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PRATIQUE

                                                                   Décision préliminaire sur un point de droit

Il sagissait dune requête visant à faire trancher certaines questions de droit avant linstructionLa demanderesse sollicitait un jugement déclaratoire portant que le Canada a un devoir fiduciaire envers elle, à titre de femme membre dune Première nation, et quil y a eu manquement à ce devoir par suite du transfert de la gestion et de ladministration des engagements pris au titre du Programme de logement à but non lucratif pour les autochtones en milieu urbain (PLBNLAU) du Canada à la province du ManitobaLa demanderesse prétendait que le Canada a lobligation dadopter des mesures spéciales sous forme de programmes financés par le gouvernement fédéral afin daméliorer les conditions sociales des autochtones dans le domaine du logementSelon lexposé des faits sur lequel les parties se sont entendues, la Société canadienne dhypothèques et de logement (la SCHL) a élaboré et appliqué des programmes de logement social en vertu de lart. 95 de la Loi nationale sur lhabitation, afin doffrir des subventions visant à réduire le coût des logements locatifs pour les personnes à revenu faible ou moyenLa SCHL a signé des ententes dexploitation de projets avec les propriétaires et exploitants de projets dhabitation, lesquelles ententes énoncent les conditions de paiement de subventions en application des programmes visés à lart. 95Le PLBNLAU visé à lart. 95 a été conçu afin daider les personnes de descendance autochtone en ce qui a trait au logementEn 1986, le Canada a signé avec le gouvernement du Manitoba une entente globale par laquelle les parties ont convenu de partager les coûts des programmes visés à lart. 95La SCHL et la Société dhabitation et de rénovation du Manitoba (SHRM) ont conclu une entente ayant pour effet de confier à celle‑ci la gestion et ladministration des programmes visés à lart. 95La SCHL a commencé à signer des ententes dexploitation de projets avec lAiyawin Corporation à titre de groupe commanditaire admissible en vertu du PLNLAUALentente globale touchait seulement les projets qui étaient gérés et administrés par la SHRMPlus tard, la SCHL a conclu avec la SHRM une entente sur le logement social (ELS)Dans le cadre de lELS, la gestion et ladministration des programmes de logement social de la SCHL au Manitoba, dont le PLBNLAU, ont été transférées à la SHRMSelon lobjet énoncé dans cette entente, lELS avait pour but de rehausser lefficacité et la rentabilité des programmesEn raison de lELS, Aiyawin et la demanderesse, locataire dune unité de logement appartenant à celle‑ci et autochtone touchant un faible revenu, ont intenté une action contre le Canada Elles ont soutenu que le transfert de la gestion et de ladministration du PLBNLAU à la SHRM constituait un manquement à un devoir fiduciaire que le Canada avait envers elles et allait à lencontre de lart. 15 de la Charte canadienne des droits et libertésLe Canada a obtenu une ordonnance de la Cour fédérale portant que les deux questions de droit suivantes soient tranchées avant linstruction1) Le Canada avait‑il un devoir fiduciaire et, dans laffirmative, a‑t‑il commis un manquement à ce devoir en transférant la gestion et ladministration du PLBNLAU de la SCHL à la SHRM?; 2) La demanderesse avait‑elle la qualité voulue pour soutenir devant les tribunaux quelle est bénéficiaire du devoir fiduciaire?La Cour devait se limiter aux faits énoncés dans lexposé conjoint des faitsLexposé en question présentait une chronologie de l’évolution de la SCHL et du PLBNLAU ainsi que de différentes ententes fédérales‑provinciales et ententes conclues entre la SCHL et la SHRMIl comportait également un résumé chronologique des différentes étapes de la présente actionCompte tenu dun exposé aussi sommaire des faits, il était impossible de conclure à lexistence dun devoir fiduciaire que la Couronne aurait envers la demanderesse ou qui que ce soit dautreSi la preuve se limitait à ces faits à linstruction, la Cour ne pourrait que rejeter laction au motif que la demanderesse ne sest pas déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait La Cour avait besoin dune preuve factuelle plus étoffée avant de pouvoir décider sil y a lieu ou non d’élargir l’éventail des catégories dobligations fiduciaires—À la lumière des faits convenus quaucun contrat nexistait entre la demanderesse et le gouvernement fédéral, cette conclusion ne réfutait peut‑être pas entièrement la possibilité quune obligation fiduciaire ait été créée par suite dune ententeLexposé conjoint des faits ne renfermait aucun renseignement au sujet des ententes de financement conclues en application du PLBNLAU ou de la Loi nationale sur lhabitationSil peut être démontré que le gouvernement fédéral avait lintention de sengager à agir au profit des autochtones au moyen des accords quil a conclus avec des fournisseurs de services, il serait erroné de dire quil ne sagissait pas dune obligation fiduciaire pour la seule raison que laccord na pas été conclu directement avec chaque autochtone destiné à en bénéficierLa possibilité que le gouvernement du Canada soit devenu fiduciaire en vertu dun accord ne pouvait être exclueMême sil est vrai que les obligations fiduciaires nexistent qu’à l’égard de droits particuliers des Indiens et nont pas un caractère général, les tribunaux ont reconnu la possibilité de trouver dautres contextes dans lesquels le Canada aurait une obligation fiduciairePour que naisse une obligation fiduciaire, il faut quil existe un droit indien identifiable et, en second lieu, que le Canada exerce, à l’égard de ce droit, des pouvoirs discrétionnaires dune manière entraînant une responsabilité de la nature dune obligation de droit privé—Seuls des droits indiens découlant de différends de nature foncière ont été reconnus comme des droits donnant naissance à une obligation fiduciaire, mais il ne sensuivait pas pour autant que la Cour ne pourrait reconnaître aucun autre droit indien en lespèce Les faits ne permettaient pas de dire sil y avait lieu de conclure ou non à lexistence dun devoir de la nature dune obligation de droit privé—Il est bien reconnu en droit que, lorsquelle est saisie dun renvoi, la Cour suprême peut refuser de répondre à une question dans les cas où les parties nont pas fourni suffisamment de renseignements pour lui permettre de donner une réponse complète ou exacte La règle 220 des Règles des Cours fédérales prévoit une procédure en deux étapes au cours de laquelle la Cour détermine elle‑même la pertinence des questions à poser avant de sengager à y répondre Le libellé de cet article vise à éviter le genre de problème auquel on est confronté en lespèceCompte tenu des considérations politiques sous‑jacentes à cette règle et le fait que la première partie de la requête na pas été contestée, de sorte que la protonotaire na pas été appelée à sattarder sur la pertinence des questions, la Cour devrait refuser de répondre à une question sur la foi dune preuve insuffisante car cela peut être lourd de conséquences pour des personnes autres que les parties, le refus dy répondre ne causera dinconvénients quaux parties qui sont elles‑mêmes à lorigine de la situation actuelle Requête rejetéeLoi nationale sur lhabitation, L.R.C. (1985), ch. N‑11, art. 95 (mod. par L.R.C. (1985), ch. 20 (2e suppl.), art. 11; L.C. 1992, ch. 32, art. 46; 1999, ch. 27, art. 20)Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 220Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C., (1985), appendice II, no 44], art. 15.

Bruyere c. Canada (T‑423‑99, 2005 CF 1371, juge Hugessen, ordonnance en date du 12‑10‑05, 10 p.)

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