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PREUVE

Requête déposée en vertu des Règles des Cours fédérales, règle 286, priant la Cour de rendre une ordonnance autorisant le dépôt de deux documents comme preuves directes dans le procès de laction qui devait débuter le 24 octobre 2005Le demandeur et son ex‑épouse s’étaient mariés en Iran en 1984Le demandeur était arrivé au Canada à la faveur dun permis ministériel en 1988Il était devenu résident permanent en 1991, et il avait présenté une demande de parrainage pour son épouse qui vivait à l’étrangerLa demande de parrainage présentée par le demandeur, y compris lengagement de soutien, fut approuvée et transmise au bureau de Damas du défendeurLe bureau de Damas a reçu la demande de parrainage, mais il a envoyé à lex‑épouse du demandeur un télex linformant que le demandeur navait pas déposé lengagement de soutienLex‑épouse a divorcé du demandeur en Iran en 1993 et elle sest remariée avec un IranienLe permis ministériel fut plus tard délivré par lambassade du Canada à DamasLe demandeur a déposé une déclaration devant la Cour fédérale, Section de première instance, en 1996, pour obtenir réparation en alléguant la faute du défendeur dans le traitement des dossiers dimmigration La requête en jugement sommaire fondée sur lexpiration des délais de prescription a été accueillie en partie Lordonnance avait pour effet de limiter laction du demandeur à sa troisième prétention (le préjudice causé par une présumée rupture de mariage résultant de la faute présumée du défendeur), uniquement toutefois pour le préjudice résultant dactions ou domissions imputables aux représentants du défendeur en dehors du Canada; les deux premières prétentions étaient prescritesMalgré lordonnance de la protonotaire forçant la comparution de membres de la famille en Iran qui seraient susceptibles de déposer à propos des raisons quavait eues lex‑épouse de divorcer et de se remarier avec un autre homme, les membres de la famille se sont vus refuser ladmission au CanadaLex‑épouse avait semble‑t‑il rompu toute communication avec le demandeur et son nouveau mari nallait probablement pas lautoriser à témoigner dans la cause du demandeurLe défendeur n’était pas disposé à admettre que lex‑épouse avait divorcé du demandeur en raison de la lenteur du traitement des dossiers, ou en raison des présumées erreurs commises par les agents dimmigration à l’étrangerEn conséquence, lavocate du demandeur a demandé la permission de présenter une requête en vue d’être autorisée à produire sa preuve par dautres moyensLe demandeur a dit quil avait en sa possession deux documents émanant de son ex‑épouse, qui prouvaient la cause du divorceLe demandeur voulait que ces deux documents, ainsi que leurs traductions anglaises, soient déposés à linstruction comme preuves directesLe premier des documents était une déclaration, apparemment attestée par un notaire public en Iran, qui portait la date du 3 octobre 1996 (le document de 1996)Le deuxième document était une lettre, apparemment signée par lex‑épouse, portant la date du 13 avril 1993, adressée au demandeur (le document de 1993) et qui faisait état de limpatience et de lirritation de lex‑épouse à lendroit du processus dimmigrationLa règle interdisant la preuve par ouï‑dire a pour effet de rendre irrecevables les déclarations écrites présentées comme preuve de la vérité ou comme preuve de leur contenuLune des questions litigieuses fondamentales au moment de linstruction sera la cause du divorceCest lex‑épouse qui serait la mieux à même de témoigner devant la Cour sur la question puisque cest elle qui avait pris linitiative de la procédure de divorce, mais elle ne s’était pas montrée disposée à participer au procèsDes exceptions ont été apportées à la règle interdisant la preuve par ouï‑dire quand il est impossible ou difficile dobtenir dautres preuves et quand lauteur de la déclaration nest pas une partie intéresséeLa jurisprudence (R. c. Khan, [1990] 2 R.C.S. 531) a établi une approche structurée en matière de preuve par ouï‑direSelon cette jurisprudence, une déclaration relatée sera recevable comme preuve de la véracité de son contenu si elle satisfait aux exigences distinctes que sont la « nécessité » et la « fiabilité »—Si une déclaration relatée satisfait à ces deux exigences, le juge du procès peut la soumettre au juge des faits, sous réserve des garanties appropriées et des mises en garde quant au poids à lui accorderLa preuve en cause ne satisfaisait pas aux exigences distinctes que sont la « nécessité » et la « fiabilité » Le demandeur na pas persuadé la Cour quil avait pris des mesures raisonnables pour assurer la participation de son ex‑épouse au procèsSon affidavit indiquait simplement quil navait plus aucun contact avec son ex‑épouse et que le nouveau mari de celle‑ci lui avait interdit de communiquer avec le demandeur et sa familleLe défendeur serait dailleurs gravement lésé si les documents de 1993 et de 1996 étaient admis comme preuves directes dans le procèsLa nécessité concerne à la fois la pertinence de la preuve par ouï‑dire et son aptitude à établir un faitElle doit sentendre de ce qui est « raisonnablement nécessaire », et elle doit être considérée dune manière soupleLa preuve dune procédure ou pièce dun tribunal étranger peut se faire, dans toute action ou procédure dont la Cour est saisie, au moyen dune ampliation ou copie certifiée de la procédure ou pièce, donnée comme portant le sceau du tribunal, sans aucune preuve de lauthenticité de ce sceau ou de la signature du juge ni autre preuveLe demandeur na produit aucun document du genre à propos du divorceEn tout état de cause, ce n’était pas le divorce que le demandeur souhaitait prouver au moyen des documents de 1993 et de 1996, mais les motifs quavait lex‑épouse de divorcer de luiLa preuve de lintention est très différente de la preuve qui est requise pour établir lexistence dun divorceLa cause du présumé divorce était fort litigieuse puisque le divorce résultait du cumul dune série de faits et d’états affectifs de lex‑épouseLe demandeur devait prouver que, malgré les efforts raisonnables quil avait faits pour assurer la comparution du témoin au procès, le témoin n’était pas disponibleLes énoncés de laffidavit où il est indiqué que lex‑épouse nallait pas pouvoir témoigner parce quelle n’était pas disposée à participer au procès n’étaient pas appuyés par une preuve crédibleLaffidavit du demandeur ne faisait état daucune démarche ultérieure qui aurait été entreprise pour obtenir la coopération de son ex‑épouse ou de son nouveau mariIl na été accordé que peu de valeur probante aux explications générales données par le demandeurLa nécessité ne peut être déduite du seul fait que le témoin ne se présentera pas au procèsLe demandeur ne sest jamais adressé au juge responsable de la gestion de linstance ni à la protonotaire pour obtenir des directives sur la manière dont il aurait pu régler ce problème particulierIl na même jamais déposé de requête pour que soit signifiée à lex‑épouse une citation à comparaîtreLes raisons avancées par le demandeur pour justifier le dépôt des deux documents comme preuves directes des motivations de son ex‑épouse et comme preuves directes de la cause du divorce étaient trop minces si on les rapportait au préjudice que subirait le défendeurLe droit de contre‑interroger le témoin sur un aspect aussi essentiel devrait lemporter au vu des circonstances particulières de cette affaireLe demandeur na jamais considéré ou épuisé dautres possibilités, par exemple solliciter la délivrance dune commission rogatoire autorisant la conduite dun interrogatoire en dehors du CanadaIl était raisonnable de penser que le recours à une commission rogatoire à l’étranger aurait pu résoudre la présumée difficulté entraînée par lindisponibilité de lex‑épouse, et cela dune manière conforme aux RèglesLes documents de 1993 et de 1996 ne satisfaisaient pas au critère de la nécessité—Une déclaration relatée doit également être fiableLe critère de la fiabilité doit être évalué daprès les circonstances particulières du dossier, sous réserve des garanties appropriées et des mises en garde quant à la valeur probante de la déclaration relatéeLa fiabilité ne sera pas substantielle si la déclaration relatée saccorde aussi bien avec dautres hypothèsesIl est crucial de cerner les dangers spécifiques du ouï‑dire auxquels donne lieu la déclaration et de déterminer ensuite si les faits entourant cette déclaration offrent suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité pour contrebalancer ces dangers Le document de 1993 comportait certains des dangers du ouï‑dire puisquil navait pas été établi sous sermentPar conséquent, ce document était très peu fiable et ne permettait pas d’établir la véracité des échanges que lex‑épouse avait pu avoir avec les représentants du défendeur à l’étrangerLe document de 1996 avait semble‑t‑il été attesté par un notaire public en Iran, mais la déclaration avait été faite après que le demandeur eut déposé son action devant la Cour en 1996Le fait que le demandeur avait déjà intenté sa poursuite contre le défendeur constituerait un facteur important à explorer dans un contre‑interrogatoire de lex‑épouseCe point particulier soulevait lexistence dun danger trop sérieux pour que le document ait pu être produit comme preuve directe à linstructionIl ny avait pas de garanties appropriées concernant la recevabilité de cette preuve par ouï‑direLa crédibilité du contenu des documents était une question litigieuse dune importance critiqueLa Cour nallait pas être en mesure dobserver le comportement de lex‑épouse à la barre puisquelle ne témoignerait pas au procèsLes faits entourant les déclarations relatées noffraient pas suffisamment de garanties circonstancielles de fiabilité pour compenser les dangers évoquésIl incombait au demandeur de prouver laffirmation capitale selon laquelle son ex‑épouse avait demandé le divorce en raison des lenteurs du dossier dimmigration, ou des présumées erreurs commises par les représentants du défendeur à l’étranger dans le traitement de ce dossierLes déclarations relatées ne satisfaisaient pas à lexigence dune fiabilité substantielle puisquelles saccordaient aussi bien avec dautres hypothèsesPar conséquent, avant que les déclarations faites par lex‑épouse dans les documents de 1993 et de 1996 puissent être acceptées comme preuves directes, le défendeur devrait pouvoir contre‑interroger lex‑épouse, durant linstruction, sur tous les faits pertinentsRequête rejetéeRègles des Cours fédérales, DORS/98‑106, règles 1 (mod. par DORS/2004‑283, art. 2), 286.

Farzam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (T‑626‑96, 2005 CF 1432, juge Martineau, ordonnance en date du 21‑10‑05, 21 p.)

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