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Hiebert c. Canada ( Commissaire adjoint intérimaire, Développement organisationnel, Service correctionnel )

T-559-98

juge Pelletier

15-12-99

16 p.

Le demandeur est détenu dans un pénitencier fédéral-Sa demande de transfèrement a été rejetée en raison de la présence de «personnes incompatibles» au sein de la population de l'établissement visé-Le grief déposé à l'encontre du rejet de sa demande a été rejeté-Dans le cadre de sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur a demandé que lui soient divulgués la liste des personnes incompatibles à son égard, les motifs pour lesquels ces personnes sont perçues aujourd'hui comme étant incompatibles, de même que les dates et les méthodes d'examen de leur statut-L'affidavit produit en réponse à cette demande laisse entendre que les documents demandés n'existent pas-Les défendeurs ont également déposé un certificat invoquant les dispositions de l'art. 37 de la Loi sur la preuve au Canada et de l'art. 27(3)a) et b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition; lues conjointement, ces dispositions autorisent la non-divulgation de documents lorsqu'une telle divulgation risque de mettre en danger la sécurité d'une personne ou du pénitencier-La Cour est par conséquent saisie d'une demande de production de documents n'existant pas sous la forme demandée et dont le décideur n'avait pas connaissance, de même que d'un refus relativement à la production de documents qui existent et dont disposait le décideur-Les règles 317 et 318 des Règles de la Cour fédérale (1998) s'appliquent-Une ordonnance a été délivrée aux termes de la règle 318 pour que soit soumise à un juge, lors d'une audience, la question de la production des documents-L'on ne peut ordonner la production que des documents dont disposait le décideur-Non seulement le décideur ne disposait-il pas des documents que le demandeur cherche à faire produire en l'espèce, mais de plus il n'existe aucune preuve tendant à montrer que ces documents existent sous la forme demandée-Les règles ne permettent pas à une partie de demander au tribunal de préparer de nouveaux documents ou d'effectuer des recherches à partir de documents existants, pas plus qu'elle ne permet à une partie d'obtenir du tribunal des documents existants qui n'ont aucune relation avec la décision attaquée: Terminaux portuaires du Québec Inc. c. Canada (Conseil canadien des relations du travail) (1993), 164 N.R. 60 (C.A.)-En l'absence de preuve tendant à montrer que de tels documents existent, et vu la preuve établissant que le décideur ne disposait pas de tels documents, aucun motif ne justifie que l'ordonnance recherchée soit délivrée-Quant à la crainte implicite du demandeur que la mauvaise foi ait entraîné le rejet de sa demande de transfèrement, la preuve permet de conclure qu'il y avait un fondement rationnel au soutien de la prétention du défendeur-Quant aux documents dont disposait le décideur, mais dont la production est contestée au motif qu'elle mettrait en danger la sécurité de certains individus ou du pénitencier, il s'agit de déterminer non pas s'il existe des motifs valables pour refuser de communiquer ces renseignements mais plutôt si les renseignements communiqués suffisent à permettre à la personne concernée de réfuter la preuve présentée contre elle: Demaria c. Comité régional de classement des détenus, [1987] 1 C.F. 74 (C.A.)-Il est possible, dans certaines circonstances, qu'un détenu ne puisse être informé que de l'essentiel des motifs retenus contre lui, par exemple lorsque la divulgation permettrait automatiquement d'identifier l'informateur-La question en l'espèce concerne le statut d'incompatibilité de certains détenus à l'égard du demandeur-Le fait d'être perçu comme étant une «personne incompatible» à l'égard d'un individu qui a été déclaré coupable d'avoir tué deux autres détenus n'est certainement pas négligeable-Il serait particulièrement déplaisant d'être identifié comme étant la personne dont l'incompatibilité avec le demandeur a empêché celui-ci de retourner dans la région du Pacifique-Il n'est pas possible d'aborder le sujet des personnes incompatibles sans les exposer à un certain danger-Quoi qu'on dise au sujet des personnes incompatibles, le simple fait d'en parler fournit à ceux en position de leur causer du tort plus de renseignements qu'il ne leur en faut-Le demandeur a été mis au courant de l'essentiel des motifs pour lesquels sa demande de transfèrement a été rejetée-En dire davantage équivaudrait à dévoiler des renseignements au sujet des personnes incompatibles en particulier, ce qui les exposerait à un danger-Dans l'arrêt Goguen c. Gibson, [1983] 2 C.F. 463 (C.A.), la Cour avait adopté une approche à deux volets pour trancher les demandes de non-divulgation-Dans un premier temps, la Cour a examiné les revendications opposées (en faveur de la divulgation et de la non-divulgation) en s'appuyant sur la preuve par affidavit dont elle disposait-La Cour ne passe à la deuxième étape de l'analyse, soit celle qui porte sur l'examen des documents, que si elle ne peut statuer sur la question à cette étape-là-Étant donné que la décision en l'espèce se fonde sur la nature même des renseignements demandés, soit l'identité des personnes incompatibles, il n'est pas nécessaire d'examiner les documents-La Cour a néanmoins examiné les documents en vue de statuer sur la question de la mauvaise foi-Il importe de trouver un équilibre entre la règle très large de non-divulgation dans ces cas-là et le besoin de s'assurer objectivement que le pouvoir dont sont investis les agents de correction est exercé conformément aux fins prévues-Cela n'implique rien de plus qu'une évaluation quant à savoir s'il existe un fondement rationnel à l'appui de la prétention avancée par les autorités correctionnelles-Il n'appartient pas à la Cour de tenter de procéder à une évaluation des risques-En l'espèce, les documents ont un lien rationnel avec l'objectif visé et, par conséquent, il n'y a pas lieu de rajouter quoi que ce soit à cet égard-Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98106, règles 317, 318-Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. (1985), ch. C-5, art. 37-Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 27(3)a),b).

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