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[2018] 1 R.C.F. F-7

Compétence de la Cour fédérale

Contrôle judiciaire de la décision du bureau désigné (BD) de l’Office d’évaluation environnementale et socioéconomique du Yukon de référer le projet d’exploration multipuits de la demanderesse au comité de direction de l’Office pour examen préalable en application des dispositions de l’art. 56(1)d) de la Loi sur l’évaluation environnementale et socioéconomique au Yukon, L.C. 2003, ch. 7 (la Loi) — Cette décision a été prise parce que, après avoir tenu compte des mesures d’atténuation comprises dans la proposition de projet, le BD ne pouvait pas déterminer si le projet aurait probablement des répercussions socioéconomiques négatives importantes — La demanderesse est une entreprise active dans les domaines de l’exploration et de la mise en valeur éventuelle de pétrole brut et de gaz naturel au Yukon — L’Office a comme objectif principal de mettre en œuvre les dispositions de la Loi et est chargé de mener des évaluations détaillées et neutres des projets proposés au Yukon — La demanderesse a présenté sa proposition au BD pertinent aux fins d’évaluation, mais le BD a conclu qu’il n’était pas en mesure de déterminer si le projet aurait ou aurait probablement des effets négatifs importants sur l’accès à la harde de caribous de la Porcupine et l’utilisation de cette dernière — Il s’agissait de savoir si la Cour fédérale avait compétence pour entendre la demande de contrôle judiciaire et si la demande de contrôle judiciaire était prématurée — Bien que la demanderesse et le défendeur soutenaient tous les deux que l’art. 116 de la Loi permet à la Cour d’effectuer le contrôle judiciaire d’une décision d’un BD, l’intervenant soutenait que la compétence de la Cour pour faire ce contrôle a été écartée et que la compétence relativement à ce contrôle relève de la Cour suprême du Yukon — La compétence de la Cour fédérale en vertu de la Loi n’a jamais été examinée par les tribunaux — La question de la compétence de la Cour fédérale a été soulevée en raison du libellé précis de l’art. 116 de la Loi et de l’art. 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. (1985), ch. F-7 — La compétence de la Cour en l’espèce est déterminée d’abord en évaluant si la Cour a compétence en vertu de la Loi sur les Cours fédérales et, le cas échéant, si l’art. 116 de la Loi remplace la compétence de la Cour fédérale — En l’espèce, l’Office exerce sa compétence et les pouvoirs qui lui sont conférés par la Loi, une loi fédérale — La Cour fédérale a compétence sur l’Office, y compris ses BD, puisque l’Office satisfait clairement à la définition de « office fédéral » à l’art. 2 de la Loi sur les Cours fédérales; l’Office est un « organisme… exerçant ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par une loi fédérale » — En outre, les art. 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales confèrent à la Cour « compétence exclusive, en première instance, » d’accorder divers recours à l’encontre de l’Office et le pouvoir d’effectuer le contrôle judiciaire de décisions de l’Office — Par conséquent, en vertu de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale a compétence pour effectuer le contrôle judiciaire d’une décision de l’Office, y compris une décision de ses BD — L’art. 116 de la Loi a été adopté afin de fournir à la Cour suprême du Yukon la compétence concurrente d’effectuer le contrôle des mesures et décisions de l’Office, un BD, le comité de direction, un comité restreint ou mixte ou un décisionnaire — En l’espèce, le sens ordinaire et grammatical du libellé de l’art. 116 a révélé que la Cour fédérale n’a plus compétence exclusive d’effectuer le contrôle judiciaire d’une décision de l’Office, d’un BD, du comité de direction, d’un comité restreint ou mixte ou d’un décisionnaire, parce que le défendeur, le ministre territorial ou quiconque directement touché par une telle décision peut également demander le contrôle judiciaire à la Cour suprême du Yukon — Cette interprétation était étayée par le fait que l’art. 116 accorde à la Cour suprême du Yukon les mêmes pouvoirs de réparation que ceux que détient la Cour fédérale en vertu de l’art. 18(1) de la Loi sur les Cours fédérales — L’art. 116 est conçu pour fournir à la Cour suprême du Yukon la compétence concurrente avec celle de la Cour fédérale d’effectuer un contrôle judiciaire des mesures administratives de l’Office, d’un BD, du comité de direction, d’un comité restreint ou mixte ou d’un décisionnaire — Bref, l’art. 17(6) de la Loi sur les Cours fédérales ne retire pas la compétence de la Cour fédérale d’entendre des demandes de contrôle judiciaire de décisions prises par l’Office parce que le libellé de l’art. 116 de la Loi reconnaît expressément ce qui serait autrement la compétence exclusive de la Cour fédérale, et parce que l’art. 116 ne confère pas expressément la compétence exclusive à la Cour suprême du Yukon d’entendre de telles demandes ou ne retire pas expressément une telle compétence de la Cour fédérale — En ce qui concerne le caractère prématuré d’une demande de contrôle judiciaire, le principe voulant que les tribunaux ne devraient pas examiner le fond d’une décision administrative tant que cette dernière n’est pas en version finale a été étudié — À défaut de circonstances exceptionnelles, la Cour ne devrait pas intervenir dans un processus administratif en cours concernant un projet proposé par la demanderesse tant et aussi longtemps que ce processus n’est pas terminé ou que tous les recours efficaces disponibles n’ont été épuisés — Bien que l’art. 116 de la Loi permette expressément aux parties touchées de présenter une demande de recours à la Cour suprême du Yukon à l’encontre d’une mesure administrative prise par un BD, celle-ci peut uniquement être susceptible de contrôle judiciaire lorsque la décision du BD met fin à l’évaluation administrative d’un projet — La décision de renvoyer l’évaluation d’un projet au comité de direction pour examen préalable ne termine pas ou ne conclut pas l’évaluation administrative d’un projet dont l’Office est saisi; il s’agit tout simplement d’une décision de poursuivre l’évaluation d’un projet à un niveau supérieur dans le cadre du processus d’examen établi en vertu de la Loi — La décision d’un BD de renvoyer une évaluation au comité de direction, en vertu des dispositions de l’art. 56(1)d) n’est pas susceptible de contrôle judiciaire en l’absence de circonstances exceptionnelles ou d’un manquement aux exigences de l’équité procédurale — Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse était prématurée; l’intervention de la Cour n’était pas justifiée à ce moment-là, parce que le processus administratif concernant le projet de la demanderesse n’était toujours pas terminé — Il n’existait aucune circonstance exceptionnelle pour justifier l’intervention de la Cour — Demande rejetée.

Northern Cross (Yukon) Limited c. Canada (Procureur général) (T-418-16, 2017 CF 622, juge Boswell, jugement en date du 26 juin 2017, 34 p.)

 

 

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