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DROIT ADMINISTRATIF

                                                                                     Contrôle judiciaire

                                                                                 Norme de contrôle judiciaire

Contrôle judiciaire d’un rapport de l’agent de l’intégrité de la fonction publique (AIFP) concernant des allégations au sujet d’actes fautifs commis à Santé Canada—Les quatre demandeurs étaient des médecins travaillant à la Direction des médicaments vétérinaires de Santé Canada—Le poste d’AIFP a été créé en vertu d’une politique du Conseil du Trésor (la politique) adoptée conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques—M. Keyserlingk a été nommé par décret au poste d’AIFP—La politique a pour objectif de protéger contre des représailles les employés de la fonction publique fédérale qui divulguent des actes fautifs—Le mandat de l’AIFP : agir à titre d’entité neutre dans les affaires de divulgation interne d’actes fautifs—Le Dr Lambert, l’un des demandeurs, a fait part de ses inquiétudes au sujet de l’approbation de présentations de drogue nouvelle (PDN) visant certains médicaments vétérinaires sans que soient fournies les données requises sur l’innocuité pour les humains —Le chef de la Division de l’innocuité pour les humains avait décidé plus tôt qu’il n’était pas nécessaire de procéder à un examen des médicaments—En raison des inquiétudes exprimées par le Dr Lambert, un contrôle de l’innocuité pour les humains a été effectué, après quoi la direction a confirmé la délivrance des avis de conformité—Les demandeurs se sont plaints à l’AIFP d’avoir subi des pressions de leurs supérieurs les obligeant à se « plier à la ligne de conduite de la direction en faveur du lobby pharmaceutique, sans quoi nous nous exposons à une ou plusieurs sanctions de la part du Ministère » —L’AIFP a décidé d’examiner l’approbation des médicaments et le processus décisionnel, car cet aspect de la divulgation interne ne comportait pas d’autres recours et était important pour l’intérêt public—Il a refusé d’examiner les autres questions pour lesquelles il existait un autre recours, comme la procédure de règlement des griefs—L’AIFP a conclu que les allégations des demandeurs n’étaient pas fondées, tout en relevant un cas de représailles contre le Dr Lambert—L’AIFP a conclu que de nombreux aspects du processus décisionnel de même que les informations nécessaires dans une PDN sont prévus par un cadre réglementaire et que, même si elles ne semblent pas prévoir le pouvoir discrétionnaire de permettre à un fabricant de s’abstenir de fournir les données sur l’innocuité pour les humains, les directives sur les présentations de drogue nouvelle n’ont pas la même force obligatoire que le Règlement—Les avis de conformité en cause ont été délivrés conformément à la Loi et au Règlement —Les plaignants n’ont donné aucun exemple précis de cas où des pressions ont été exercées sur eux pour qu’ils approuvent des médicaments malgré ce qu’ils en pensaient d’un point de vue scientifique—Les mesures disciplinaires ont été prises pour une conduite non directement liée au rôle joué par les demandeurs à titre d’évaluateurs de médicaments—Rien ne prouve que les mesures disciplinaires ont été prises parce qu’ils ont refusé d’agir en faveur du lobby pharmaceutique— Cependant, le Dr Lambert a subi des représailles pour avoir exprimé de bonne foi ses inquiétudes et il est expressément interdit de prendre de telles mesures—Questions en litige : 1) la norme de contrôle; 2) l’enquête de l’AIFP était‑elle conforme à son mandat?; 3) les exigences de l’équité procédurale ont‑elle été respectées?—Les demandeurs soutiennent que la norme de la décision correcte s’applique— Il n’y a aucune clause privative—L’AIFP examine un large éventail de questions juridiques sur une base ponctuelle—Cela milite en faveur de l’absence de déférence dans le cas d’un contrôle judiciaire—L’AIFP n’a aucune expertise sur les questions techniques, juridiques ou scientifiques qu’il peut être appelé à examiner—Vu l’importance des questions que l’AIFP est appelé à examiner et à protéger, il est indispensable qu’il exerce correctement sa compétence et, à cette fin, un examen rigoureux de ses activités est nécessaire—Vu l’étendue des tâches des employés de la fonction publique fédérale, il est inévitable que se posent des questions concernant des actes fautifs qui, s’ils ne sont pas décelés, pourraient avoir des répercussions négatives importantes sur la sécurité et le bien‑être des Canadiens—Les demandeurs soutiennent que l’AIFP n’a pas analysé comme il l’aurait dû la question de savoir si le pouvoir discrétionnaire du ministre a été correctement exercé en l’espèce—Les demandeurs allèguent qu’il s’agit d’un cas flagrant de mauvaise gestion et qu’il y a eu omission de tenir compte de préoccupations scientifiques objectives—Ils font valoir qu’en mars 1998, un fabricant a été informé, contrairement aux dispositions de la Loi, du Règlement et de la politique du Ministère, qu’il n’avait pas besoin de présenter de données sur l’innocuité pour les humains et des avis de conformité ont plus tard été délivrés—Les demandeurs affirment en outre avoir été victimes de harcèlement et avoir reçu des évaluations du rendement négatives, même pendant que l’enquête de l’AIFP était en cours, mais l’AIFP a refusé d’examiner si ces mesures étaient justifiées—Même s’ils ont soutenu qu’il existe au sein du Ministère une culture qui amène à exercer des pressions indirectes pour que des médicaments dont l’innocuité est douteuse soient approuvés, l’AIFP n’a pas fait enquête sur les pratiques systémiques comme cela se fait dans les causes relatives aux droits de la personne—Les demandeurs soutiennent que les employés auxquels on ne permet pas de connaître les observations que formule l’employeur ou d’y répondre sont privés de leur droit à l’équité procédurale—Le défendeur a soutenu que lorsqu’il a créé l’AIFP, le législateur voulait qu’il constitue un centre d’expertise, de sorte que le degré de déférence applicable est élevé—L’objectif de la politique n’est pas de déterminer des droits ou d’offrir un mécanisme d’arbitrage entre des parties en litige—La nature hautement discrétionnaire et factuelle du travail de l’AIFP milite en faveur de la déférence—Le rôle de l’AIFP ne consiste pas à mener une enquête tous azimuts sur tout ce qui a pu se produire au Ministère pendant un nombre indéterminé d’années et pourrait être assimilable à des pressions exercées sur quelqu’un—Un degré moindre d’équité procédurale s’impose étant donné que l’AIFP ne se prononce pas sur des droits dans le cadre d’une procédure contradictoire—Obliger l’AIFP à remettre aux employés des copies de tous les documents qu’il a examinés au cours de son enquête reviendrait à créer un degré de formalisme procédural qui ne cadre pas avec l’objectif de la politique—Appliquant l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la Cour a décidé que la norme de contrôle appropriée en l’espèce est celle de la décision raisonnable simpliciter (sauf en ce qui concerne l’équité procédurale)—Bien qu’aucune déférence ne soit requise à l’égard de l’interprétation donnée à la Loi et au Règlement par l’AIFP, un degré de déférence plus élevé s’impose relativement à l’examen préalable discrétionnaire des plaintes et à l’enquête fortement axée sur les faits; de plus, les questions mixtes de fait et de droit commandent un certain degré de déférence—Pour ce qui est de l’objectif de la politique, bien que le processus soit axé sur les faits, il peut aussi comporter des questions qui ont un intérêt plus important pour le public et c’est pourquoi un certain degré de déférence est requis à l’endroit de l’AIFP—Le problème étant à la fois d’ordre public et d’ordre privé, un certain degré de déférence s’impose à l’endroit de l’AIFP—La norme de la décision correcte s’applique toujours à la question de l’équité procédurale—L’AIFP doit faire une enquête complète sur les questions soulevées par les demandeurs—Lors d’une réunion, les demandeurs ont indiqué à l’AIFP que le cas du « Component withTylan » n’était qu’un exemple récent parmi d’autres de problèmes liés au processus d’approbation des médicaments, et ils ont mentionné deux autres médicaments— Lors d’une série de rencontres, les demandeurs ont fourni à l’AIFP des détails sur les médicaments « Revalor H », « Synergistin Injectable Suspension », « Baytril », « rBST », « Carbodex », « Baycox », « Component with Tylan » et « Eugenol »—Le Dr Chopra a souscrit un affidavit dans lequel il a déclaré que, lors d’une rencontre avec M. Keyserlingk, il a été convenu que l’enquête porterait d’abord sur les dossiers concernant le « Component with Tylan » et le « Baytril », mais qu’elle s’étendrait ensuite à d’autres dossiers—Après avoir examiné les courriels échangés entre les demandeurs et l’AIFP, la Cour était convaincue que le rapport ne devait pas porter uniquement sur les cinq PDN relatives à des produits contenant du « Component with Tylan »—Il ressort toutefois du rapport que l’analyse de l’AIFP n’a porté que sur les produits comportant du « Component with Tylan »—Une fois qu’il a décidé qu’une question relève de sa compétence, l’AIFP doit faire enquête sur celle‑ci—La question des autres médicaments mentionnés dans la correspondance a été soumise à l’AIFP et devait être tranchée—S’il l’avait fait, cela aurait pu avoir une incidence sur l’allégation selon laquelle des pressions avaient été exercées pour faire approuver des médicaments vétérinaires d’une innocuité douteuse—L’AIFP a commis une erreur de droit en ne menant pas l’enquête conformément à son mandat—Demande accueillie—Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. (1985), ch. F‑11.

Chopra c. Canada (Procureur général) (T‑624‑03, 2005 CF 595, juge O’Keefe, ordonnance en date du 29‑4‑05, 32 p.)

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