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PÉNITENCIERS

Action en dommages‑intérêts découlant du fait que certaines actions ou omissions du Service correctionnel du Canada (le SCC), pendant que le demandeur était sous sa garde à l’établissement correctionnel Fenbrook à Gravenhurst, en Ontario, lui auraient causé préjudiceLe demandeur a prétendu être si allergique à la fumée du tabac quy être exposé lincommodait de façon immédiate et importante, sous forme notamment de mal de tête, de nausée et dirritation de la gorgeLes questions sont de savoir si le SCC a manqué à une obligation envers le demandeur en regard de lexposition à la fumée secondaire à Fenbrook et sil serait raisonnable de réclamer des dommages‑intérêtsLa question est aussi de savoir si le SCC a violé le droit garanti au demandeur par lart. 12 de la Charte canadienne des droits et libertésLe demandeur purge actuellement une peine demprisonnement à perpétuité après avoir été reconnu coupable de meurtre au deuxième degré—Laction navait trait quaux périodes dincarcération à Fenbrook, un établissement à sécurité moyenne, composé de quatre immeubles distincts, chacun ayant des locaux distincts quon appelle des « rangées »—Il ny avait pas dimmeuble sans fumée, mais dans chaque immeuble des rangées étaient désignées sans fuméeChaque immeuble disposait de systèmes de ventilation et de reprise dair permettant de faire circuler lair et de remplacer lair intérieur par de lair neuf, mais ces systèmes ne permettaient pas toujours d’éliminer la présence de fumée secondaire Pendant toute la période pertinente, la politique de Fenbrook relative à lusage du tabac autorisait à fumer dans les cellules individuelles dans les rangées où il était permis de fumer, ainsi qu’à lextérieur de limmeuble—À divers endroits, des non‑fumeurs étaient exposés à la fumée secondaireMême si des mesures appropriées étaient prises à lencontre des détenus pris en flagrant délit dinfraction à la politique, il fallait que les gardes soient témoins dune violation ou quelle soit portée à leur attention pour que la politique soit appliquéeLe demandeur devait se plaindre constamment de lexposition à la fumée secondaire et signaler aux autorités quels étaient les contrevenantsCela a inspiré de lanimosité à l’égard du demandeurAucun autre élément de preuve na été présenté quant aux moyens auxquels les autorités pouvaient avoir recouru pour faire appliquer la politique sur lusage du tabac à FenbrookLe problème de la fumée secondaire avait également été porté à lattention du SCC par lavocat du demandeur, lequel avait transmis une lettre pour le compte de ce dernier au directeur du pénitencier de FenbrookDans sa réponse, le chef de lunité Falcon de Fenbrook a déclaré que la rangée dans laquelle se trouvait le demandeur serait convertie en rangée pour non‑fumeurs, de même que la rangée adjacente afin de régler les problèmes découlant de la ventilation transversaleOn na jamais mis en œuvre les mesures quon décrivait dans la noteTrois jours après la réception de la note par le demandeur, on a déplacé ce dernier vers un autre immeuble pendant la nuit pour sa sécurité personnelleLe transfert na pas réglé les problèmes liés à lexposition à la fumée secondaireIl y avait une preuve suffisante (p. ex. des affidavits des médecins du demandeur) démontrant que le demandeur avait une forte réaction physiologique lorsquil était exposé à la fumée secondaire De plus, la note reconnaissait explicitement les besoins et problèmes médicaux du demandeur liés à la fumée du tabacMême sil n’était pas allergique à la fumée du tabac, le demandeur avait le droit de ne pas être exposé à la fumée secondaire, à tout le moins dans les sections non‑fumeurs de la prison, et de ne pas se trouver en situation davoir à se plaindre des autres détenus—Étant donné son obligation de diligence envers le demandeur découlant de la législation pertinente ainsi que de la common law, Fenbrook devait lui procurer un milieu de vie sain en prison qui ne lui causait pas dinconfort physique ni ne le perturbaitLe SCC a manqué à son obligation en ne prenant pas les mesures raisonnables qui assurent lapplication de la politique sur lusage du tabac ou permettent au demandeur de ne pas être exposé à la fumée secondaireIl n’était pas raisonnable de sattendre à ce quun détenu signale les actions dautres détenus, non plus que de déplacer le demandeur dune unité à lautre et dune rangée à lautreIl était aussi malencontreux que les systèmes de circulation dair aient dégagé de la fumée dans les zones des non‑fumeursLe SCC aurait pu prendre des mesures peu coûteuses et raisonnables pour appliquer la politique, comme par exemple mieux surveiller les zones non désignées ou installer des détecteurs de fuméeRien dans la preuve nindiquait quon avait étudié ces solutionsToutefois, le SCC avait annoncé qu’à compter du 31 janvier 2006, il serait interdit de fumer dans tous les centres correctionnels et les établissements fédérauxIl ne serait permis de fumer que dans des espaces extérieurs désignésLa nouvelle politique avait pour objectif d’éliminer lexposition à la fumée secondaire dans tous les pénitenciers fédérauxLexposition du demandeur à la fumée secondaire ne constituait pas un traitement ou une peine cruels et inusités au point d’être incompatible avec la dignité humaine et ne contrevenait donc pas à lart. 12 de la CharteLes établissements correctionnels sont et continueront d’être aux prises avec la question de lusage du tabac, un usage de plus en plus assorti de restrictionsLe SCC avait reconnu lexistence de ce problème et avait établi une politique relative à lusage du tabac, mais cette politique na pas réussi à favoriser un milieu de vie sainMême si lapplication de cette politique a nécessité en partie la dénonciation dun détenu par un autre, la situation n’équivalait pas à un traitement cruel et inusité imposé de façon délibérée et malveillanteLes lacunes de la part du SCC dans l’établissement et lapplication dune politique conforme aux obligations que la législation lui impose n’équivalaient pas à un traitement ou une peine cruels et inusités enfreignant lart. 12 de la CharteConcernant les dommages‑intérêts, on na présenté aucune preuve démontrant que le demandeur avait souffert ou souffrait dun problème de santé chronique ou potentiellement mortel en raison de lexposition à la fumée du tabacLe demandeur avait des facteurs de risque ou des affections préexistants de nature pulmonaire ou respiratoireIl y avait des pertes et des dommages hypothétiques qui nentraient pas en compte dans loctroi de dommages‑intérêtsDes dommages‑intérêts nont été octroyés que pour la réaction physiologique et linconfort immédiats qua occasionnés au demandeur lexposition à la fumée secondaireLa Cour ne pouvait conjecturer ni évaluer le montant de dommages‑intérêts correspondant à une perte financière éventuelleLes dommages‑intérêts généraux pour linconfort et le stress ont été évalués à 5 000 $Action accueillieLoi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 12.

Maljkovich c. Canada (T‑954‑02, 2005 CF 1398, protonotaire Milczynski, jugement en date du 13‑10‑05, 10 p.)

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