à l'élection de la loi applicable--La propriété, la gestion et l'immatriculation du navire n'offraient aucun fil commun--Cependant, la preuve révélait une exploitation systématique des navires de Pronoia aux États-Unis, ainsi que d'importants approvisionnements en combustible dans les ports américains--L'avantage commercial et économique, un avantage réciproque, avait pris naissance à Long Beach, en Californie--La loi américaine était donc la loi la mieux à même de s'appliquer ici--La fourniture du combustible de soute donnait lieu ainsi à un privilège maritime et à une compétence maritime--Le droit de Tramp à un privilège maritime résultait d'une subrogation par l'effet du droit américain, subrogation qui avait eu lieu lorsque la facture de Petro-Diamond avait été payée par Tramp--Cette partie de la réclamation de Tramp, pour la somme de 55 211,10 $, qui comprenait les intérêts au 30 juin 2001, s'est vu accorder le rang d'un privilège maritime--2) Tramp, à l'appui de sa revendication d'un privilège maritime pour le combustible fourni au Golden Trinity, alléguait aussi un privilège contractuel pour ce compte--Le rang d'un tel privilège contractuel était inférieur à celui d'une hypothèque et même n'élevait pas une telle réclamation au-delà d'autres réclamations statutaires in rem pour nécessités--Un tel droit bilatéral fondé sur un contrat ne justifie pas un rang susceptible de frustrer un tiers détenant une priorité établie, compte tenu des priorités accordées aux titulaires de sûretés hypothécaires maritimes et aux fournisseurs de nécessités ayant une réclamation statutaire canadienne in rem--3) Les privilèges maritimes américains de Tramp pour le combustible, sur des navires qui sont peut-être des navires jumeaux, ne peuvent être exécutés en tant que tels au Canada à l'aide de la procédure de la Cour fédérale relative aux navires jumeaux--Le contexte et l'objet de la législation sur les navires jumeaux (ou navires d'un même propriétaire) sont exposés dans l'affaire Norcan Electrical Systems Inc. c. FB XIX (Le), [2003] 4 C.F. 938 (1re inst.)--Le principe des navires jumeaux trouve son fondement dans l'article 3 de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, Bruxelles, 1952--Le Canada n'a pas ratifié la Convention de Bruxelles de 1952, mais il a adopté des dispositions sur les navires jumeaux, à savoir l'art. 43(8) de la Loi sur la Cour fédérale--Le texte de la disposition relative aux navires jumeaux, c'est-à-dire l'art. 43(8), dans sa version française, permet à un demandeur d'invoquer la compétence de la Cour fédérale en matière réelle à l'égard d'un navire qui, au moment de l'introduction de l'action, appartenait au véritable propriétaire du navire en cause dans l'action--La norme d'après laquelle doit être établie une relation de navires jumeaux est celle de la prépondérance de la preuve, appelée aussi degré raisonnable de probabilité, c'est-à-dire qu'il faut que l'on puisse conclure à la probabilité que les navires en question appartiennent au même propriétaire--Même si le recours contre un autre navire du même propriétaire constitue un recours extraordinaire, qui ne saurait être exercé à la légère, c'est quand même cette norme civile de preuve qui est applicable--Il ne s'agit pas ici d'un cas où les probabilités sont sensiblement égales, mais d'un cas où l'absence d'une telle situation est la plus probable--La partie qui affirme que plusieurs navires appartiennent au même propriétaire doit prouver cette affirmation--C'est une tâche très difficile à accomplir lorsque, comme c'est le cas ici, les propriétaires enregistrés, voire tous ceux qui pourraient être les propriétaires véritables, ou qui sont les premiers renseignés, ont abandonné leurs entreprises et leurs navires, et qu'il n'y a plus ni aucun document ni aucun témoin qui puisse dire qui récoltait les bénéfices générés par ces navires, ni qui avait droit à tels bénéfices--Au mieux, Tramp a établi la probabilité que Peter Lygnos, le responsable de Pronoia, était un propriétaire véritable, mais non qu'il était le propriétaire véritable--La prépondérance de la preuve montre que d'autres membres de la famille étaient eux aussi des propriétaires véritables--Le propriétaire véritable dont parle l'art. 43(8) de la Loi sur la Cour fédérale n'est toujours pas désigné-- 4) Selon Tramp, il devrait, en vertu de l'equity, y avoir réaménagement du classement des réclamations pour nécessités, à savoir la fourniture de combustible de soute, parce que les deux banques auraient dû agir plus rapidement dans la réalisation de leurs sûretés, ce qui aurait eu pour effet de mettre fin plus tôt aux activités de Pronoia--En droit canadien, le rang accordé aux fournisseurs de combustible est inférieur au rang accordé aux titulaires de sûretés hypothécaires, en l'occurrence la RBS et Nedship--L'ordre habituel de priorité ne saurait être modifié simplement parce qu'une banque prêteuse s'efforce d'établir une ligne de conduite qui soit avantageuse à la fois pour ses clients et pour elle-même--Il n'existe aucune preuve que les banques aient fomenté secrètement l'achat des navires--Les navires ont été, pour la plupart, vendus lors d'enchères publiques, des enchères très concurrentielles, puisque les prix ont dépassé les valeurs constatées par expertise--Tramp n'a pas établi les circonstances très particulières qui appelleraient un réaménagement de l'ordre de priorité établi de longue date, pour avantager Tramp ou d'autres fournisseurs de nécessités-- Selon son propre témoignage, Tramp ne s'est pas acquittée de son obligation très onéreuse de prouver qu'une entorse à l'ordre habituel de priorité est nécessaire pour prévenir une évidente injustice--5) Calogeras Marine Inc. (Calogeras) et Calogeras & Master Supplies Inc. sont des marchands établis de longue date de fournitures pour bateau et de nécessités, notamment pour les navires prétendument rattachés à Peter Lygnos--Réclamations valides uniquement si les navires sont des navires d'un même propriétaire--La preuve produite n'a pas établi que les navires appartenaient au même propriétaire --Même si elle l'avait établi, la garantie détenue par la RBS et par Nedship étant une garantie solide, les réclamations de Calogeras et de Calogeras & Master, en tant que droits réels statutaires, ont un rang inférieur aux réclamations des demanderesses, la RBS et Nedship, les créancières hypothécaires--Réclamations rejetées--6) Aduanera Columbia S.I.A. Ltd. avait fourni des marchandises au Golden Trinity pour la somme de 100 663,48 $, soit un chiffre net contre paiement reçu--Aduanera détenait par subrogation un privilège maritime en ce qui concernait les droits de douane des feux et balises, pour la somme de 1 961,53 $ et, s'agissant du capitaine, pour les services de pilotage et de remorquage, selon la somme de 3 377,09 $, soit un total de 5 338,62 $-- Aduanera a droit aussi à une part proportionnelle des intérêts courus sur le produit de la vente du Golden Trinity--7) Seul un réaménagement de l'ordre de priorité permettrait à United Maritime Supplies Inc., un fournisseur canadien de nécessités, d'obtenir satisfaction--Comme dans le cas de Tramp, United Maritime ne s'est pas acquittée de l'obligation d'établir les circonstances particulières requises pour justifier un réaménagement de l'ordre de priorité--Il est malheureux que les fournisseurs canadiens de nécessités ne jouissent pas du même privilège maritime dont bénéficient les fournisseurs américains--La réclamation de United Maritime est rejetée-- 8) Les sommes payées au titre des honoraires du shérif et des commissions bénéficient d'un rang prioritaire, ainsi que les réclamations substantielles des banques, pour les sommes payées par elles, qui sont réputées les frais du prévôt, c'est-à-dire les salaires payés aux membres d'équipage, les redevances portuaires et les droits de pilotage, les vivres, l'eau, les réparations et les frais de rapatriement des équipages --Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 43(8) (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 12)--Convention internatio-nale pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer, 10 mai 1952, 439 R.T.N.U. 193, art. 3.

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