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MARQUES DE COMMERCE

                                                                                           Contrefaçon

Depuis 1987, A&W vend un sandwich au poulet grillé appelé « Chicken Grill »—La marque de commerce pour ce produit a été enregistrée en 1988—Depuis 2001, la société McDonald vend un sandwich au poulet grillé appelé « Chicken McGrill »—A&W allègue que la défenderesse a contrefait sa marque de commerce en utilisant une marque semblable qui crée de la confusion et qui a entraîné la diminution de la valeur de son achalandage—La défenderesse prétend  que  la marque d’A&W est invalide parce qu’elle n’est pas distinctive—Le « Chicken Grill » de A&W se vend 3,89 $, et rapporte de 8 à 10 millions de dollars par année—Le produit de McDonald se vend 3,49 $ et rapporte environ 30 millions de dollars par année—Selon l’opinion prédominante en jurisprudence canadienne, l’art. 19 de la Loi sur les marques de commerce interdit uniquement l’emploi d’une marque identique: Mr. Submarine Ltd. c. Amandista Investments Ltd., [1988] 3 C.F. 91 (C.A.)—Rien dans le droit anglais n’étaye non plus clairement l’argument voulant que l’emploi d’une marque qui englobe la marque d’une autre personne constitue une contrefaçon—Dans quelques décisions anglaises, les tribunaux ont conclu que le terme « identique » pouvait englober des situations où le défendeur emploie un mot qui est la marque déposée d’une autre entreprise en combinaison avec d’autres mots—Dans une affaire, la Cour d’appel d’Angleterre a mis en doute l’argument présenté en l’espèce par A&W, soulignant que la question serait bientôt tranchée par la Cour européenne de justice—Cette Cour a conclu qu’il n’y avait contrefaçon que si les deux éléments comparés soient en tous points les mêmes—La preuve ne permet pas d’établir que le préfixe « Mc » est si insignifiant qu’il risque de passer inaperçu aux yeux du consommateur moyen—La principale question est de savoir si l’emploi par la défenderesse de la marque « Chicken McGrill » crée de la confusion avec la marque d’A&W, contrairement à l’art. 20(1) de la Loi—A&W plaide qu’il s’agit d’un cas de « confusion inverse » en ce que les clients sont amenés à croire que les marchandises du demandeur proviennent du défendeur— Aucune jurisprudence au Canada ne traite de la confusion indirecte, mais l’art. 6 de la Loi reconnaîtrait implicitement la confusion indirecte— Cette notion est acceptée aux États‑Unis où, selon l’auteur américain J. T. McCarthy, la règle de la confusion indirecte est fondée entièrement sur les faits, l’exemple typique étant celui d’un utilisateur nouveau qui dispose d’un pouvoir économique beaucoup plus grand et qui inonde le marché de publicité concernant une marque quasi semblable qui crée de la confusion et qui finit par l’emporter sur le pouvoir et la valeur de la marque de l’utilisateur plus ancien—Toutefois, le jugement américain faisant autorité, A&H Sportswear Co., Inc. v. Victoria’s Secret Stores, Inc., 167 F. Supp. 2d 770 (E.D. Pa. 2001), n’insiste pas sur la preuve du scénario présenté par McCarthy—La Cour explique que, comme pour la confusion directe typique, la probabilité de confusion demeure la clé—La Cour examine 10 facteurs à prendre en compte chaque fois que la confusion est invoquée, chacun d’eux devant être évalué car aucun n’est en soi concluant—La Loi canadienne est assez large pour viser à la fois la confusion directe et la confusion indirecte, les deux étant susceptibles de poursuites en vertu de la Loi et les mêmes critères s’appliquant—Il n’est pas nécessaire de s’appuyer sur les lois, la doctrine, la jurisprudence ou les critères américains—La preuve de confusion réelle des clients de A&W est très faible—La preuve par sondage indique que McDonald est plus susceptible que tout autre restaurant d’être perçu à tort comme étant la source du « Chicken Grill » mais l’expert de la défenderesse conteste ce raisonnement—La preuve par sondage ne révèle pas l’existence d’une confusion —La preuve indique que la grande majorité des répondants ne font aucun lien entre le nom « Chicken Grill » et un restaurant—La preuve statistique n’établit aucunement la confusion—La preuve linguistique contradictoire porte à croire que le préfixe « Mc » a un sens et qu’il diminue sensiblement la possibilité de confusion concernant la source du produit—La marque d’A&W « Chicken Grill » n’est pas bien connue et n’est pas associée à la demanderesse alors que « Chicken McGrill » est fortement associé à McDonald—Les marchandises sont quasi identiques, sont vendus dans un environnement qui donne peu d’occasions à l’acheteur de réfléchir à son choix—Il faut faire beaucoup de publicité pour créer la notoriété et la demande-resse n’a fait aucune publicité vigoureuse de son produit depuis 1997—La défenderesse a consacré 1,2 million de dollars en publicité en 2002 pour le « Chicken McGrill »—S’agissant de la nature du commerce, il est peu probable que la personne qui achète un « Chicken Grill » pense que le produit provient de chez McDonald même si le nom ressemble quelque peu à celui de McDonald—La nature concurrentielle de l’industrie milite contre toute confusion potentielle, directe ou indirecte—Le préfixe « Mc » minimise la possibilité de confusion directe—Quant à la confusion indirecte, rien dans les termes « chicken » et « grill » ne désigne en soi la défenderesse—La prétention de la demanderesse quant à l’existence d’une confusion indirecte n’est pas établie— S’agissant de la diminution de la valeur de l’achalandage, la preuve n’établit guère que les consomma-teurs voient un rapport entre les deux marques ni qu’il y a eu atteinte à la réputation de la demanderesse—Les circonstances en l’espèce ne donnent pas non plus ouverture à une demande fondée sur la perte de contrôle d’une marque déposée—La demanderesse est libre d’utiliser sa marque comme elle le veut et la défenderesse n’utilise pas la marque de commerce d’A&W—Rien n’étaye la prétention concernant la perte d’achalandage—La demande reconventionnelle de McDonald, à savoir que la marque « Chicken Grill » est invalide parce que non distinctive est rejetée—Que « Chicken Grill » ne soit pas bien connue ni associée d’emblée à A&W n’est pas suffisant pour les besoins de l’art. 18(1)b) de la Loi—On n’a pas démontré que la marque de commerce d’A&W est si peu distinctive qu’elle ne distingue pas le sandwich d’A&W des produits offerts par d’autres restaurants—Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T‑13, art. 6, 18(1)(b), 20(1) (mod. par L.C. 1994, ch. 47, art. 196).

A&W Food Services of Canada Inc. c. McDonald’s Restaurants of Canada Ltd. (T‑2023‑01, 2005 CF 406, juge O’Reilly, jugement en date du 23‑3‑05, 47 p.)

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