Fiches analytiques

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SANTÉ ET BIEN-ÊTRE SOCIAL

Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le directeur par intérim du Programme de la lutte au tabagisme a conclu, au nom du ministre de la Santé, qu’en permettant aux clients de ses casinos d’échanger leurs points de récompense accumulés contre des produits du tabac, la demanderesse contrevenait à l’art. 29b) de la Loi sur le tabac—Santé Canada a ordonné à la demanderesse de cesser d’offrir à titre gratuit à ses clients des coupons échangeables contre des produits du tabac et de cesser de leur permettre de se procurer des produits du tabac avec des points accumulés au jeu—La demanderesse exploite deux casinos à Niagara Falls—Elle offre à sa clientèle un programme de fidélisation connu sous le nom de « Players Advantage Club », dont le tiers des clients sont membres—L’objectif visé par les casinos en offrant à leurs clients d’adhérer au Club est de recueillir des renseignements à leur sujet pour les besoins du marketing—Parmi les avantages offerts par ce programme, il y a lieu de mentionner la fourniture de produits et de services gratuits, le stationnement gratuit, des offres spéciales par publipostage direct, un programme de récompenses permettant de gagner des remises en argent en jouant avec les machines à sous, la possibilité d’accumuler des points en fonction des parties jouées et de les échanger contre des produits alimentaires, des marchandises vendues au détail et des chambres d’hôtel et des rabais sur des articles griffés—Le client accumule des points chaque fois qu’il joue avec une machine à sous ou au vidéo-poker—Il peut obtenir des produits du tabac en échange de points de récompense—Un fonctionnaire a informé la demanderesse que son programme violait l’art. 29b)—Le législateur a adopté la Loi sur le tabac en 1997 dans la foulée de l’arrêt RJR—MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1995] 3 R.C.S. 199, qui a invalidé la Loi réglementant les produits du tabac—La Loi sur le tabac a pour objet de protéger la santé des Canadiens, de préserver les jeunes des incitations à la consommation du tabac et de limiter l’accès au tabac—Suivant l’art. 4, la Loi a pour objet de s’attaquer, sur le plan législatif, à un problème de santé publique grave et d’envergure nationale, en l’occurrence le tabagisme, compte tenu des preuves établissant, de façon indiscutable, un lien entre l’usage du tabac et de nombreuses maladies débilitantes ou mortelles, et de mieux sensibiliser la population aux dangers que l’usage du tabac présente pour la santé—Les dispositions relatives à la « promotion » (que l’on trouve à la partie IV) constituent un élément clé de la Loi—L’art. 29 interdit au fabricant et au détaillant « d’offrir ou de donner, directement ou indirectement, une contrepartie pour l’achat d’un produit du tabac, notamment un cadeau à l’acheteur ou à un tiers, une prime, un rabais ou le droit de participer à un tirage, à une loterie ou à un concours ou de fournir un produit du tabac à titre gratuit ou en contrepartie de l’achat d’un produit ou d’un service ou de la prestation d’un service »—La lettre de Santé Canada constituait une lettre d’un office fédéral qui peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire—Interprétation de l’art. 29 de la Loi sur le tabac—Selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle appropriée est celle de la décision correcte—Lorsqu’on examine l’art. 29b) de la Loi, on ne doit pas perdre de vue l’objectif général de la Loi, en l’occurrence protéger la santé des Canadiens en général et des jeunes en particulier—L’art. 18 de la Loi définit la « promotion » comme la présentation d’un produit susceptible d’influencer et de créer des attitudes, croyances ou comportement au sujet de ce produit et, pour interpréter l’art. 29b), il ne faut pas s’en tenir seulement au libellé littéral mais se demander aussi si les activités en cause ont pour effet de faire la promotion de produits du tabac—La preuve révèle que le programme de récompenses ne fait d’aucune manière la promotion de la vente ou de l’utilisation des produits du tabac et qu’il ne contient pas d’énoncés qui, de manière directe ou indirecte, pourraient influencer et créer des attitudes, croyances ou comportements au sujet des produits du tabac—La possibilité d’obtenir des produits du tabac en récompense n’est annoncée d’aucune façon—Il en serait autrement si les casinos remettaient des coupons ou des bons d’échange permettant d’obtenir gratuitement des produits du tabac—Le programme de récompenses n’a pas été créé pour mousser la vente de produits du tabac et aucune association n’a été faite entre le jeu et l’utilisation des produits du tabac—L’échange de points pour des produits du tabac n’équivaut pas à de la « promotion » au sens de la partie IV de la Loi—La promotion de l’usage du tabac n’est ni l’objectif principal du programme de récompenses ni son objectif accessoire—Mais les produits du tabac ne sont pas fournis « à titre gratuit »—Divergence entre la version anglaise et la version française : la version anglaise parle de « monetary consideration », alors que la version française emploie les mots « à titre gratuit », une expression plus large qui suppose l’absence de toute contrepartie (pécuniaire ou autre)—La Cour doit tenter de concilier les versions d’une disposition législative bilingue qui semblent contradictoires et rechercher le sens qui leur est commun—Lorsque l’une d’entre elles a un sens plus large, le sens commun aux deux versions est celui dont le texte a le sens le plus restreint—La contrepartie doit être de nature pécuniaire—Analyse confirmée par l’art. 31 de la Loi : « Il est interdit, à titre gratuit ou onéreux »—Cette disposition démontre que, lorsque le législateur a décidé, dans la version anglaise de l’art. 29b), de qualifier le mot « consideration » en lui apposant l’épithète « monetary », il a fait appel à une notion plus restrictive que lorsqu’il a employé le mot « consideration » seul comme il l’a fait, par exemple, à l’art. 31 —Le terme « gratuit » en français est ambigu et peut tout autant se rapporter à l’absence de contrepartie pécuniaire et, de façon plus générale, à l’absence de tout type de contrepartie—Quoi qu’il en soit, ce point n’est pas déterminant pour décider si l’acquisition de produits du tabac en échange de points accumulés contrevient à l’art. 29b) de la Loi—Bien qu’une telle opération ne soit certainement pas « à titre gratuit », on peut aussi affirmer qu’elle n’est pas non plus « without   monetary   consideration »,   car   les   points   de récompense qui sont soustraits du compte du membre s’apparentent à de l’argent comptant et ont une véritable valeur pécuniaire qui a un rapport direct avec la valeur des produits du tabac—Les casinos n’attribuent pas à titre gratuit des points de récompense aux clients car ceux-ci doivent accepter de fournir des renseignements relatifs à leurs habitudes et à leurs préférences de jeu pour les besoins du marketing—La décision du ministre est invalide et la demanderesse n’avait pas à y donner suite—Loi sur le tabac, L.C. 1997, ch. 13, art. 2b), 4, 18, 29b), 31—Loi réglementant les produits du tabac, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 14.

Falls Management Company c. Canada (Ministre de la Santé) (T-1572-04, 2005 CF 924, juge de Montigny, ordonnance en date du 30-6-05, 18 p.)

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