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ASSURANCE-EMPLOI

Canada (Procureur général) c. Haberman

A-717-98

juges Sexton, Strayer et Isaac (dissident), J.C.A.

21-7-00

45 p.

Contrôle judiciaire du rejet par le juge-arbitre de l'appel de la Commission à l'encontre de la décision du conseil arbitral--Sous le régime de la Loi sur l'assurance-chômage, l'admissibilité aux prestations de l'assurance-chômage était déterminée en fonction du nombre de semaines de travail pendant la période de référence--Depuis le 4 janvier 1997, sous le régime de la Loi sur l'assurance-emploi (la Loi), l'admissibilité est déterminée en fonction du nombre d'heures travaillées--L'art. 94.1 du Règlement sur l'assurance-emploi prévoit la conversion des semaines d'emploi assurable accumulées avant le 1er janvier 1997 en heures, à raison de 35 heures d'emploi assurable par semaine d'emploi assurable--La défenderesse a demandé des prestations d'assurance-emploi en mars 1997--Elle devait avoir accumulé au moins 910 heures d'emploi assurable pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi--La Commission de l'assurance-emploi a appliqué l'art. 94.1 pour convertir les 18 semaines pendant lesquelles elle avait travaillé avant le 1er janvier 1997 en 630 heures de travail et elle a conclu que la défenderesse n'avait accumulé que 904 heures d'emploi assurable--La défenderesse a fait valoir qu'elle avait travaillée plus de 35 heures par semaine en 1996--Le conseil arbitral a accueilli l'appel en s'appuyant sur le «gros bon sens»--Après le prononcé de la décision du conseil arbitral, la Commission a demandé à un fonctionnaire du ministère du Revenu national de déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable que la défenderesse avait accumulées en 1997--Le juge-arbitre a rejeté l'appel interjeté par la Commission en statuant que l'art. 94.1 n'obligeait pas la Commission à convertir une semaine d'emploi assurable survenue en 1996 en 35 heures lorsqu'un prestataire fournissait la preuve qu'il avait travaillé plus de 35 heures par semaine--Il a aussi conclu qu'une preuve contraire établissait que la défenderesse avait accumulé un nombre d'heures suffisant pour avoir droit aux prestations d'assurance-emploi--Demande accueillie (le juge Isaac, J.C.A., étant dissident)--Le juge Sexton, J.C.A.: L'art. 90(1)d) de la Loi permet à l'employeur et à l'employé de demander à un fonctionnaire du ministère du Revenu national de rendre une décision sur le nombre d'heures d'emploi assurable--L'art. 122 prévoit que si une question prévue à l'art. 90 se pose au cours de l'examen d'une demande de prestations, cette question est décidée par le fonctionnaire du ministère du Revenu national--L'art. 61(3)c) et l'art. 89 de la Loi sur l'assurance-chômage étaient semblables--Les décisions Canada (Procureur général) c. Vautour, [1996] A.C.F. no 1717 (C.A.F.); Canada (Procureur général) c. Kaur (1994), 167 N.R. 98 (C.A.F.); et Valentine c. Canada (Procureur général), [2000] A.C.F. no 619 (C.A.F.) ont établi que l'art. 61(3) empêche le conseil arbitral et le juge-arbitre de déterminer la durée de l'emploi assurable--Compte tenu de la jurisprudence et de l'art. 122 de la Loi, le conseil arbitral et le juge-arbitre n'ont pas compétence pour déterminer si la défenderesse a accumulé un nombre suffisant d'heures d'emploi assurable pour être admissible aux prestations--Le fait que le ministre n'ait pas demandé au ministère du Revenu national de déterminer le nombre d'heures assurables pour 1996 ne confère pas compétence au conseil arbitral ni au juge-arbitre pour se prononcer sur le nombre d'heures d'emploi assurable--Le fait que le ministre n'ait pas fait valoir devant le juge-arbitre que celui-ci n'avait pas compétence pour se prononcer sur le nombre d'heures que la défenderesse avait exercées dans le cadre d'un emploi assurable ne confère pas cette compétence au juge-arbitre si la loi ne la lui confère pas--La défenderesse aurait pu demander une décision sur le nombre d'heures pour 1996 en vertu de l'art. 90(1)d), mais l'art. 90(2) le lui interdisait après le 30 juin suivant l'année à laquelle la question était liée--L'art. 94 démontre que le ministère du Revenu national n'est pas assujetti à pareil délai de prescription--La Cour a enjoint au juge-arbitre de rendre la décision que le conseil arbitral aurait dû rendre, c'est-à-dire ordonner à la Commission de demander au ministre du Revenu national de déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable accumulées par la défenderesse en 1996--Le juge Strayer, J.C.A. (motifs concordants): La Commission a initialement compétence pour déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable si cette question n'est pas contestée, mais l'art. 90(1)d) et l'art. 122 ont pour effet que la Commission doit demander au ministère du Revenu national de rendre une décision si cette question se pose au cours de l'examen d'une demande de prestations--Dès que la défenderesse a contesté le calcul des heures d'emploi assurable pour 1996 effectué par la Commission, l'affaire aurait dû être soumise au Ministère--La Cour n'a pas le pouvoir de déterminer le nombre d'heures d'emploi assurable, mais si cette conclusion était erronée, une interprétation correcte de l'art. 94.1 autoriserait la Commission, le conseil arbitral et le juge-arbitre à calculer le nombre d'heures effectivement travaillées lorsque la preuve le leur permet--Le juge Isaac, J.C.A. (motifs dissidents): Selon l'art. 118 de la Loi, la décision d'un juge-arbitre est définitive et sans appel, mais peut faire l'objet d'une demande de contrôle judiciaire--La norme de contrôle d'une décision d'un juge-arbitre sur une question de droit ou de compétence est celle de la décision correcte, alors qu'il faut faire preuve d'une certaine retenue envers ses conclusions de fait--L'objectif de la Loi et du Règlement consiste à aider les personnes sans emploi qui pourraient être admissibles à des prestations--Les lois d'assistance sociale doivent recevoir une interprétation libérale qui favorise la réalisation du but bienveillant de la loi--L'interprétation de l'indicatif présent dans l'art. 94.1--L'indicatif présent n'exprime pas toujours une obligation--Il peut avoir un effet directif, selon le contexte: Montreal Street Railway Co. v. Normandin, [1917] 33 D.L.R. 195 (C.P.)--Selon la preuve, la défenderesse a travaillé pendant plus que les 910 heures exigées comme condition d'admissibilité aux prestations--L'employeur a fait état de la durée de son travail en heures et en semaines--Une interprétation généreuse de l'art. 94.1, compatible avec Hills, mène à une interprétation favorable à la défenderesse--Cette conclusion est renforcée par la reconnaissance du fait que l'indicatif présent utilisé dans l'art. 94.1 a un effet directif seulement--Elle est étayée par l'art. 10(1) du Règlement: lorsque l'employeur fournit la preuve du nombre d'heures effectivement travaillées par un employé et pour lesquelles il a été rétribué, l'employé est réputé avoir travaillé ce nombre d'heures d'emploi assurable--Le juge-arbitre n'a pas commis d'erreur de droit--La conclusion du juge Sexton sur la question de compétence confond les questions d'assurabilité et de droit aux prestations--L'interprétation que le juge Sexton a attribuée à l'art. 90(1) ne tient pas--Si l'art. 122 de la Loi englobait toutes les questions concernant les heures assurables, la Commission elle-même n'aurait aucune compétence pour trancher la question préliminaire de savoir si un prestataire remplit les conditions fixées par l'art. 7 de la Loi, c'est-à-dire qu'elle ne pourrait rendre aucune décision concernant les heures assurables et, partant, ne pourrait décider si un prestataire a droit à des prestations en vertu de la Loi--Les «questions» énumérées dans l'art. 90 doivent être interprétées de façon à laisser place à l'exercice par la Commission, le conseil et le juge-arbitre de la compétence que le législateur a voulu leur conférer relativement aux prestations--Cela n'est possible que si les questions concernant l'assurabilité de l'emploi, y compris la durée de l'emploi, relèvent du ministère du Revenu national et si celles concernant l'admissibilité aux prestations relèvent de la Commission, du conseil et du juge-arbitre--Les questions énumérées à l'art. 90 doivent être interprétées comme n'englobant que les questions touchant l'assurabilité et non celles touchant le droit aux prestations--Les arrêts Kaur, Vautour et Valentine, sur lesquels s'appuie le juge Sexton, portaient sur des questions d'assurabilité, qui relevaient de la compétence exclusive du ministre--Ils indiquent aussi que les questions touchant le droit aux prestations relèvent de la compétence de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre--La question à trancher en l'espèce était celle de savoir si 18 semaines à 38 heures par semaine en 1996, plus 274 heures en 1997 suffisaient pour que la défenderesse ait droit aux prestations--Cette question relève de la Commission, du conseil arbitral et du juge-arbitre--Le juge-arbitre n'avait pas compétence pour statuer sur le nombre réel d'heures assurables travaillées par la défenderesse, c'est-à-dire qu'elle était visée par l'art. 90(1)d)--La conclusion portant que la Commission devait compter en totalité les 684 heures assurables relevait de la compétence du juge-arbitre, car elle touchait le droit aux prestations--L'arrêt Canada (Procureur général) c. Hoek, [2000] 3 C.F. F-38 (C.A.), applique la règle du sens clair pour dire que l'art. 94.1 est impératif--Comme ces motifs ne mentionnent pas les méthodes d'interprétation décrites dans les arrêts Abrahams et Hills, ou Normandin, la Cour n'était pas liée par cette décision--Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, art. 7, 90(1)d),(2), 94, 118, 122--Règlement sur l'assurance-emploi, DORS/96-332, art. 10(1), 94.1 (mod. par DORS/97-31, art. 24)--Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C., (1985), ch. U-1, art. 61(3), 89.

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