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JUSTICE CRIMINELLE ET PÉNALE

                                                                                                  Preuve

Contrôle judiciaire de la décision rendue par le président indépendant du tribunal disciplinaire de l’établissement Kent, qui avait déclaré le demandeur coupable de possession dun objet interdit, à savoir un téléphone cellulaireLe demandeur est un détenu à sécurité maximale de l’établissement Kent Le directeur de l’établissement a autorisé une perquisition de sa celluleLe demandeur occupait sa cellule depuis environ un mois avant la perquisitionIl occupait sa cellule avec un autre détenuLe demandeur et son compagnon de cellule ont été emmenés au gymnase durant la perquisition effectuée dans leur celluleLes agents qui ont procédé à la perquisition y ont trouvé un téléphone cellulaire et un chargeur de téléphone cellulaireLe téléphone a été découvert dans la poubelle et le chargeur dans une armoire à pharmacieLe demandeur et son compagnon de cellule ont été accusés de possession dun objet interdit, infraction prévue par lart. 40i) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi)—À laudience disciplinaire, le demandeur a été déclaré coupable de possession dun objet interdit et sest vu imposer une amende de 20 $Il a nié quil savait que le téléphone et le chargeur se trouvaient dans la celluleIl y avait deux armoires à pharmacie dans la cellule : lune située au‑dessus des toilettes, la seconde derrière un téléviseurLa seconde était toujours tenue ferméeLarmoire située au‑dessus des toilettes était utilisée par les deux détenus, mais le demandeur a dit durant son témoignage quil navait jamais ouvert la deuxième armoireLe président a trouvé « extrêmement difficile » de croire quun détenu occupant une cellule durant un mois ne fouillerait pas larmoire à pharmacie fermée qui sy trouvaitLe demandeur a dit aussi quen général il ne ferme pas sa cellule à clé quand il ne sy trouve pasIl a déclaré quun autre détenu lui avait dit quil avait laissé le téléphone dans sa cellule avant le confinement aux cellulesCe détenu s’était, semble‑t‑il, trouvé dans la cellule du demandeur pour regarder la télévision de celui‑ci et pour téléphoner parce que la réception était meilleure dans la cellule du demandeurLe président a estimé que, sauf si le demandeur consentait à révéler le nom de lautre détenu, il ne pouvait accorder aucun poids au témoignage du demandeurLe demandeur a sollicité lajournement de laudience jusqu’à ce quil puisse parler au détenu anonymeLe président a refusé sa requête, faisant observer que le demandeur aurait pu discuter de cet aspect avec son codétenu avant laudience et quil aurait pu en discuter aussi au préalable avec son avocatToutefois, le président a admis que le demandeur ne fermait pas sa cellule à clé quand il ne sy trouvait pasSelon lui, si le demandeur avait décidé de laisser sa cellule ouverte, alors il lui incombait de la fouiller régulièrement pour sassurer quil ne sy trouvait pas dobjets interditsLe président a estimé que le fait de quitter une cellule sans la fermer à clé équivalait à faire preuve dune ignorance volontaire; selon lui, le demandeur aurait dû fouiller sa cellule quotidiennement pour voir sil sy trouvait des objets interditsLe président a aussi estimé que le demandeur n’était pas crédible quand il disait ne pas avoir connaissance de lexistence du téléphone et du chargeurLe président na pas manqué à l’équité procédurale ni na abusé de son pouvoir discrétionnaire lorsquil a refusé lajournement demandé—Il ressortait clairement de la jurisprudence quil appartient au juge de première instance de décider sil convient ou non daccorder un ajournementCe pouvoir discrétionnaire appelle une retenue élevée de la part des cours de justiceMême si lon admettait que le détenu navait pas eu loccasion de parler directement à son codétenu, il reste quil navait pas examiné la question avec son avocat, et cela laissait au président le pouvoir de refuser lajournement de laudienceLa décision du président de ne pas ajourner laudience saccordait aussi avec lart. 31(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, qui prévoit que le détenu doit avoir à laudience une occasion raisonnable dappeler des témoinsLe demandeur a eu une occasion raisonnable dinformer le tribunal disciplinaire quil souhaitait assigner comme témoin le détenu anonyme, mais il na tout simplement pas cherché à se prévaloir de cette occasion avant le jour de laudienceMais le président a commis une erreur en déclarant le demandeur coupableLe président a admis quil était possible quun autre détenu ait pu entrer dans la cellule du demandeur avec les objets interdits Il na pas non plus exclu la possibilité que le compagnon de cellule du demandeur fût le seul détenu ayant connaissance de lexistence du téléphone et du chargeur et qui en avait la possession puisque le compagnon de cellule du demandeur avait lui aussi été accusé de linfraction de possession dobjets interditsBien que le demandeur ait eu loccasion davoir la possession des objets, il n’était pas le seul qui ait pu en avoir la possessionLa jurisprudence donne à entendre que, lorsque la preuve de loccasion saccompagne dautres preuves incriminantes, alors une occasion qui nexclut pas toute autre possibilité peut suffire pour une déclaration de culpabilité—Le président a laissé entendre que lavocat du demandeur s’était limité à supposer que le compagnon de cellule du demandeur avait pu placer dans la cellule le téléphone et le chargeurToutefois, lavocat du demandeur faisait état de possibilités qui saccordaient avec la preuveIl était possible que le compagnon de cellule du demandeur ait eu la possession des objets; il était aussi possible quun autre détenu ait mis les objets dans la celluleLe demandeur n’était pas le seul à avoir pu être en possession des objets interdits Les autres possibilités évoquées par lui quant à la manière dont ces objets s’étaient trouvés dans sa cellule étaient plausibles et saccordaient avec la preuvePar conséquent, il ne semblait pas y avoir une autre preuve incriminante permettant de dire hors de tout doute raisonnable que le demandeur avait connaissance des objets et quil en avait la possessionLe président a aussi appliqué à tort la règle de lignorance volontaireIl sagit dune règle de portée limitée, que les tribunaux nappliquent que lorsque la connaissance du défendeur est quasi certaineLa circulation dobjets interdits était fréquente à l’établissement Kent, mais il ne sensuivait pas que le demandeur avait par là lobligation de fouiller sa cellule chaque jour pour voir sil sy trouvait de tels objetsLa décision du président était déraisonnableSi le président avait examiné globalement la preuve, il naurait pas pu conclure quelle attestait la culpabilité du demandeur hors de tout doute raisonnableLa conclusion du président ne pouvait être maintenue, après examen effectué selon la norme de la décision raisonnable ou la norme de la décision manifestement déraisonnableIl y avait au moins deux autres possibilités évidentes concernant la possession des objets interdits, possibilités qui nont pas été expressément exclues Demande accueillieLoi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 40 Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92‑620, art. 31.

Smith c. Canada (Procureur général) (T‑2264‑04, 2005 CF 1436, juge  Teitelbaum,  ordonnance  en  date du 21‑10‑05, 14 p.)

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