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PREUVE

Ribic c. Canada (Procureur général)

DES-3-02

2003 CFPI 10, juge Blanchard

9-1-03

20 p.

Demande d'ordonnance de la Cour conformément à l'art. 38.04(2)c) de la Loi sur la preuve au Canada autorisant deux membres actifs des Forces canadiennes à témoigner au procès criminel du demandeur--Le procureur général du Canada a demandé à la Cour de donner des directives conformément à l'art. 38.04(5) de la Loi--Par une ordonnance, le juge en chef adjoint Lutfy (tel était alors son titre) a ordonné que les deux témoins éventuels du demandeur soient interrogés par l'avocat du procureur général. Cet interrogatoire devait être fondé sur une liste de questions que le demandeur devait soumettre--Le procureur général s'est opposé à la divulgation d'une partie des renseignements parce que les passages expurgés risquaient de porter préjudice à la défense ou à la sécurité nationales, ou aux relations internationales--Le demandeur, un citoyen canadien, fait l'objet de graves accusations portées au criminel à la suite d'une prise d'otages qui a eu lieu en Bosnie en 1995, pendant qu'il était membre des Forces serbes--Il prétend que la preuve des deux témoins est nécessaire pour que le procès soit équitable car elle aidera le jury à mettre dans le contexte qui convient les événements qui ont abouti à la prise d'otages et l'événement lui-même--Comme les parties se sont entendus pour que le juge Blanchard examine les portions expurgées des transcriptions, il n'est donc pas nécessaires de suivre la procédure en deux étapes adoptée par le juge en chef Thurlow dans la décision Goguen c. Gibson, [1983] 1 C.F. 872 (1re inst.); conf. par [1983] 2 C.F. 463 (C.A.)--Le juge Blanchard souscrit à l'avis du juge Hugessen dans la décision Ribic c. Canada, 2002 CFPI 290, [2002] A.C.F. no 834 (QL), à savoir que Goguen n'établissait pas une règle de droit à suivre dans chaque cas--Un juge désigné jouit d'un très large pouvoir discrétionnaire lorsqu'il décide s'il doit examiner les documents dont la communication est refusée avant de soupeser les intérêts rivaux, un processus exigé par la loi--Au cours de l'audience ex parte, un examen détaillé des portions expurgées des transcriptions a été mené afin de déterminer si leur divulgation au public, porterait préjudice aux relations internationales ou à la défense ou à la sécurité nationales-- Une bonne partie des renseignements en cause se rapportent aux caractéristiques, aux capacités, au rendement, au déploiement éventuel, aux fonctions ou aux rôles des établissements de défense de forces, d'unités ou du personnel militaires sur le théâtre bosnien en 1995--Le caractère sensible de ces renseignements, dont un bon nombre sont encore fort pertinents à l'heure actuelle, exige que leur divulgation soit encore prohibée--Une partie fort importante des transcriptions expurgées se rapportent à des renseigne-ments obtenus à titre confidentiel par le MDN à condition que ces renseignements ne soient pas divulgués au public car leur divulgation porterait préjudice aux relations internationales où à la défense ou à la sécurité nationales parce que la confiance qui doit exister parmi les alliés serait ébranlée et que, par conséquent, les alliés du Canada hésiteraient à partager des renseignements. De plus, la divulgation irait à l'encontre de l'entente conclue avec l'OTAN--En vertu de l'art. 38.06(2), la Cour doit déterminer si les raisons d'intérêt public qui justifient la divulgation l'emportent sur les raisons d'intérêt public qui justifient la non-divulgation--Dans le contexte d'une affaire portant sur des accusations criminelles graves, comme c'est ici le cas, la question de savoir si les renseignements en question établissent probablement un fait crucial pour la défense est, de fait, un facteur important à prendre en considération--La nature de l'intérêt que l'on cherche à protéger; l'admissibilité et l'utilité des renseigne-ments; leur valeur probante en ce qui concerne une question soulevée au procès; la question de savoir si le demandeur a établi qu'il n'existe pas d'autres moyens raisonnables d'obtenir les renseignements; la question de savoir si, en cherchant à obtenir la divulgation, le demandeur cherche à l'aveuglette des renseignements; la gravité des accusations ou des questions en jeu. Cette liste de facteurs n'est aucunement exhaustive--Les renseignements doivent être rangés en trois catégories: ils ne sont pas pertinents pour ce qui est d'une question soulevée au procès, ils sont pertinents mais ils n'ont pas à être divulgués, ils sont pertinents et ils doivent être divulgués--Dans quatre cas, la Cour ordonne que des résumés des extraits des transcriptions soient incorporés dans les transcriptions expurgées et qu'ils soient divulgués au demandeur à la place de ces extraits--En vertu de l'art. 38.06(2), la Cour peut autoriser la divulgation des renseignements sous la forme et aux conditions les plus susceptibles de limiter tout préjudice--Comme il n'y a pas de ligne de démarcation séparant facilement ce qui est autorisé de ce qui ne l'est pas, il n'y a qu'une forme de divulgation qui est susceptible de limiter le préjudice porté à la défense ou à la sécurité nationales ou aux relations internationales: il s'agit d'ordonner aux deux témoins de ne pas déposer au sujet des renseignements que la Cour a examinés et de permettre la production en preuve de la version expurgée des transcriptions de leur interrogatoire au procès criminel du demandeur, que le juge du procès recevra comme si les deux témoins avaient déposé sous serment devant lui--Une telle ordonnance n'aura pas d'effet sur les règles normales de la preuve en matière d'admissibilité et l'appréciation faite par le juge Blanchard de la pertinence des renseignements ne liera pas le juge du procès--L'obligation de ne pas divulguer les renseignements de la défense continuera à s'appliquer jusqu'à la fin du procès du demandeur et jusqu'à l'expiration de tous les délais d'appel applicables--Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 38.04 (édicté par L.C. 2001, ch. 41, art. 43), 38.06 (édicté, idem).

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