Fiches analytiques

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Contenu de la décision

Merck & Co., Inc. c. Canada ( Procureur général )

T-398-99

juge McGillis

23-11-99

35 p.

Demande d'annulation d'une décision par laquelle le ministre a délivré un avis de conformité à Nu-Pharm Inc. pour le NuEnalapril, un médicament contenant du maléate d'énalapril-Merck & Co. est propriétaire depuis 1990 d'un brevet pour l'énalapril et le maléate d'énalapril-Merck Frosst est la titulaire de licence pour le Canada en ce qui concerne ce brevet-En 1991, Merck a intenté une action en contrefaçon de brevet contre Apotex Inc. au sujet du brevet-En 1993, des avis de conformité ont été délivrés à Apotex pour ses comprimés de maléate d'énalapril qu'elle a alors commencé à vendre sous les noms commerciaux Apo-Enalap et Apo-Enalapril-Il a été jugé qu'Apotex avait contrefait certaines des revendications du brevet et une injonction permanente a été prononcée contre Apotex pour l'empêcher de continuer à contrefaire le brevet-Pendant toute la période en cause, Apotex a entretenu des relations de travail étroites avec Nu-Pharm Inc., un autre fabricant de médicaments génériques-En 1996, Nu-Pharm a envoyé un avis d'allégation à Merck indiquant qu'elle achetait auprès d'Apotex du stock acquis avant la délivrance du brevet-Merck a introduit une demande interdisant de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm-En 1997, Nu-Pharm a déposé une présentation abrégée de drogue nouvelle, dans laquelle elle désignait l'Apo-Enalapril comme produit de référence canadien et comparait son médicament à ce produit, pour obtenir un avis de conformité-Le document ne mentionnait pas le Vasotec de Merck-Le ministre a refusé de traiter la présentation abrégée de drogue nouvelle de Nu-Pharm au motif que l'Apo-Enalapril était inacceptable comme produit de référence canadien et que le Vasotec était le produit de référence canadien approprié-Nu-Pharm a présenté une demande de mandamus pour contraindre le ministre à traiter sa présentation abrégée de drogue nouvelle et à lui délivrer un avis de conformité pour le Nu-Enalapril-Merck n'était pas au courant de la présentation abrégée de drogue nouvelle déposée auprès du ministre ni de la demande de mandamus-Dans sa décision publiée sous l'intitulé Nu-Pharm Inc. c. Canada (Procureur général), [1999] 1 C.F. 620 (1re inst.), le juge Cullen a conclu que l'Apo-Enalapril était un «produit de référence canadien» et il a renvoyé l'affaire au ministre pour qu'il rende une nouvelle décision-Le ministre n'a pas interjeté appel de cette décision-Pour tenter d'empêcher le ministre de délivrer un avis de conformité, Merck a immédiatement introduit une instance en interdiction-En 1999, le ministre a délivré à Nu-Pharm un avis de conformité pour des comprimés de NuEnalapril en réponse à sa présentation abrégée de drogue nouvelle dans laquelle l'Apo-Enalapril était désigné comme produit de référence canadien et qui ne faisait nullement mention du Vasotec-La demande est accueillie-Compte tenu de la décision du juge Cullen, l'analyse doit partir de la prémisse que Nu-Pharm a le droit d'utiliser l'Apo-Enalapril comme produit de référence canadien pour le Nu-Enalapril pour les besoins du Règlement sur les aliments et drogues et que le ministre était tenu par une ordonnance de la Cour de traiter ainsi la présentation abrégée de drogue nouvelle-Dans le cadre du Règlement sur les aliments et drogues, un fabricant de médicaments doit convaincre le ministre de l'innocuité et de l'efficacité d'une drogue nouvelle avant de la vendre sur le marché canadien-Avant de délivrer un avis de conformité en vertu de l'art. C.08.004(1) du Règlement sur les aliments et drogues, le ministre doit déterminer si l'art. 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) l'empêche de le faire-La définition de l'expression «avis de conformité» à l'art. 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) intègre par renvoi l'art. C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, qui exige que le ministre délivre un avis de conformité en réponse à une présentation de drogue nouvelle, une présentation abrégée de drogue nouvelle ou un supplément à l'une de ces présentations-Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) renferme les exigences qui doivent être remplies pour déclencher l'application du règlement-Lorsque les dispositions de l'art. 5(1) s'appliquent, une interdiction expresse prévue par la loi empêche le ministre de délivrer un avis de conformité tant que la seconde personne (habituellement le fabricant générique) ne s'est pas conformée aux exigences de l'art. 5(1)-Application de la méthode d'interprétation législative fondée sur l'objet visé qui a été retenue dans Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, et des éclaircissements que la Cour a ultérieurement donnés au sujet de la méthode d'interprétation législative applicable-L'objet de la loi et l'intention du législateur doivent être définis sur le fondement de sources intrinsèques et de sources extrinsèques admissibles touchant l'historique législatif de la loi et le contexte de son adoption; tous les éléments de preuve relatifs à l'intention du législateur doivent être pris en considération, à condition qu'ils soient pertinents et fiables-Le Résumé de l'étude d'impact de la réglementation qui accompagne le règlement sans toutefois en faire partie révèle les intentions du législateur et renferme des renseignements sur l'objet et l'effet du règlement proposé-Le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) visait à protéger les droits des brevetés en interdisant aux fabricants génériques de commercialiser leurs produits génériques avant l'expiration de tous les brevets en cause-En prenant le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), le gouvernement a choisi de donner préséance à la protection des droits conférés par brevet, mais il a néanmoins permis aux fabricants génériques d'accéder au système d'homologation réglementaire afin que leurs produits génériques puissent être vendus aussitôt après l'expiration des brevets en cause-Le but essentiel du règlement est d'empêcher la contrefaçon de brevet-Même si les processus établis dans les deux ensembles réglementaires sont distincts et parallèles, ils sont néanmoins expressément liés par la définition de l'expression «avis de conformité» contenue à l'art. 2 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)-Il faut aussi tenir compte du régime et de la terminologie utilisée dans le Règlement sur les aliments et drogues afin de disposer d'un cadre contextuel complet qui permette d'interpréter l'art. 5(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité)-Dans le contexte des faits de l'espèce, l'expression «demande d'avis de conformité» à l'art. 5(1) peut donc être remplacée par les mots «présentation abrégée de drogue nouvelle»-Pour interpréter la phrase «souhaite en faire la comparaison, ou faire renvoi, à une autre drogue qui a été commercialisée au Canada aux termes d'un avis de conformité délivré à la première personne et à l'égard de laquelle une liste de brevets a été soumise», il est utile d'examiner le contexte dans lequel est utilisée la notion de «comparaison» d'une nouvelle drogue avec une autre dans le Règlement sur les aliments et drogues-Le régime établi dans le Règlement sur les aliments et drogues applicable à une présentation abrégée de drogue nouvelle indique clairement que la drogue nouvelle doit être comparée à celle de l'innovateur directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une drogue jugée acceptable par le ministre-Lorsqu'une présentation abrégée de drogue nouvelle désigne une autre drogue et non celle de l'innovateur comme produit de référence canadien, la personne qui dépose cette demande ne peut se soustraire à l'application du régime de protection des brevets établi dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) en déclarant simplement qu'il ne souhaite pas comparer sa drogue nouvelle à celle de l'innovateur-La drogue de l'innovateur demeure la norme de comparaison pour l'évaluation de la bioéquivalence, même si un autre médicament est accepté par le ministre comme produit de référence canadien-Étant donné le contexte du régime législatif global, le mot «souhaite», tel qu'il figure à l'art. 5(1), doit donc être assujetti à une norme objective-Même si une présentation abrégée de drogue nouvelle ne renferme pas un renvoi direct à la drogue de l'innovateur parce que cette autre drogue a été acceptée par le ministre comme produit de référence canadien, la drogue de l'innovateur constitue néanmoins, du moins indirectement, la norme qui sous-tend la comparaison pour la détermination de l'innocuité et de l'efficacité de la drogue nouvelle-La question de savoir si les interdictions prévues à l'art. 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) s'appliquent en l'espèce est une pure question de droit ou une question mixte de droit et de fait à l'égard de laquelle peu de retenue, s'il en est, devrait être manifestée envers le ministre-La norme de contrôle applicable est celle du bien-fondé de la décision-L'art. 7 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) interdit au ministre de délivrer un avis de conformité à Nu-Pharm jusqu'à ce que cette dernière se soit conformée à l'art. 5-Le ministre a commis une erreur de droit en délivrant un avis de conformité à NuPharm pour le Nu-Enalapril-Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, art. 2 «avis de conformité», 5 (mod. par DORS/98-166, art. 4), 7 (mod., idem, art. 6)-Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870, art. C.08.004.

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