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Canada c. Constructions Bérou Inc.

A-249-96

juges Desjardins, Létourneau, J.C.A., et Noël, J.C.A. (dissident)

15-11-99

69 p.

Cotisation pour l'année d'imposition 1982 n'autorisant pas les déductions à titre d'allocation du coût en capital, de crédit d'impôt à l'investissement et pour les intérêts relativement à du matériel de transport (camions à bennes) acquis au moyen de contrats de crédit-bail-La Cour de l'impôt a conclu dans sa décision que l'appelante avait droit au crédit d'impôt à l'investissement mais pas à l'allocation du coût en capital-La Section de première instance a confirmé la cotisation en tous points-Appel formé contre cette dernière décision-Appel accueilli (le juge Noël, J.C.A., étant dissident)-Le juge Létourneau, J.C.A.-L'art. 248(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu représente un effort du législateur d'assimiler le «beneficial ownership» d'un bien à diverses formes de propriété propres au droit civil québécois dans le but évident de faire bénéficier les contribuables québécois des mêmes avantages que cette notion permet d'octroyer aux contribuables des provinces de common law-En outre, l'art. 248(3) de la Loi procure un fondement législatif au Bulletin d'interprétation IT-233R quant à son application au Québec--La problématique soulevée par le présent appel n'est plus susceptible de se poser, du moins avec autant d'acuité, d'une manière contemporaine car les parties à un crédit-bail peuvent, depuis 1990, déterminer entre elles celle qui bénéficiera des déductions relatives à l'allocation du coût en capital et aux intérêts-Comme l'appelante avait sur les biens obtenus les attributs normaux du droit de propriété, i.e., la possession, l'usage et les risques de perte ainsi que les obligations qui découlent de ces attributs, l'appelante avait droit à l'amortissement du coût en capital des biens acquis ainsi qu'à la déduction des intérêts payés pour l'acquisition de ces biens-Les biens acquis par l'appelante en 1982 étaient des biens amortissables au sens de l'art. 13(21)b) de la Loi-Il y a acquisition d'un bien aux fins de l'allocation du coût en capital lorsque l'acheteur a réuni tous les accessoires du titre, tels que la possession, l'utilisation et le risque, bien que le titre légal reste au vendeur en garantie du prix d'achat comme le veut la pratique commerciale dans les cas de contrats de vente conditionnelle: Le ministre du Revenu national c. Wardean Drilling Limited, [1969] 2 R.C.É. 166-Bien qu'en droit civil québécois, le droit de propriété ne fût pas susceptible du même démembrement qu'en common law, graduellement, le droit civil québécois s'est, au fil du temps, adapté à certains démembrements du droit de propriété de la common law, incluant ceux en l'espèce-Le contrat de crédit-bail soulevait controverse du fait qu'il introduisait des concepts étrangers au droit civil-La Cour d'appel du Québec reconnaissait que le client du prêteur avait acquis le bien lorsqu'il avait obtenu la propriété effective de ce bien (beneficial ownership), même en l'absence du droit réel conféré par le titre légal (legal ownership): Nashua Canada Ltée c. Genest, [1990] R.J.Q. 737 (C.A.); Cie d'expertise en sinistres Casualty Ltée c. Auto Hamer 1979 Ltd., [1988] R.J.Q. 241 (C.A.)-On ne peut que s'étonner que, dans le présent appel, l'intimée invoque le particularisme du droit civil québécois pour refuser à l'appelante une déduction par ailleurs accordée aux contribuables et hommes d'affaires soumis au régime de la common law-En 1982, un contribuable telle l'appelante qui obtenait du prêteur dans une opération de crédit-bail des biens suite à une location-acquisition réputée alors être une vente à des fins fiscales, acquérait lesdits biens aux fins de l'allocation du coût en capital prévue à l'art. 13(21)b) de la Loi-L'appelante avait également droit au crédit d'impôt à l'investissement en tant que matériel de transport admissible qui avait été acquis pour être utilisé ou loué selon les termes de l'art. 127(10.1)d) de la Loi-Il s'agit ici de deux ventes successives opérées par la même transaction: une première par le fournisseur Labrie Équipement à la Compagnie de location C.A.C. et une deuxième vente présumée ou réputée par C.A.C. à l'appelante selon les termes du crédit-bail-Comme la compagnie C.A.C. n'a pas acheté ces biens pour les utiliser ou les louer, mais plutôt pour les revendre, l'appelante est alors celle qui les a acquis pour les utiliser et, en conséquence, elle a droit au crédit d'impôt à l'investissement-L'appelante a droit au crédit d'impôt à l'investissement de 21 729 $, à la déduction pour amortissement de 84 219 $ et à la déduction des intérêts au montant de 48 931 $-Le juge Desjardins, J.C.A., souscrivant au résultat-Les contrats rencontraient les exigences qui permettent de conclure que, suivant IT-233 et IT-233R, ces contrats constituaient des ventes et non des locations aux fins de l'amortissement, de l'allocation de coût en capital et du crédit d'impôt à l'investissement-Le Parlement canadien a taillé, pour des fins fiscales et pour l'ensemble du Canada, un concept commun couvrant les notions de «disposition de biens» («disposition») et de propriété effective «beneficial ownership», autant en droit civil qu'en common law; le corollaire étant que lorsqu'il y a «disposition de biens» pour une partie à un contrat, l'autre partie en fait l'«acquisition» ou en obtient la «propriété effective»-La clause 20 (qui prévoit qu'au moment oú le locataire exercera l'option d'achat, il ne recevra le titre et droit de propriété de l'équipement loué qu'après avoir payé en espèces au locateur le prix de l'option d'achat) ne fait pas échec à l'application de l'art. 248(3), étant donné qu'il s'agit d'une clause type qui reflétait l'état du droit civil applicable à l'époque, selon lequel le locataire n'obtenait un droit réel sur la chose louée qu'à l'étape de l'option-Toutefois, en 1982, lorsque les contrats de crédit-bail furent signés, l'art. 248(3) de la Loi était déjà en place et déclarait, pour des fins fiscales, que certains contrats étaient facteurs de transmission de la «propriété effective»-En l'espèce, malgré la clause 20 des contrats qui régissait le droit des parties en droit civil, le droit fiscal, par le jeu de l'art. 248(3) de la Loi, reconnaissait que l'appelante avait acquis la propriété effective des camions à bennes puisqu'elle rencontrait les trois facteurs: possession, usage et risques, reconnus par la jurisprudence-L'appelante a ainsi droit à l'amortissement des biens selon l'art. 13(21)b) de la Loi-Ce faisant, à cette même date, elle a «acquis» ces mêmes biens au sens des art. 20(1)c) et 127(10.1)d) de la Loi et a, par conséquent, également droit à la déduction des intérêts et au crédit d'impôt à l'amortissement-Le juge Noël, J.C.A., dissident-Le juge de première instance a jugé à bon droit que les contrats ici en cause n'étaient pas translatifs de propriété tant et aussi longtemps que les options d'achat qu'ils prévoyaient n'étaient pas levées-La question est de savoir si le législateur, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, aurait écarté cette réalité juridique issue du droit privé pour lui préférer la démarche énoncée par le bulletin d'interprétation-Le mot «acquis» que l'on retrouve dans chacune des dispositions en cause doit être compris dans son sens normal soit comme évoquant l'acquisition de la propriété d'un bien et en l'absence d'indication contraire, la propriété d'un bien ne peut s'acquérir autrement que selon le droit privé applicable-L'art. 248(3) a pour but évident d'assimiler le «beneficial ownership» d'un bien à diverses formes de propriété propres au droit civil aux fins de son application au Québec-Les parties ont convenu que la propriété demeurerait entre les mains des sociétés de finance jusqu'au moment prévu pour l'exercice de l'option et que le titre et droit de propriété serait transmis à l'appelante à ce moment, sujet à ce qu'elle choisisse de lever l'option et d'en payer le prix, et, dans la mesure oú l'effet d'un contrat est fonction de l'intention des parties, la propriété des biens («legal» ou «beneficial» dans une perspective de common law) ne pouvait pas être transmise à l'appelante avant que l'option ne soit exercée-Il n'est pas question ici de simulacre ou de trompe-l'_il-Il n'appartient pas aux tribunaux en matière fiscale de réécrire une entente librement négociée entre deux parties au motif que l'une d'entre elles prétend, après le fait, avoir conclu une entente contraire au contrat qu'elle a signé-Les sociétés de finance ont réclamé l'allocation du coût en capital et le crédit d'impôt à l'investissement conformément au droit de la propriété que les contrats leur reconnaissaient en attente de l'exercice de l'option-Le bulletin IT-233R est dénué de fondement juridique-Rien n'empêche les parties à un contrat de validement stipuler que la propriété du bien loué demeure entre les mains du locateur même si le coût d'exercice de l'option en rapport avec la valeur «probable» de l'objet loué peut sembler «très inférieur» au moment de la signature du contrat--Au delà du fait que la règle préconisée par le bulletin n'est pas autorisée par la Loi, elle donne lieu à une grande incertitude et invite l'arbitraire-Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 13(21)b) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 5(5)), 20(1)c), 127(10.1)d) (édicté par S.C. 1977-78, ch. 1, art. 61(10); 1980-81-82-83, ch. 48, art.73(6)), 248(3).

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