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Bande indienne Wewayakum c. Bande indienne Wewayakai

A-655-95

juge en chef Isaac et juge McDonald, J.C.A.

12-10-99

70 p.

Appels et appel incident du rejet de l'action ((1995), 99 F.T.R. 1) intentée par la Bande indienne de Campbell River (Wewaikum) contre la Couronne et la Bande indienne de Cape Mudge (Wewaikai), de la demande reconventionnelle introduite par les Wewaikai contre les Wewaikum et de l'action intentée par les Wewaikai contre la Couronne-Les deux bandes revendiquaient le droit aux réserves indiennes de Campbell River et de Quinsam sur l'île de Vancouver (C.-B.)-Les Wewaikum et les Wewaikai font partie de la nation indienne Laich-kwil-tach-En 1870, les gouvernements fédéral et de la Colombie-Britannique ont mis sur pied la Commission sur les réserves indiennes chargée de déterminer, pour chaque nation, le nombre, l'étendue et l'emplacement des réserves qui lui étaient attribuées-Pour résoudre un litige entre une famille de pionniers blancs dans la région de Campbell River et le premier Indien Laich-kwil-tach à y établir sa résidence, les gouvernements fédéral et provincial ont chargé l'arpenteur Green, en 1888, de déterminer les limites des réserves indiennes de Campbell River-Green a recommandé l'attribution des réserves de Campbell River et de Quinsam à la tribu Laich-kwiltach, sans mentionner une bande en particulier-En 1889, les gouvernements fédéral et provincial ont approuvé le Plan officiel décrivant douze réserves indiennes Laich-kwil-tach-Ce plan ne comportait aucune indication de la répartition des réserves entre les différentes bandes-En 1892, le ministère des Affaires indiennes a commencé à publier un répertoire des réserves comprenant un résumé de l'emplacement et des dimensions des différentes réserves situées en C.-B.-La préparation de ces résumés n'était pas imposée par une loi-C'est le répertoire de 1901 qui a précisé pour la première fois le sousgroupe (la bande) auquel chaque réserve avait été attribuée-Les répertoires de 1901 et de 1902 indiquaient que les réserves de Campbell River et de Cape Mudge étaient attribuées aux Wewaikai-Les Wewaikum ont soutenu que cette désignation constituait une erreur-En 1907, les Wewaikai ont adopté une résolution à l'unanimité (la Résolution de 1907), dans laquelle ils déclaraient céder aux Wewaikum tous les droits sur la réserve de Campbell River, à l'exception du droit de pêcher dans la rivière Campbell conjointement avec la bande Wewaikum-Un exemplaire du répertoire de 1902 a été annoté à la main par l'inscription du nom «Wewaikum» vis-à-vis la réserve de Campbell River-Les guillemets de répétition figurant sur le répertoire vis-à-vis la réserve de Quinsam, sous la réserve de Campbell River, n'ont pas été modifiés-Le répertoire indiquait désormais que la réserve de Quinsam était attribuée aux Wewaikum-L'erreur de guillemets de répétition est demeurée dans les répertoires des réserves joints en annexe aux décrets nos 911, 1265 et 1036 autorisant le transfert à la Couronne fédérale des terres composant les réserves indiennes dans la province-En 1943, le Ministère a publié un répertoire des réserves modifié qui corrigeait l'erreur de guillemets de répétition-Le répertoire modifié indiquait que la réserve de Campbell River appartenait aux Wewaikum et celle de Quinsam aux Wewaikai, conformément aux déclarations faites sous serment par les bandes-En 1970, le Ministère a confirmé que la réserve de Quinsam appartenait aux Wewaikai-Appels rejetés, sauf en ce qui a trait à l'appel des Wewaikai relativement aux dépens sur la base procureur-client adjugés contre eux; appels incidents de la Couronne rejetés-Le juge McDonald, J.C.A. (le juge Linden, J.C.A., souscrivant à ses motifs): 1) Les réserves de Campbell River et de Quinsam n'ont pas été attribuées aux Wewaikai par Green en 1888-Selon les conditions de sa nomination, Green n'avait pas le pouvoir d'attribuer les réserves à une bande en particulier-Son pouvoir se limitait à la détermination de l'étendue et des limites des réserves de Campbell River et de Quinsam-Son rapport et le relevé officiel qui l'accompagnait désignaient les terres attribuées à la tribu indienne Laich-kwil-tach-2) La Résolution de 1907 avait pour effet juridique d'attribuer la réserve de Campbell River aux Wewaikum-Elle n'était pas nulle ab initio pour défaut de conformité avec les dispositions de la Loi sur les Indiens régissant les cessions-Les Wewaikai ont soutenu que la cession de leur intérêt sur la réserve de Campbell River constituait une aliénation de droits assujettie aux dispositions régissant les cessions conférant à la Couronne un pouvoir de surveillance des transferts effectués entre les autochtones et les tiers-Ces dispositions exigeaient que les terres des réserves soient cédées à la Couronne avant qu'un droit sur celles-ci puisse être transféré à un tiers afin de protéger les bandes indiennes contre les opérations imprévoyantes ou abusives avec des tiers-Les dispositions de la Loi sur les Indiens régissant les cessions n'ont pas pour objet de restreindre la capacité des Indiens de résoudre les litiges fonciers qui les opposent-Cette interprétation est conforme à l'objectif de protéger les peuples autochtones de l'exploitation par des tiers-Elle est étayée par le principe selon lequel l'intérêt des Indiens sur les terres de réserve, comme sur les terres détenues en vertu du titre aborigène, est détenu collectivement par tous les membres d'une nation autochtone-Les dispositions régissant les cessions ne s'appliquent pas lorsque deux bandes appartenant à la même nation tentent de résoudre un conflit concernant l'usage de terres détenues par la nation dans son ensemble-Cette conclusion s'appuie aussi sur le libellé exprès des dispositions de la Loi sur les Indiens en vigueur à l'époque oú la résolution a été prise-Le terme «personne» était défini comme un «individu autre qu'un sauvage»-L'art. 50 prévoyait que nulle cession et nul abandon d'une réserve à une personne autre que Sa Majesté ne valait-L'emploi du mot «personne» dans l'art. 50 révélait que les dispositions régissant les cessions ne devaient s'appliquer qu'aux opérations entre des parties «autre[s] qu'un sauvage»-Enfin, cette conclusion s'appuie sur la Proclamation de 1876 exemptant toutes les réserves indiennes de la C.-B. de l'application des dispositions régissant les cessions et était toujours en vigueur en 1907-Les Wewaikai ont plaidé que la Couronne avait manqué à ses obligations de fiduciaire en approuvant la résolution de 1907 parce qu'elle n'avait pas divulgué pleinement l'intérêt de la société International Timber Company relativement à la réserve, ce qui a donné lieu à un marché abusif-Des obligations de fiduciaire ne prennent pas naissance dans le cadre de toutes les facettes des rapports entre la Couronne et les autochtones et la teneur des obligations de fiduciaire de la Couronne n'est pas identique dans tous les cas-Comme toutes les obligations existantes dans un rapport fiduciaire ne constituent pas une obligation de fiduciaire, la Cour a examiné les circonstances entourant la résolution de 1907 pour déterminer si une obligation de fiduciaire existait-La Couronne avait l'obligation de pondérer et de concilier les intérêts des deux bandes sans favoriser les intérêts d'une bande au dépens de ceux de l'autre-La Couronne doit agir de bonne foi en fournissant une divulgation complète aux parties en litige et en s'assurant qu'elles comprennent bien les conditions et l'effet de la Résolution de 1907-Enfin, La Couronne peut être tenue de pondérer les intérêts des deux bandes en regard des intérêts des tiers-La preuve établit que la Couronne a fourni une divulgation complète-Le premier motif pour lequel la Résolution de 1907 a été adopté était la volonté de mettre fin à la confusion qui persistait quant au droit de propriété sur la réserve-La preuve n'appuie pas la conclusion que l'intérêt de la société International Lumber Company a joué un rôle appréciable dans la prise de la résolution de 1907-Les Wewaikai ne peuvent s'attendre que la Couronne soit en mesure d'établir, plus de 90 ans après les faits, que chaque élément de l'opération a été expliqué et divulgué à la bande-Il suffisait qu'on puisse raisonnablement inférer de la preuve que tous les faits ont été divulgués-Aucun élément ne laisse croire que la façon dont la résolution réglait les questions de l'attribution de la réserve et de la pêche favorisait une bande au détriment de l'autre-3) Les décrets 911, 1265 et 1036 confirmant le répertoire de 1913 joint en annexe n'ont pas attribué les réserves aux Wewaikum-L'inscription de la réserve de Quinsam comme appartenant aux Wewaikum dans le répertoire de 1913 constituait une erreur d'écriture-L'adoption du rapport McKenna-McBride, modifié par la Commission Ditchburn-Clark, incluant l'erreur de guillemets de répétition dans le répertoire de 1913, par les décrets 911 et 1265 n'a pas conféré d'effet juridique à cette erreur et ne l'a pas rendue exécutoire-Le pouvoir de la Commission se limitait à confirmer la superficie et le nombre des réserves indiennes en C.-B.-Elle a été constituée pour résoudre le litige entre les gouvernements fédéral et provincial quant à l'étendue des terres qui devaient être transférées au gouvernement fédéral à l'usage et au profit des Indiens conformément aux Conditions de l'adhésion de la ColombieBritannique-La Commission n'a pas tenté de déterminer à qui les réserves avaient été attribuées, ni de corriger les erreurs-Elle avait le pouvoir de déterminer de façon définitive l'étendue des terres qui devaient être transférées à la Couronne fédérale-La Commission a inclus des renseignements additionnels dans son rapport, mais ses recommandations ne portaient que sur la question de l'étendue des terres qui devaient être transférées par la province à la Couronne fédérale-La Commission a donc relevé l'erreur de guillemets de répétition, mais n'avait pas compétence pour la corriger-La preuve démontre que l'attribution de la réserve de Quinsam aux Wewaikum n'était pas conforme à l'entente entre les Wewaikai et les Wewaikum, ni à leur intention-Le juge de première instance avait compétence pour corriger l'erreur d'écriture figurant dans le répertoire des réserves joint en annexe aux décrets 911, 1265 et 1036-S'il faut présumer que la législature et le Parlement ne commettent pas d'erreur, la Cour a compétence pour corriger les erreurs typographiques et les autres erreurs d'écriture lorsqu'elles sont évidentes et que le contexte indique sans l'ombre d'un doute qu'elles produisent un résultat qui ne correspond pas à l'intention des rédacteurs-L'attribution de la réserve de Quinsam aux Wewaikum résulte d'une erreur d'écriture évidente-4) L'adjudication des dépens contre les Wewaikai sur la base procureur-client n'était pas justifiée-Les dépens sur la base procureur-client ne sont généralement accordés que s'il y a eu conduite répréhensible, scandaleuse ou outrageante d'une des parties-Le fondement très ténu ou la «grande faiblesse» de la revendication d'une partie ne peuvent justifier l'adjudication des dépens sur la base procureur-client-Il ne convenait pas que le juge de première instance adjuge les dépens de cette façon-(5) L'appel incident sur la question des intérêts composés au titre du revenu de placement non réalisé ne tient pas-Selon la règle 341(1)b) des Règles de la Cour fédérale (1998), l'intimé peut former un appel incident s'il entend demander la réformation de l'ordonnance portée en appel-L'appel incident ne vise pas la réformation du jugement de première instance rejetant les appels, mais à contester seulement une partie des motifs du juge de première instance, ce qui est contraire à la règle 341(1)b)-Le juge en chef Isaac: Le juge de première instance a rejeté les actions parce qu'elles étaient prescrites par application de la Limitation Act de la Colombie-Britannique, incorporée par l'art. 39(1) de la Loi sur la Cour fédérale, et de la doctrine du manque de diligence et de l'acquiescement, reconnue en equity-Comme les demandes se fondaient sur des événements survenus vers 1907, il a statué que les deux actions n'avaient pas été introduites dans le délai de prescription maximal de trente ans fixé par l'art. 8 de la Limitation Act de la ColombieBritannique; qu'il serait injuste que l'une ou l'autre bande fasse valoir sa demande contre l'autre et que le moyen de défense du manque de diligence et de l'acquiescement, reconnu en equity, s'appliquait et rendait irrecevable toute demande de redressement qui ne serait pas prescrite par application de la loi-L'art. 39(1) de la Loi sur la Cour fédérale entre en jeu dès que la prescription est plaidée en défense dans le cadre d'actions concernant les terres indiennes situées entièrement à l'intérieur d'une province-L'art. 39(1) commande l'application de la Limitation Act-Lorsque le Parlement incorpore par renvoi une règle de droit d'une autre autorité législative dans sa propre législation, la règle de droit ainsi incorporée devient une règle de droit fédérale et s'applique à ce titre, à condition que toutes les conditions préalables à son incorporation soient remplies-La Cour est tenue d'appliquer la Limitation Act de la Colombie-Britannique, non pas à titre de loi provinciale, mais à titre de loi fédérale-En ce qui concerne les objections fondées sur la Constitution, l'art. 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaît et confirme les droits existants ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada-Étant donné que les appelants n'ont pas allégué que leurs revendications s'appuyaient sur un droit ancestral ou issu d'un traité, l'art. 35 ne pouvait s'appliquer-Quant à l'argument portant que le décret provincial 1036 ne peut éteindre le titre des Indiens sur les terres de réserve car cela aurait un effet de morcellement sur un domaine qui relève de la compétence exclusive du gouvernement fédéral, la Cour doit se garder de trancher ces questions car la preuve requise à cet égard n'est pas complète-En tenant pour acquis que l'art. 39 constitue une directive adressée à la Cour d'appliquer seulement les dispositions législatives provinciales en matière de prescription qui sont valides sur le plan constitutionnel, la Limitation Act de la Colombie-Britannique peut s'appliquer aux Indiens et aux terres réservées pour les Indiens, peu importe qu'on la considère comme une loi provinciale d'application générale ou comme une loi fédérale incorporée par renvoi par l'art. 39(1)-Les bandes alléguaient que la Couronne a manqué à ses obligations légales-En vertu de l'art. 3(1)a) de la Limitation Act de la Colombie-Britannique, les manquements à une obligation légale sont assujettis à un délai de prescription de 2 ans-La demande n'est assujettie à aucun des délais de prescription particuliers fixés par les art. 3(1), (2) ou (5)-L'art. 8(1) prévoit que toute action à laquelle la loi s'applique se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle a pris naissance le droit de l'intenter-La première déclaration ayant été déposée en 1985, toute action dont l'événement générateur est survenu avant 1955 est irrecevable-Les actions des appelants s'appuient sur des événements qui ont eu lieu vers 1907-Les actions sont prescrites-Il ne convient pas de trancher en l'espèce la question de savoir si des délais de prescription peuvent faire obstacle à des déclarations confirmant des droits d'usufruit existants-Il est clair que la mention de «toute autre action» au paragraphe 3(4) rendrait pareille demande irrecevable-Il n'est survenu aucun manquement à une obligation de fiduciaire ni aucun manquement continu qui aurait eu pour effet que le délai de prescription aurait commencé à courir plus tard-Aucun nouveau manquement ne s'est produit-Le juge de première instance a correctement appliqué les moyens de défense de l'acquiescement et du manque de diligence, reconnus en equity-Limitation Act, R.S.B.C. 1979, ch. 236, art. 3, 6, 8-Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 39-Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, règle 341(1)b)-Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 35-Loi des Sauvages, S.R.C. 1906, ch. 81, art. 2, 50.

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