Fiches analytiques

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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Exclusion et renvoi

                                                                               Renvoi de résidents permanents

Le défendeur, atteint de schizophrénie paranoïde chronique, constitue un danger pour la sécurité publique—Il a été sous la garde de l’Immigration de 1999 à 2004—La Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (SAI) a ordonné sa mise en liberté sans conditions en août 2004—Le ministre demande le contrôle judiciaire de cette décision, soutenant que le tribunal a commis une erreur en omettant de fournir des motifs impérieux de s’écarter des décisions rendues lors des précédents examens des motifs de détention, et en concluant que la détention était devenue indéterminée—Le ministre prétend que la décision du tribunal de ne pas rattacher de condition à la mise en liberté était abusive—Né en Jamaïque, le défendeur est arrivé enfant au Canada mais n’a jamais acquis la citoyenneté canadienne— Les premiers symptômes de maladie mentale se sont manifestés à l’adolescence—Le défendeur a un lourd casier judiciaire—En avril 1999, à la suite du règlement de certaines accusations, il a été mis sous la garde de l’Immigration et une mesure d’expulsion a été prononcée contre lui—L’appel de cette mesure s’est retrouvé devant la C.S.C. mais l’autorisation d’interjeter appel a été refusée—La SAI a accordé une nouvelle audience et le défendeur a encore été débouté mais le juge Russell a ordonné la tenue d’une nouvelle audience, au terme de laquelle la SAI a réservé sa décision—Le défendeur a également demandé une dispense ministérielle fondée sur des raisons d’ordre humanitaire, et a aussi déposé une demande de redressement auprès du Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDHNU)—Il est présentement détenu au Centre de santé mentale de Penetanguishene—Son état mental s’était détérioré au point qu’on l’a jugé inapte à assister au dernier contrôle des motifs de détention—La présidente de l’audience a conclu que le défendeur resterait vraisemblablement un danger pour la sécurité publique mais a signalé que le pouvoir de maintenir la détention existe uniquement aux fins d’assurer le renvoi du Canada—La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés n’autorise pas la détention en vue d’imposer un traitement médical—Des dispositions ont été prises à l’été 2001 en vue du renvoi mais, trois ans plus tard, le défendeur était toujours au pays—Quant à savoir si le maintien de la détention était conforme aux principes de justice fondamentale garantis à l’art. 7 de la Charte, le tribunal s’est reporté à Sahin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] 1 C.F. 214 (1re inst.), examinant les motifs de la détention, la durée de cette détention, les retards imputables au défendeur, ainsi que les solutions de rechange à la détention—Même si le défendeur demeure un danger pour la sécurité publique, il y a violation de la Charte si la détention est de nature indéterminée—Bien que la détention dure depuis plus de cinq ans, la cause est loin d’être réglée—Le ministre s’est engagé à ne pas renvoyer le défendeur tant que le CDHNU ne se sera pas penché sur le dossier—En ordonnant la mise en liberté, le tribunal a refusé d’imposer des conditions, estimant que le défendeur ne s’y conformerait pas—En raison des préoccupa-tions liées à la sécurité du public, la détention du défendeur a été maintenu sous le régime de la Loi sur la santé mentale de l’Ontario—Argument préliminaire: la demande est théorique étant donné que le défendeur est présentement détenu en vertu d’une loi ontarienne et qu’il suit un traitement dans cet établissement à titre de malade en placement non volontaire, de sorte qu’il n’y a rien à gagner à renvoyer l’affaire au tribunal—L’affaire n’est pas théorique étant donné qu’il subsiste un litige entre les parties concernant le contrôle que peuvent exercer les autorités de l’Immigration sur le défendeur—En le mettant en liberté sans conditions, les autorités de l’Immigration ont perdu le contrôle sur le défendeur qui, s’il avait été en mesure de comprendre les répercussions de la décision du tribunal, aurait pu quitter Penetanguishene durant la période de 48 heures qu’il a fallu pour le détenir aux termes de la Loi sur la santé mentale— Aucune assurance n’existe que les autorités de l’Immigration seront avisées si la détention aux termes de la Loi prend fin—Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Thanabalasingham, [2004] 3 R.C.F. 572, la Cour d’appel fédérale a statué que bien que le tribunal ne soit pas lié par les décisions antérieures, le commissaire qui choisit d’aller à l’encontre de ces décisions doit fournir des motifs impérieux pour justifier sa décision, à savoir expliquer expressément ce qui l’a mené à ce nouvel avis—En l’espèce, les motifs ont été exposés soigneusement et en détail, conformément à la norme imposée par la C.A.F.—Aucune nouvelle preuve n’a été présentée et la situation du défendeur n’a pas changé, ce qui constitue le point essentiel de la décision—Malgré que cinq années se soient écoulées, il n’y avait pas de fin prévisible aux procédures judiciaires—Dans Sahin, le juge Rothstein a signalé que la détention aux fins d’immigration ne peut pas durer indéfiniment—Lorsqu’il reste un certain nombre d’étapes à accomplir avant le renvoi, et qu’on ne sait pas combien de temps il faudra pour mener à bien ces étapes, une détention de longue durée peut être considérée comme « indéterminée »—Selon le juge Rothstein, la détention pendant une longue période peut constituer une privation de liberté qui n’est pas conforme à l’art. 7 de la Charte—La période de détention examinée dans l’affaire Sahin était de seulement 14 mois—La question de savoir si la détention est devenue indéterminée est une question mixte de fait et de droit—Vu les faits inhabituels en l’espèce, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable—La conclusion du tribunal sur cette question tiendrait si on lui appliquait la norme plus exigeante de la décision raisonnable—La commissaire a mis en balance le danger pour la sécurité publique et les quelque cinq années et demie passées en détention, sans qu’il n’y ait de fin prévisible du litige—La conclusion que le moment de la mise en liberté était venu était une conclusion que la commissaire pouvait tirer raisonnablement—En revanche, les motifs pour n’atta-cher aucune condition à la mise en liberté sont brefs et même laconiques : « Compte tenu de son état mental, je ne lui impose aucune condition pour le moment »—Comme le juge Russell l’a souligné dans le cadre du contrôle de la décision de la Section d’appel de l’immigration en l’espèce, « les lois provinciales applicables auraient dû être utilisées depuis longtemps pour lui assurer [au défendeur] le traitement dont il a besoin pour sa maladie et le maintenir sous garde dans une institution appropriée jusqu’à ce qu’il cesse d’être un danger pour lui‑même et pour le public »—En décidant de ne pas rattacher de condition à la mise en liberté, la commissaire a suivi un raisonnement abusif—C’est précisément à cause de l’état de santé mentale du défendeur et du danger qu’il constitue pour la sécurité publique qu’il aurait fallu rattacher des conditions strictes—À tout le moins, la mise en liberté aurait dû être subordonnée à la preuve que le défendeur recevait des soins médicaux appropriés à titre de malade en placement non volontaire dans un établissement sûr—Cet élément de la décision du tribunal ne saurait être confirmé car il est manifestement déraisonnable—Demande accueillie en partie—Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27—Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 7—Loi sur la santé mentale, L.R.O. 1990, ch. M.7.

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Romans (IMM‑7277‑04, 2005 CF 435,  juge  Mactavish,  ordonnnance en date du 1‑4‑05, 26 p.)

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