Fiches analytiques

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CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION

Exclusion et renvoi

Renvoi de résidents permanents

Rasa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)

IMM-6818-98

juge O'Keefe

11-5-00

43 p.

Contrôle judiciaire de la décision par laquelle le fondé de pouvoir du ministre a conclu que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada conformément aux art. 70(5) et 53(1)d) de la Loi sur l'immigration--Le demandeur est résident permanent depuis 1992--En 1998, il a été déclaré coupable de complot en vue de se livrer à des voies de faits causant des lésions corporelles, de complot en vue d'utiliser des cartes de crédit falsifiées et de possession d'une arme à autorisation restreinte--Il était membre de l'un de deux groupes criminels organisés au sein de la collectivité tamoule dans la Région du Grand Toronto--L'organisation était prête à recourir à la violence afin de préserver son entreprise criminelle--Le rôle du demandeur, en ce qui concerne cet aspect de l'activité de la bande, était important--On a subséquemment signifié au demandeur un avis d'intention de demander au ministre de délivrer un avis selon lequel il constituait un danger pour le public au Canada--On a informé le demandeur de la preuve dont il serait tenu compte et on lui a donné la possibilité de présenter des observations au sujet de la raison pour laquelle le ministre ne devrait pas délivrer pareil avis--Demande rejetée--1) En vertu de la Charte, une personne a droit à une réparation s'il a été porté atteinte aux droits qui lui sont reconnus par la Charte sous réserve de l'art. 1 de la Charte--2) Quant à la norme de contrôle, étant donné que la décision prise par le ministre est discrétionnaire, la Cour est liée par Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, où il a été statué que l'exercice du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre en vertu de l'art. 114(2) pouvait être examiné selon la norme de la décision raisonnable simpliciter--3) Le ministre n'a pas violé les principes de justice fondamentale visés à l'art. 7 de la Charte--a) En exerçant son pouvoir discrétionnaire en l'espèce, le ministre n'a violé aucune des trois conventions mentionnées--Le demandeur soutient que la décision de le refouler vers un pays où il risque d'être traité d'une façon dure ou inhumaine viole les dispositions de l'accord international auquel le Canada est partie, de sorte que cela entraîne une violation des art. 7 ou 12 de la Charte--Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques interdit absolument un acte de torture ou un acte inacceptable qui est commis dans une région géographique sur laquelle la partie en cause exerce un contrôle--Étant donné que le Canada n'a pas compétence au Sri Lanka, il n'y a pas eu manquement au Pacte--La Convention contre la torture traite uniquement des actes de torture qui peuvent être commis sur un territoire relevant de la compétence de l'État--L'art. 16(2) prévoit que les dispositions de la Convention sont sans préjudice des dispositions de tout autre instrument international qui a trait à l'extradition ou à l'expulsion--Le Canada a signé la Convention relative au statut des réfugiés dont l'art. 33(2) permettrait au ministre, dans les cas appropriés, d'ordonner le refoulement d'un réfugié même si la vie ou la liberté de celui-ci sont menacées--En prenant une mesure conformément à l'art. 53(1)d), le ministre agissait dans un cas prévu à l'art. 33(2)--Les principes du droit international coutumier ne peuvent être reconnus et appliqués au Canada que dans la mesure où ils n'entrent pas en conflit avec le droit national du Canada--Le droit international coutumier invoqué devant la Cour irait à l'encontre de l'art. 53(1) de la Loi sur l'immigration--b) Les mots «danger pour le public au Canada» figurant aux art. 70(5) et 53(1)d) ne sont pas nuls pour le motif qu'ils sont imprécis--Un texte législatif ne viole pas la théorie de l'imprécision simplement parce qu'il est nécessaire de l'interpréter--Le fait que la législation n'énonce pas de critère permettant de déterminer le sens des mots «danger pour le public au Canada» ne veut pas dire que les mots sont nuls parce qu'ils sont imprécis--Il incombe à la Cour d'essayer d'interpréter ces mots--La Cour peut le faire dans la mesure où les mots établissent d'une façon suffisante le débat judiciaire--Si l'emploi de méthodes acceptées d'interprétation telles que l'analyse contextuelle de la loi permet à la Cour d'attribuer un sens aux mots en question, la théorie de l'imprécision ne s'applique pas--L'un des objectifs de la politique canadienne d'immigration est de garantir la sécurité et l'ordre public au Canada--Il ne serait pas déraisonnable de dire que l'un des objectifs de la législation est d'exclure du Canada les personnes qui se livrent à des activités criminelles graves pendant qu'elles résident en permanence au Canada--La première étape du processus visant à permettre de déterminer si une personne constitue un danger pour le public consiste à déterminer si la personne en question appartient à l'une des catégories de personnes qui peuvent être renvoyées après avoir été admises au Canada--Étant donné qu'il était visé par l'art. 27(1)d), le demandeur appartenait à l'une des catégories de personnes qui peuvent être renvoyées--Le ministre doit effectuer son appréciation et décider si elle doit délivrer un avis selon lequel le demandeur constitue un danger--Il faut examiner les activités du demandeur en vue de déterminer s'il constitue un danger pour le public au Canada--Toute personne devrait savoir que le fait d'avoir un rôle important dans un groupe criminel organisé ferait d'elle une personne qui serait considérée comme constituant un danger pour le public--c) Le refoulement du demandeur vers un endroit où il risque d'être traité d'une façon dure ou inhumaine par les autorités gouvernementales ne constitue pas une violation des art. 7 et 12 de la Charte--L'art. 12 interdit les «traitements ou peines cruels et inusités»--L'application de la Charte est limitée aux mesures législatives et exécutives prises par le gouvernement canadien--Étant donné qu'en l'espèce, la torture ou la peine ne serait pas imposée par le Canada, mais par un autre pays, l'art. 12 n'est pas violé--En vertu de l'art. 7, chacun a droit à la sécurité de sa personne et il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale--La Cour établit l'équilibre entre les intérêts de l'État et le droit de la personne en cause dans le cadre de l'analyse fondée sur l'art. 1 de la Charte--L'art. 53(1)d) contrevient à l'art. 7 de la Charte, mais il est sauvegardé par l'art. premier--Selon l'analyse prévue dans La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, le droit du public au Canada d'être à l'abri des activités du demandeur l'emporte sur le droit du demandeur d'être protégé contre tout préjudice possible--(i) Les objectifs sous-tendant l'art. 53(1)d) sont de protéger le public au Canada contre les réfugiés qui constituent un danger--La conduite du demandeur est le genre de conduite que la législation tente d'interdire--Le public au Canada a le droit d'être libre de toute préoccupation concernant les groupes criminels dirigés par des réfugiés--(ii) L'art. 53(1)d) prévoit un moyen permettant de renvoyer du Canada les personnes qui constituent un danger pour le public au Canada--Il s'agit d'un lien rationnel entre l'objectif visé à l'art. 53(1)d) et la procédure employée pour déterminer si une personne constitue un danger pour le public au Canada--(iii) Il devrait être porté le moins possible atteinte au droit reconnu au demandeur par l'art. 7 de la Charte--Il incombe au procureur général de démontrer que l'art. 53(1)d) ne s'applique pas d'une façon plus étendue que nécessaire pour atteindre le but visé parce que cette disposition permet uniquement au ministre de renvoyer une personne si elle relève, pour toute infraction punissable aux termes d'une loi fédérale d'un emprisonnement maximal égal ou supérieur à dix ans, du cas visé à l'art. 27(1)d) et que, selon le ministre, elle constitue un danger pour le public; la décision du ministre peut être examinée au moyen d'un contrôle judiciaire si l'autorisation est accordée; l'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre est toujours assujetti à un examen au moment où la Cour étudie le dossier afin de déterminer si l'autorisation doit être accordée--(iv) Il doit exister une proportionnalité entre l'objectif visé par la législation et ses effets préjudiciables ou bénéfiques--L'art. 53(1)d) permet au ministre de renvoyer du Canada les personnes qui constituent un danger pour le public--L'art. 53(1)d) est conforme à l'art. 6(1) de la Charte en ce sens qu'il montre que les non-citoyens n'ont pas le droit absolu de demeurer au Canada--Les effets bénéfiques de la législation l'emportent sur les effets préjudiciables qu'elle a pour le demandeur, qui fait face au refoulement et qui risque d'être traité d'une façon dure et inhumaine à son retour au Sri Lanka--Le renvoi du demandeur dans un pays où il peut être assujetti à un traitement dur ou inhumain ne choquerait pas la conscience du peuple canadien--Le demandeur doit subir les conséquences de son choix, puisque, au Sri Lanka, il s'est livré à des activités qui lui ont posé des problèmes auprès du gouvernement et qu'il s'est livré à des activités criminelles au Canada, alors qu'il n'y était pas citoyen canadien--La décision que le ministre a prise d'exprimer, conformément à l'art. 53(1)d), l'avis selon lequel le demandeur constitue un danger pour le public au Canada est non seulement une décision raisonnable, mais aussi une décision correcte--Le demandeur a été autorisé à présenter des observations écrites avant que l'avis soit délivré--Le ministre a évalué le risque pour le public et le risque de torture si le demandeur était refoulé au Sri Lanka--Le critère permettant de déterminer si la décision du ministre porte atteinte au droit à la sécurité de la personne reconnu au demandeur à l'art. 7 de la Charte est énoncé de nouveau comme étant celui de savoir si l'expulsion choquerait la conscience de la population canadienne--Le peuple canadien ne ferait plus confiance au système applicable aux réfugiés si le demandeur était autorisé à demeurer au Canada--Les principes de justice fondamentale n'exigent pas qu'il y ait une source d'origine législative pour qu'il existe une obligation ministérielle d'évaluer le risque et de soupeser les différents intérêts, telle que cette obligation est garantie à l'art. 7 de la Charte--4) Le demandeur a bénéficié de l'application régulière du droit procédural--a) La loi n'exige pas que le processus décisionnel suivi par le ministre soit objectif--b) Étant donné que le demandeur avait eu la possibilité de présenter des observations écrites au ministre avant que la décision soit prise, il n'était pas nécessaire de tenir une audience afin d'observer l'art. 7--c) Les motifs écrits de la décision du ministre figurent dans la demande par laquelle on a demandé au ministre de délivrer un avis--d) Le demandeur soutient qu'un décideur différent devrait agir à chaque stade de la procédure--Le chevauchement des fonctions qui est autorisé par la loi n'entraîne pas une crainte de partialité dans la mesure où les dispositions législatives sont suivies--Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, art. 27(1)d) (mod. par L.C. 1992, ch. 47, art. 78), 53(1)d) (mod. par L.C. 1995, ch. 15, art. 12), 70(5) (mod. idem, art. 13)--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi du Canada de 1982, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 1, 6, 7, 12--Pacte international relatif aux droits civils et politiques, 19 décembre 1966, [1976] R.T. Can. no 47--Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants Rés. AG 39/46, DOC. OFF. A.G., 10 décembre 1984--Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 28 juillet 1951, [1969] R.T. Can. no 6, art. 33(2).

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