Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

DROIT MARITIME

                                                                                               Pratique

Requêtes de la défenderesse Chemex Ltd. (Chemex), affréteur du Tuapse, et de la défenderesse Novorossiysk Shipping Co. (Novoship), propriétaire du Tuapse, en suspension en faveur d’un arbitrage à Londres, conformément aux modalités d’une charte‑partie, à laquelle s’ajoutent des connaissements incorporant cette charte‑partie, et à l’art. 8 du Code d’arbitrage commercial, contenu dans la Loi sur l’arbitrage commercial—Cette suspension est demandée contre la demanderesse, Dongnam Oil & Fats Co. Ltd. (Dongnam), propriétaire d’une cargaison partielle d’huile comestible transportée sur le Tuapse—En mai 2001, le Tuapse a été affrété par Chemex pour une période déterminée à la faveur d’une charte‑partie principale; la charte‑partie comprenait une clause d’arbitrage à Londres—En mai 2002, Chemex a affrété le navire à la demanderesse Dongnam pour le transport de graisse jaune et de suif qui peut être blanchi, depuis Newark (New Jersey) jusqu’à Inchon (Corée)—Le formulaire Vegoil d’affrètement au voyage, utilisé entre Chemex et Dongnam, dans sa forme habituelle, prévoit l’arbitrage à New York (clause 31), mais l’accord d’affrètement modifiait la clause pour qu’elle dispose que le règlement des différends aurait lieu à Londres, selon les lois anglaises—Deux connaissements ont été émis et ils incorporaient la charte‑partie au voyage conclue entre Chemex et Dongnam—La cargaison en cause a été transbordée, du Tuapse au Chembulk Clipper, un transfert de navire à navire (la cargaison elle‑même ne touchant jamais la rive ni ne traversant un quai) qui s’est déroulé à Nanaimo (Colombie‑ Britannique); cette opération est pour l’essentiel à l’origine de la réclamation de la demanderesse, qui concerne à la fois la rupture de la charte‑partie et la perte de la marchandise au cours du transbordement, perte résultant du dommage et de la dilution par la vapeur et par l’eau—Chemex a en fait introduit une procédure d’arbitrage à Londres et a obtenu gain de cause, puisque le faux‑fret, entre autres, lui a été accordé—Les sentences arbitrales sont définitives, puisque aucun appel n’a été interjeté—La demanderesse a refusé de satisfaire aux sentences arbitrales—La demanderesse prétend qu’en vertu de l’art. 46 de la Loi sur la responsabilité en matière maritime (la Loi), l’action ne devrait pas être suspendue en faveur de l’arbitrage à Londres—Aucune des parties à la présente action n’a un lien quelconque avec le Canada; le contrat n’a pas non plus été conclu au Canada—Cependant, la demanderesse dit que le transbordement entre navires à Nanaimo constitue un chargement ou un déchargement dans un port canadien au sens de l’art. 46 de la Loi—Requête en suspension de Chemex accordée—L’art. 46 ne s’applique pas au transbordement; il n’y a pas eu de chargement—Le chargement est une obliga-tion conjointe qui fait intervenir à la fois le propriétaire de la cargaison et l’armateur—En l’espèce, ce qui a eu lieu était un transbordement pur et simple entre navires placés côte à côte, sans aucun des aspects réciproques habituels du chargement— Il convient d’interpréter la loi d’une manière restrictive lorsqu’il y a empiétement sur l’exercice des droits contractuels de commerçants étrangers, droits qui ne relèvent pas clairement et manifestement de la loi en cause—L’art. 46 de la Loi est une limite à la liberté de contracter et il doit donc être interprété étroitement—Dans la présente espèce, aucun sujet, citoyen ou résident n’est concerné, ce sont plutôt des sociétés étrangères qui se trouvent, sur l’initiative de la demanderesse, engagées dans une action devant la Cour fédérale du Canada, action assujettie à une loi canadienne, elle‑même conçue pour faciliter les activités de ceux qui ont un lien avec le Canada—Le législateur n’entendait pas abolir, restreindre ou entraver les droits de telles sociétés, à moins qu’elles n’entrent manifestement dans le champ de la loi— Application de l’arrêt H.B. Contracting Ltd. v. Northland Shipping (1962) Co. Ltd. (1971), 24 D.L.R. (3d) 209 (B.C.C.A.)—L’art. 46(2) n’est pas applicable, car il n’y a aucune preuve d’accord et qu’un accord selon l’art. 46(2) de la Loi suppose au départ que selon l’art. 46(1) le Canada est l’État du for et que les parties se sont entendues pour porter leurs éventuels différends devant les juridictions d’un autre État—En ce qui concerne une convention d’arbitrage insérée dans une charte‑partie qui est incorporée dans un connaisse-ment, on doit déterminer si la clause compromissoire a effecti-vement été incorporée aux connaissements; en second lieu, on doit décider si la clause compromissoire est « caduque, inopérante ou non susceptible d’être exécutée » au sens de l’art. 8(1) du Code d’arbitrage commercial : Thyssen Canada Ltd. c. Mariana (Le), [2000] 3 C.F. 398 (C.A.)—Dans la charte‑partie conclue entre Chemex et Dongnam, il y a manifestement entente sur un arbitrage à Londres, nécessitant ainsi effectivement une suspension entre ces parties en faveur d’un arbitrage à Londres : Mariana, au par. 24—Toutefois, Novoship n’est pas fondée à s’en remettre à la clause d’arbitrage à Londres de la charte‑partie incorporée par référence dans les connaissements—Application de l’arrêt Rena K (The), [1979] All E.R. 397 : les termes d’incorpo-ration qui figurent dans le connaissement sont généraux, ils ne parlent pas d’arbitrage et ils ne suffisent donc pas à transposer dans le connaissement la clause d’arbitrage figurant dans la charte‑partie; la clause d’arbitrage de la charte‑partie ne fait nulle part référence à un arbitrage selon des connaissements— Par conséquent, la requête en suspension de Novoship doit être rejetée—Code d’arbitrage commercial, qui constitue l’annexe de la Loi sur l’arbitrage commercial, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 17, art. 8—Loi sur la responsabilité en matière maritime, L.C. 2001, ch. 6, art. 46.

Dongnam Oil & Fats Co. c. Tuapse (Le) (T‑1843‑02, 2004 CF 1732, protonotaire Hargrave, ordonnance en date du 10‑12‑04, 25 p.)

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.