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BREVETS

                                                                                           Contrefaçon

Abbott Laboratories sollicitait une ordonnance interdisant au ministre d’émettre un avis de conformité (AC) à ratiopharm pour la production de la clarithromycine en cachets de 250 ou 500 mg parce qu’une telle production porterait atteinte au brevet 732—1) Interprétation des revendications nos 15 et 20 du brevet 732—Il s’agit d’un brevet de procédé et la divulgation a révélé un effet thérapeutique connu en tant que traitement antibactérien pour les infections de l’appareil respiratoire supérieur—Un tribunal doit considérer la divulgation pour comprendre le brevet, mais la divulgation ne doit pas servir à élargir ou à restreindre la portée de la revendication : Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, au paragraphe 52—2) Ratiopharm a allégué que le brevet était invalide parce qu’il n’avait pas d’utilité— Elle a allégué que la revendication no 15 était une « revendication Markush » et s’appliquait donc à tous les éléments d’un genre, et qu’on ne pouvait pas revendiquer l’utilité pour un élément seulement—Une revendication Markush a été définie ainsi dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets, ch. 11 : « Dans les cas relevant de la chimie, on accepte une revendication visant un genre qui représente un groupe de certains matériaux précis (ex parte Markush 1925, 340 U.S.O.G. 839), pourvu qu’il soit clair de la nature connue des matériaux de remplacement ou de la technique antérieure que les matériaux du groupe possèdent au moins une propriété commune, principalement responsable de leur fonctionnement dans la relation revendiquée »—Le Recueil, ch. 11 explique en outre que par « revendication Markush, on entend une revendication qui couvre certains éléments d’un genre au lieu de tous ses éléments, de sorte qu’il est possible d’exclure les éléments inopérants du groupe. On considère que les groupements Markush visent une seule invention lorsque tous ses éléments possèdent en commun une structure de base et/ou une propriété ou une activité. Dans le cas où il existe une propriété ou une activité commune, tous les éléments du groupe devraient agir de la même façon dans le contexte de l’invention revendiquée »—Le mot « Markush » vient des États‑Unis et la définition suivante tirée d’un ouvrage américain a été reprise dans l’affaire Abbott Labs. c. Baxter Pharm. Prods., 334 F. 3d 1274 (Fed. Cir. 2003), à la p. 1280: « [traduction] Un groupe Markush est un genre d’expression générique improvisée qui consiste en un groupe de deux ou plusieurs matières différentes (éléments, radicaux, composés, etc.), éléments mécaniques différents ou procédés différents, dont chacun fonctionnerait dans la combinaison revendiquée »—L’objet des revendications Markush était semble‑t‑il de réduire le nombre de revendications et les coûts, étant donné que, en droit américain, il y avait une limite au nombre de revendications qui pouvaient être faites dans un brevet, et il y avait une taxe pour chaque revendication—La notion de revendication Markush a été adoptée dans la pratique canadienne—Étant donné les consignes du commissaire, la définition susmentionnée et le fait que la revendication no 15 utilise les mots exacts « choisi dans le groupe comprenant », ainsi que l’emploi du mot « et » au lieu de « ou » avant l’indication du dernier solvant, il ne pouvait faire de doute que la revendication no 15 est une revendication Markush—L’attribut principal d’une revendication Markush est qu’elle définit un genre improvisé, dont tous les éléments sont interchangeables—Lorsqu’on dit que le solvant est choisi dans le groupe comprenant « l’acétone [. . .], et le méthanol-éthanol », on est forcé de conclure que l’on peut utiliser n’importe lequel de ces solvants pour obtenir le résultat souhaité—C’est une revendication sur ce groupe de solvants, et non pas une revendication sur chacun des solvants pris comme variante—La Cour n’a pas accepté que ces solvants énumérés étaient des variantes et que l’art. 27(5) de la Loi sur les brevets était applicable—Le rédacteur affirmait manifestement que l’utilisation de tous les solvants indiqués produirait le résultat souhaité—Examen d’avis contradictoires des experts à l’égard de la revendication no 15—Ratiopharm a prouvé, selon la prépondérance de la preuve, que la revendication no 15 n’a aucune utilité quant à trois des 17 solvants revendiqués—Abbott n’a pas réfuté l’allégation selon laquelle la revendication no 15 était invalide pour défaut d’utilité—3) Ratiopharm a allégué l’invalidité du brevet parce qu’il est antériorisé par l’utilisation antérieure et par la vente antérieure du Biaxin—Abbott vend le Biaxin depuis 1989—Dans Hoffman-La Roche v. Commissioner of Patents, 1955 R.C.S. 414, à la p. 415, le juge en chef Kerwin a déclaré ce qui suit : [traduction] « Lorsqu’un produit ne présente rien de nouveau, le demandeur n’est pas fondé à obtenir un brevet pour ce produit, même sur le fondement d’une revendication pour un produit tributaire d’un procédé »—Cet arrêt a été rendu en vertu de l’ancienne Loi sur les brevets et doit être « transposé » pour appliquer les art. 28.2(1)a) et b) de l’actuelle Loi sur les brevets—On doit appliquer l’art. 28(5) tel qu’il a été interprété dans l’arrêt Baker Petrolite Corp. c. Canwell Enviro-Industries Ltd., [2003] 1 C.F. 49 (C.A.)—Il doit exister une preuve de telle ou telle analyse « susceptible de rendre cette composition ou cette structure interne accessible au public »—Ratiopharm n’a pas expliqué dans son avis d’allégation en quoi la vente antérieure du Biaxin permettrait à une personne du métier d’obtenir d’une certaine façon la connaissance selon des techniques analytiques connues existantes à l’époque de telle manière que l’objet du brevet 732 deviendrait accessible au public au Canada— L’argument concernant le Biaxin n’est énoncé en détail que dans l’exposé des faits et du droit—Le critère du caractère suffisant des avis d’allégation a été exposé dans l’arrêt AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [2000] A.C.F. no 855—L’avis d’allégation était lacunaire et ne répondait pas aux normes indiquées dans l’arrêt AB Hassle, à l’égard de la vente antérieure du Biaxin de sorte qu’Abbott n’avait pas à réfuter l’allégation—4) Ratiopharm a allégué que l’invention exposée dans le brevet 732 a été mentionnée dans un article écrit par I. I. Salem publié par Academic Press Inc., à San Diego, en 1996—La demande du brevet 732 a été déposée au Canada le 28 juillet 1997, mais avait une date de priorité, et la date de revendication était donc le 29 juillet 1996— Ratiopharm devait établir que l’article de Salem était accessible au public avant la date de revendication du 29 juillet 1996—Il y avait une preuve établissant que l’Université du Missouri n’a pas placé le volume dans sa bibliothèque avant le 19 août 1996 et étant donné qu’elle avait une commande permanente, elle aurait dû recevoir l’exemplaire aussi rapidement que toute autre bibliothèque— Dans Lux Traffic Controls Ltd. v. Pike Signals Ltd. and Faronwise Ltd., [1993] R.P.C. 107 (H.L.), on a statué que si l’ouvrage se trouve sur une étagère d’une bibliothèque ouverte au public, même si cet ouvrage se trouve dans un coin sombre et poussiéreux, il n’est pas nécessaire de prouver qu’une personne a effectivement lu l’ouvrage—Ratiopharm n’a pas répondu à la norme exposée dans les précédents mentionnés en rapport avec l’article de Salem—5) Ratiopharm a prétendu également que le brevet 732 a été précédé par l’article d’Iwasaki publié le 15 juin 1993, qui était clairement antérieur à la revendication du brevet 732, mais qu’il décrit la structure moléculaire d’un solvant et rien dans le brevet 732 n’indique qu’il s’agit d’un solvant—La preuve d’expert selon laquelle il est habituel pour les chimistes de mentionner dans la formule et dans le texte s’ils ont affaire à des solvants a été préférée à celle de l’expert de ratiopharm—Le brevet 732 ne comprend pas les solvants et par conséquent il ne saurait avoir été précédé par l’article d’Iwasaki—6) Quant à l’absence de contrefaçon, ratiopharm a omis une étape dans le processus pour des raisons de confidentialité—Après le prononcé de l’ordonnance de confidentialité, ratiopharm aurait dû avertir Abbott qu’une des étapes employées dans son procédé de fabrication n’avait pas été utilisée—Par conséquent, aucune preuve d’expert n’a été produite sur ce point par l’une ou l’autre des parties—La question était d’une importance cruciale pour l’allégation, elle pouvait disposer de la présente affaire et ratiopharm ne s’est pas conformée à l’art. 5(3)a) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) ni à la norme exposée dans l’arrêt AB Hassle—Abbott n’avait pas l’obligation de réfuter cette partie des allégations —L’absence de contrefaçon a également été alléguée vu que la dernière étape du procédé de fabrication de ratiopharm ne produit pas la clarithromycine Formule II à partir du solvant A, mais à partir du solvant X, qui n’est pas l’une des substances revendiquées dans le brevet 732—Abbott affirmait qu’il avait été porté atteinte au brevet 732 étant donné que les étapes supposent une dissolution dans le solvant A—La preuve des experts était contradictoire et n’a pas été conciliée—Les experts d’Abbott ont produit une preuve de la possibilité de contrefaçon insuffisante étant donné que la demanderesse avait la charge de réfuter les allégations d’absence de contrefaçon—7) La dernière question était celle de savoir si le Règlement portant sur les avis de conformité s’appliquait aux produits intermédiaires— Il est bien établi que les produits intermédiaires qui n’ont pas de valeur thérapeutique ne sont pas concernés par le Règlement, mais le produit intermédiaire qui résulte de la phase 4 est le médicament même qui est visé par le brevet ‘732 et la question était donc celle de savoir si le Règlement s’applique à un produit intermédiaire qui a une valeur thérapeutique, mais qui n’est utilisé que comme produit intermédiaire—Puisque Abbott n’a pas prouvé qu’il s’agissait du produit de la phase 4, il n’était pas nécessaire de trancher ce point—Demande rejetée—Loi sur les brevets, S.C. 1935, ch. 32, art. 26(1)a)—Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P‑4, art. 27(5) (édicté par L.C. 1993, ch. 15, art. 31), 28(5), 28.2(1) (édicté, idem, art. 33)—Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93‑133, art. 5(1)b)(iv) (mod. par DORS/99-379, art. 2), 5(3)a) (mod., idem).

Abbott   Laboratories   c.   Canada   (Ministre   de la    Santé)    (T-1847-02,    2005    CF    1095,   juge von Finckenstein, ordonnance en date du 10-8-05, 46 p.)

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