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Canada ( Procureur général ) c. Henneberry

T-1301-93

juge Pinard

28-10-94

7 p.

Demande d'annulation de la décision rendue par une arbitre de griefs relativement à des griefs par lesquels les intimés prétendaient qu'ils avaient le droit d'être rémunérés pour des heures supplémentaires qu'ils avaient effectuées-Les intimés ont été rémunérés au taux double pour le travail effectué entre 20 h et minuit, au taux normal majoré de moitié, entre minuit et 2 h, au taux double, entre 2 h et 7 h 45, et au taux ordinaire entre 7 h 45 et 11 h-L'arbitre de griefs a statué que l'employeur avait eu raison de rémunérer les intimés au taux normal majoré de moitié pour le travail effectué entre minuit et deux heures du matin, parce que la convention collective stipulait que les deux premières heures supplémentaires effectuées au cours d'un jour de travail normal étaient rémunérées au taux normal majoré de moitié; elle a toutefois statué que, pour les heures effectuées entre 7 h 45 et 11 h, les intimés auraient dû être rémunérés au taux double, étant donné que les intimés avaient effectué plus de dix heures au cours d'une période ininterrompue de travail-Les intimés ont soutenu que l'art. 101 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique contient une clause privative qui met la décision de l'arbitre de griefs à l'abri de tout contrôle judiciaire, à condition que l'arbitre agisse dans le cadre de sa compétence-La demande est rejetée-L'art. 101 s'appliquait, bien qu'il ait été abrogé le 1er juin 1993, étant donné que les faits de l'affaire et la décision de la Commission remontent à l'époque oú la clause privative était encore en vigueur-La norme de contrôle à appliquer est celle du caractère manifestement déraisonnable-La C.S.C. a élaboré une gamme de normes allant de celle du caractère manifestement déraisonnable à celle du bien-fondé, de même qu'un principe de retenue judiciaire dans l'arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557, l'arrêt le plus récent sur la norme de contrôle applicable aux décisions des tribunaux administratifs-Pour ce qui est des décisions auxquelles s'applique le critère du caractère manifestement déraisonnable, qui appellent la plus grande retenue, ce sont les cas oú un tribunal protégé par une véritable clause privative rend une décision relevant de sa compétence et oú il n'existe aucun droit d'appel prévu par la loi-Quant aux décisions auxquelles s'applique le critère du bien fondé, oú l'on est tenu à une moins grande retenue, ce sont les cas oú les questions en litige portent sur l'interprétation d'une disposition limitant la compétence du tribunal (erreur dans l'exercice de la compétence) ou encore les cas oú la loi prévoit un droit d'appel qui permet au tribunal siégeant en révision de substituer sa propre opinion à celle du tribunal, et oú le tribunal ne possède pas une expertise plus grande que la cour de justice sur la question soulevée (par ex., dans le domaine des droits de la personne)-En l'espèce, la Loi contient une clause privative, l'arbitre de griefs rend une décision qui relève de sa compétence, étant donné qu'elle porte sur l'interprétation d'une convention collective, et il n'existe aucun droit d'appel prévu par la loi-Il s'agit d'une affaire de relations de travail, envers lesquelles les tribunaux ont constamment fait montre d'une grande retenue-Dans le jugement Jones c. Canada (Conseil du Trésor), [1994] 2 C.F. 393 (1re inst.), la Cour a fait remarquer qu'il convient de faire montre d'une grande retenue à l'égard des décisions de la CRTFP, en particulier à l'égard des décisions des arbitres de griefs qui interprètent une convention collective-Bien que l'arbitre de griefs ait commis une erreur en ne tenant pas compte de l'expression «travail supplémentaire» prévue dans la convention collective, on ne peut pas dire que sa décision est manifestement déraisonnable-Elle a conclu que les intimés avaient droit au taux double pour les heures effectuées entre 7 h 45 et 11 h, malgré le fait que ces heures faisaient partie de leur horaire de travail normal, étant donné que les intimés avaient effectué plus de dix heures au cours d'une période ininterrompue de travail (art. 15.09b))-Elle s'est attachée à l'emploi des mots «période ininterrompue de travail» pour déterminer que les intimés avaient droit au taux de rémunération établi par l'art. 15.09b) pour les heures effectuées entre 6 h et 11 h, concluant que, même si la période ininterrompue de travail de dix heures «chevauchait» leur horaire normal, les intimés avaient droit aux dispositions avantageuses de l'art. 15.09-Bien que l'arbitre de griefs ait fait une application erronée de l'art. 15.09 en ne tenant pas compte de la définition de l'expression «travail supplémentaire», la décision à laquelle, agissant dans les limites de sa compétence, elle en est arrivée, n'était pas clairement irrationnelle-Elle n'a pas perdu sa compétence (Canada (Procureur général) c. Alliance de la Fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941)-Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), c. P-35, art. 92, 101.

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