Fiches analytiques

Informations sur la décision

Contenu de la décision

FONCTION PUBLIQUE

Procédure de sélection

Concours

Canada (Procureur général) c. Perera

A-769-98

juges Noël et Stone, J.C.A., juge McDonald, J.C.A., dissident

8-6-00

45 p.

Appel d'une décision de la Section de première instance ([1999] 2 C.F. F-25) accueillant la demande de l'intimé en vue du contrôle judiciaire d'une décision par laquelle un comité d'appel de la fonction publique (le CAFP) s'était déclaré compétent pour statuer sur une contestation de nature constitutionnelle de l'art. 27 du Règlement sur l'emploi dans la fonction publique (prévoyant qu'une personne faisant partie du groupe de la direction est soustraite à l'application de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la LEFP) lorsqu'elle est nommée à un autre poste de ce groupe)--L'art. 21 de la LEFP confère un droit d'appel contre une nomination--L'appelant avait soutenu qu'eu égard aux circonstances factuelles de l'affaire, l'art. 27 du Règlement devait être déclaré invalide, conformément à l'art. 52(1) de la Loi constitutionnelle, parce qu'il contrevenait à l'art. 15 de la Charte--Appel rejeté (juge McDonald, J.C.A., dissident)--Juge Noël, J.C.A.: Question de savoir si le législateur a conféré au CAFP le pouvoir de trancher des questions de droit dans sa loi habilitante: Cooper c. Canada (Commission des droits de la personne), [1996] 3 R.C.S. 854 (juge La Forest, p. 886)--Il ne peut pas être conclu à l'existence de ce pouvoir à moins que le tribunal n'ait compétence à l'égard de l'ensemble de la question qui lui est soumise, c'est-à-dire à l'égard des parties, de l'objet du litige et de la réparation recherchée--Le rôle du CAFP est strictement défini: il doit s'assurer que le principe du mérite est respecté compte tenu des exigences établies par l'employeur; il ne peut pas se prononcer sur les qualités que le ministère employeur juge nécessaires ou souhaitables--Le CAFP s'intéresse uniquement aux actions de la Commission de la fonction publique lorsqu'elle choisit, parmi les candidats possédant les qualités exigées par le ministère employeur, celui qui a le plus de mérite--La preuve dont disposait le CAFP indiquait que les exigences de base qui avaient abouti à l'élimination de l'appelant avaient été élaborées par l'ACDI, et ce, même si la Commission avait été consultée et même si elle les avait approuvées--En l'espèce, la question sur laquelle le CAFP avait assumé une compétence était de savoir si, en concluant que l'appelant ne remplissait pas les conditions d'admissibilité et en l'éliminant sur cette base, et ce, même si l'appelant avait allégué que si ce n'avait été de la discrimination dont il avait été victime, il aurait rempli ces conditions, la Commission avait violé le principe du mérite établi par la Loi ainsi que le droit à l'égalité reconnu à l'art. 15 de la Charte--L'allégation sous-jacente sur laquelle la compétence du CAFP reposerait apparemment en l'espèce était qu'avec le temps, l'employeur avait fait preuve de discrimination directe et s'était livré à des actes discriminatoires systématiques dont l'effet était d'empêcher l'appelant d'être promu au groupe EX et, par conséquent, d'être admissible et d'être choisi pour l'un des postes en question, de sorte que le principe du mérite était violé--Il n'a jamais été statué que les mesures prises par le ministère employeur dans la gestion de ses affaires relevaient de la compétence d'un CAFP même si elles étaient illégales et même si elles compromettaient le principe du mérite--L'appelant n'a allégué aucun fait démontrant que la Commission avait manqué à l'obligation qui lui était imposée par les art. 10 et 12(3) de la LEFP et permettant au CAFP d'assumer sa compétence sur cette base--Les normes de sélection élaborées par la Commission n'ont pas été contestées et il n'a été fait état d'aucune irrégularité dans la procédure de sélection suivie par la Commission--Compte tenu de Canada c. Blashford, [1991] 2 C.F. 44 (C.A.) la Commission n'avait pas le pouvoir implicite de rejeter les conditions d'admissibilité établies par l'ACDI--Le CAFP n'avait pas compétence--Toutefois, s'il devait être conclu que le CAFP a compétence pour entendre l'appel, il aurait également compétence pour se prononcer sur la contestation de nature constitutionnelle--La question d'ordre constitutionnel relèverait carrément de la compétence du CAFP, puisque la limitation du droit d'appel ferait obstacle tant au droit que possède l'appelant d'être promu conformément au principe du mérite établi par la Loi qu'au droit à l'égalité qui lui est reconnu par la Charte--Étant donné qu'une décision selon laquelle l'un ou l'autre de ces droits a été violé découlerait nécessairement du même ensemble de faits et donnerait lieu à des conclusions identiques, si le législateur avait voulu que le CAFP ait compétence sur une question, il devait également vouloir que le CAFP ait compétence sur l'autre question--Juge Stone, J.C.A. (motifs concourants): La question de savoir si un tribunal administratif donné possède la compétence voulue pour examiner une question liée à la Charte dépend en bonne partie de l'interprétation de la loi pertinente--Le rôle du CAFP est limité à déterminer si l'on a observé le principe du mérite aux fins des nominations aux postes à l'égard desquels ces qualités étaient requises--La contestation de l'art. 27 du Règlement n'est pas directement liée à la procédure de nomination, mais à l'argument selon lequel la discrimination a empêché l'appelant de faire partie du groupe admissible--Même s'il y avait discrimination à ce stade, cela n'établirait pas que la procédure était de quelque façon irrégulière, de sorte qu'il était justifié pour le CAFP d'intervenir, mais plutôt que l'employeur avait causé un préjudice à l'appelant avant que la procédure soit entamée--Par conséquent, le CAFP n'a pas compétence, expressément ou implicitement, sur l'objet du litige--Juge McDonald, J.C.A. (dissident): l'appel devrait être accueilli--Le CAFP constitué en vertu de l'art. 21 de la LEFP a compétence pour déterminer la constitutionnalité de l'art. 27 du Règlement--En l'espèce, le CAFP satisfait aux exigences énoncées par la majorité dans Cooper et il a donc compétence pour trancher des questions constitutionnelles--Le critère à appliquer consiste à savoir si le législateur a conféré au CAFP la compétence voulue pour trancher des questions de droit--L'objet réel du présent litige était de savoir si la procédure de sélection violait les art. 10 et 12 de la LEFP--L'appelant n'a pas à posséder toutes les qualités requises à l'égard du poste afin d'interjeter appel devant le CAFP: Procureur général du Canada c. Landriault, [1983] 1 C.F. 636 (C.A.)--Il incombe au CAFP, lorsqu'il entend l'appel, de déterminer si la procédure de sélection a été suivie conformément au principe du mérite--Même si les ministères peuvent établir les exigences qui s'appliquent à un poste donné, cela ne veut pas nécessairement dire que le CAFP ne peut pas examiner l'application de ces critères dans une procédure de sélection--Dire que le CAFP n'a pas compétence parce que, même en l'absence de l'art. 27 du Règlement, il ne pouvait rendre une décision favorable à l'appelant équivaut à déterminer qu'un CAFP n'a pas compétence sur l'ensemble de la question à moins que la Cour n'estime qu'il est possible que l'appelant ait gain de cause--La Cour ne devrait pas confondre des questions de compétence et l'issue de l'affaire au fond--On peut se demander si la Cour peut tirer une conclusion de fait sur la question de savoir si l'appelant possède les qualités voulues (ou s'il est possible de présumer qu'il a les qualités requises compte tenu de la décision antérieure rendue par le CAFP au sujet de la discrimination dont il a fait l'objet) sans entendre la preuve des parties sur ce point--L'appelant pourrait également soutenir, conformément à l'art. 12(3) de la LEFP, qu'étant donné que son niveau actuel d'emploi résulte d'un acte discriminatoire, il devrait être présumé qu'il occupe un poste de direction et qu'il est donc admissible au poste--Étant donné que la Commission agit en fait pour le compte du CAFP, il ne peut pas être soutenu que le CAFP n'a pas compétence sur l'ensemble de la question parce qu'il n'a pas le pouvoir d'accorder une réparation--Par conséquent, le CAFP a compétence sur l'ensemble de la question, y compris la réparation recherchée--Le libellé de la loi habilitante est suffisant pour fonder l'octroi d'un pouvoir implicite permettant de trancher des questions de droit--La nature décisionnelle du CAFP indique l'existence d'un pouvoir implicite d'examiner les questions de droit parce qu'il doit examiner des questions de preuve et de procédure (des questions de droit) afin de régler les affaires dont il est saisi--De plus, la sélection fondée sur le mérite exige l'application d'un principe de droit, à savoir le principe du mérite--Des considérations d'ordre pratique favorisent l'octroi d'une compétence en l'espèce: le fait qu'il n'existe aucune voie d'appel contre une décision rendue par un CAFP constitué en vertu de l'art. 21 de la LEFP; afin de déterminer si la Charte a été violée, il faut connaître tant la jurisprudence relative à la Charte que les faits en cause, que le comité est mieux placé pour apprécier--La dernière raison justifiant l'octroi d'une compétence se rapporte à l'efficacité--Si le CAFP avait pu examiner la question liée à la Charte, il aurait pu régler toute l'affaire, de sorte qu'il aurait suffi que la Cour fédérale tienne une seule audience au cours de laquelle toutes les questions auraient pu être examinées--Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, art. 10 (mod. par L.C. 1992, ch. 54, art. 10), 12 (mod., idem, art. 11), 21 (mod., idem, art. 16; L.C. 1996, ch. 18, art. 15)--Règlement sur l'emploi dans la fonction publique de 1993, DORS/93-286, art. 27 (mod. par DORS/95-568, art. 8)--Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 52(1)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 15.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.