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RELATIONS DU TRAVAIL

Lloyd's Register North America Inc. c. Dalziel

T-1892-02

2004 CF 822, juge Snider

9-6-04

31 p.

La demanderesse est une filiale en propriété exclusive et un ayant droit au Canada de Lloyd's Register of Shipping, une ancienne société de classification marine dont elle exerce les activités au Canada--Le défendeur prétend qu'il a perdu son emploi d'expert maritime chez Lloyd's suite à un congédiement déguisé--En réponse au renvoi de sa plainte à l'arbitrage en vertu de l'art. 240 du Code canadien du travail, la demanderesse a prétendu qu'elle n'était pas soumise au droit fédéral du travail et que, par conséquent, l'arbitre n'avait pas compétence pour trancher la plainte--L'arbitre a conclu que la demanderesse fournissait des services qui se rapprochaient de [] l'«essence» de la navigation et doit, à son avis, [] «être rangée dans la catégorie exceptionnelle des activités qui relèvent de la compétence fédérale en tant qu'elles font partie intégrante d'un domaine assujetti à la législation fédérale, en l'occurrence celui de la navigation ou du transport maritime» et il a par conséquent rejeté l'objection préliminaire quant à sa compétence--La demanderesse demande le contrôle judiciaire de cette décision--L'arbitre a-t-il commis une erreur en décidant que l'«[] activité de classification de Lloyd's Register et tout ce qu'elle implique par rapport au transport maritime» fait partie intégrante du domaine de la navigation, lequel est réglementé par le gouvernement fédéral et, par conséquent, est soumise au droit fédéral du travail?-- La question en litige a trait à la nature du travail effectué par la demanderesse et à la question de savoir si ce travail est suffisamment intégré à l'entreprise principale (le transport maritime en l'espèce) pour que ses employés tombent dans le champ de compétence fédérale--Collectivement, les employés de la demanderesse passent au moins 80 p. 100 de leur temps à effectuer deux fonctions différentes mais complémen-taires: 1) les fonctions de société de classification; 2) des inspections obligatoires pour le compte du gouvernement canadien en vertu des dispositions de la Loi sur la marine marchande du Canada--Examen des principes applicables à la question de la compétence--Ni la présence de travaux sur les terres fédérales, ni la partie du travail effectué par une société en rapport avec une entreprise fédérale n'est déterminante quant à l'appréciation de la compétence--De plus, le Code canadien du travail [] «ne doit pas s'interpréter comme s'appliquant à des travailleurs dont la tâche se situe à un stade lointain, mais seulement à ceux dont l'activité est intimement liée aux ouvrages, entreprises ou affaires»--Une relation continue avec une entreprise fédérale constitue une preuve d'un lien intime avec celle-ci--La demanderesse prétend que l'arbitre a commis une erreur dans la manière selon laquelle il a appliqué les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Reference re Industrial Relations and Disputes Investigation Act (Canada), [1955] R.S.C. 529 (l'Affaire des débardeurs), Northern Telecom Ltd. c. Travailleurs en communication du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115 (Northern Telecom) et Union des facteurs du Canada c. Syndicat des postiers du Canada, [1975] 1 R.C.S. 178 (l'Affaire des facteurs)--La demanderesse fait une distinction d'avec ces arrêts en se fondant sur la nature physique des activités effectuées par les employés, contrairement à ses services qui n'ont rien à voir avec le contrat de transport des navires--Selon la demanderesse, le travail effectué par Lloyd's s'apparente à une vérification ou à la fourniture d'une couverture d'assurance--L'aspect physique du service et de sa proximité de l'entreprise fédérale ne permettent pas de trancher la question de l'intégration-- Les trois arrêts permettent de dégager certains principes--On ne retrouve la compétence fédérale que dans les circonstances exceptionnelles d'un lien intégral ou essentiel entre les services fournis par le fournisseur et l'entreprise fédérale--La jurisprudence n'étaye pas la proposition que, à moins que les activités en question fassent partie de l'opération physique de l'entreprise fédérale, il ne peut y avoir de compétence fédérale--L'arbitre n'a pas commis d'erreur dans l'application qu'il a faite de la jurisprudence pertinente au travail de la demanderesse--Les activités de la demanderesse vont-elles au-delà d'une «relation commerciale mutuellement bénéfique»?--Le juge en chef Dickson, dans l'arrêt Travailleurs unis des transports c. Central Western Railway Corp., [1990] 3 R.C.S. 1112, a déclaré qu'«il en faut davantage que l'existence d'un lien matériel et des relations commerciales mutuellement avantageuses avec un ouvrage ou une entreprise à caractère fédérale pour qu'une compagnie soit assujettie à la compétence fédérale»--La demanderesse prétend que l'arbitre a commis une erreur en concluant que Lloyd's Register et ses employés ont beaucoup plus qu'un lien matériel et des relations mutuellement avantageuses avec le secteur du transport maritime--Le simple fait de fournir un service à une entreprise fédérale ne fait pas en sorte que le fournisseur de service relève de la compétence fédérale-- Examen du rôle unique que le transport maritime a joué dans la jurisprudence portant sur la division constitutionnelle des pouvoirs--Si les inspecteurs de Lloyd's ne sont pas régis par les codes fédéraux du travail, alors ils sont régis par les codes provinciaux--Il serait très souhaitable qu'il y ait dans ce domaine des normes et des règlements uniformes de classification des navires, conformes au droit canadien, quant à cet aspect important du transport maritime international--Il est illogique de conclure que la classification au Canada puisse être faite au niveau purement local ou que pour une raison ou une autre elle ne fait pas partie intégrante du transport maritime au Canada, particulièrement lorsque que l'on considère que le Canada a adhéré à plusieurs des conventions internationales qui traitent des normes en matière de transport maritime--Au niveau international, le transport maritime existe en grande partie dans sa forme actuelle grâce aux sociétés de classification--La demanderesse est un partenaire actif dans cette aventure mondiale ce qui confirme qu'elle n'exploite pas une entreprise entièrement locale--Le rôle de la demanderesse a été considéré à juste titre par l'arbitre comme allant au-delà d'un lien physique et d'une relation commerciale mutuellement avantageuse--La demanderesse s'est vu déléguer certaines fonctions d'inspection en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada--Le travail effectué par la demande-resse en vertu de cette loi est une fonction de réglementation directe--On n'a apporté aucun exemple d'entreprises qui se sont vu déléguer des fonctions réglementaires fédérales et où l'entreprise qui exécute la fonction a conservé sa nature locale ou provinciale--L'arbitre a peut-être exagéré lorsqu'il a affirmé que ce lien «serait à lui seul un signe très convaincant de la compétence fédérale»-- Toutefois, ce commentaire n'est pas particulièrement important car, en l'espèce, la délégation n'était pas le seul signe--Compte tenu de l'ensemble des aspects des fonctions effectuées par la demanderesse qui ont été démontrés dans la présente analyse et de celle de l'arbitre, la nature du travail fait partie intégrante du transport maritime et, par conséquent, relève à juste titre de la compétence du Parlement fédéral--La délégation en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada est un autre signe de la force de ce lien--Demande rejetée--Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-1, art. 240 (mod. par L.R.C. (1985) (1er suppl.), ch. 9, art. 15)--Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985) ch. S-9.

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