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DROIT CONSTITUTIONNEL

Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada

T-1383-99

juge Pelletier

18-5-00

22 p.

Principes fondamentaux--Requête en radiation de la déclaration au motif que celle-ci ne révèle aucune cause d'action--Le Conseil du Trésor et l'AFPC avaient négocié une entente concernant certains membres du groupe CX (agents de correction) qui confirmait leur droit de grève--Quelques jours plus tard, le Parlement adoptait une loi qui rendait l'entente négociée sans effet en ordonnant le retour au travail du groupe CX et en forçant l'AFPC à aviser ses membres que tout ordre ou autorisation de grève donné avant l'adoption de la loi était nul en raison de l'entrée en vigueur de la loi--L'AFPC dit que la loi va à l'encontre de la primauté du droit parce qu'elle est arbitraire et qu'elle a été adoptée de mauvaise foi; elle constitue aussi une atteinte à la liberté d'expression de la demanderesse parce qu'elle force ses dirigeants à communiquer certains renseignements à ses membres --La demanderesse fait référence aux remarques incidentes du juge Noël dans la décision Huet c. Canada (1994), 85 F.T.R. 171 (C.F. 1re inst.), dans laquelle il dit que si les tribunaux ont le pouvoir de maintenir en vigueur des lois par ailleurs inopérantes en vertu du principe de la primauté du droit, ils doivent aussi avoir le pouvoir de déclarer inopérantes des lois dont la mise en application a comme effet de suspendre le règne de la loi--La demanderesse fait aussi référence au Renvoi relatif aux droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721 --Cependant, le recours à la primauté du droit dans cet arrêt était dicté par le besoin d'éviter de créer un vide juridique; le principe de la primauté du droit n'a pas été utilisé par la Cour pour déclarer une loi inopérante, mais pour justifier la suspension de l'entrée en vigueur de son propre jugement--La demanderesse allègue que la Constitution ne comprend pas uniquement les documents constitutionnels eux-mêmes, mais aussi les principes constitutionnels qui les sous-tendent, particulièrement lorsque ces principes sont expressément reconnus dans les documents constitutionnels, comme l'est la primauté du droit dans le préambule de la Charte; lorsqu'il y a une lacune dans les documents constitutionnels, elle peut être comblée par une référence aux principes sous-jacents, comme l'indique le Renvoi relatif au rapatriement, [1981] 1 R.C.S. 753--Même si l'arrêt Wells c. Terre-Neuve, [1999] 3 R.C.S. 199 étaye la position de la demanderesse en ce qu'il pose que la primauté du droit oblige le gouvernement à respecter ses obligations, il s'agit en fait d'une déclaration fortement favorable à la défenderesse en ce que la décision paraît reconnaître explicitement le droit d'une législature d'adopter une loi sans restriction, même si cette dernière est adoptée dans des circonstances qui laissent croire grandement à la mauvaise foi--La défenderesse se fonde sur l'arrêt Bacon v. Saskatchewan Crop Insurance Corp., [1999] W.W.R. 51, dans lequel la Cour d'appel de la Saskatchewan a rejeté l'idée selon laquelle la primauté du droit était un motif distinct permettant de déclarer des lois inopérantes; la cour a conclu que les cours supérieures pouvaient accorder réparation à l'égard de mesures administratives arbitraires en vertu de leur pouvoir de surveillance et de contrôle; les mesures législatives arbitraires qui ne peuvent pas être contestées en application du partage des compétences ou de la Charte peuvent l'être aux urnes--La défenderesse se fonde aussi sur la décision Singh c. Canada, [1999] 4 C.F. 583 (1re inst.), dans laquelle le juge McKeown a conclu que les normes constitutionnelles non écrites ne pouvaient pas être utilisées pour déclarer une loi inopérante et qu'aucun des principes non écrits allégués (le fédéralisme, le partage des compétences, l'indépendance judiciaire et la primauté du droit) ne justifiait l'annulation d'une loi adoptée par le Parlement agissant dans le cadre de la compétence que lui confère la Constitution--En appel ([2000] 3 C.F. 185 (C.A.)), le juge Strayer a conclu qu'un principe non écrit, y compris la primauté du droit, ne pouvait être utilisé pour faire annuler une loi qui relevait de la compétence du Parlement et qui ne contrevenait pas à la Charte --La décision de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Singh suffirait pour statuer sur la demande de la demanderesse dans le cadre d'une demande de jugement sommaire, mais le critère applicable à une demande visant la radiation d'une demande au motif qu'elle ne révèle aucune cause d'action est de savoir si la réclamation existe en droit, pas de savoir s'il existe un bon moyen de défense à faire valoir--La présente affaire est à la frontière d'une demande à l'égard de laquelle il existe un bon moyen de défense et d'une demande qui n'existe pas en droit--À la lumière de l'opinion généralement reçue selon laquelle la souveraineté du Parlement n'est limitée que par le partage des compétences prévu dans la Loi constitutionnelle de 1867 et par les droits énumérés dans la Charte, la demande fondée sur la primauté du droit ne révèle pas de cause d'action--Les parties de la déclaration de la demanderesse qui réclament que la loi soit déclarée inopérante en raison du non-respect de la primauté du droit sont radiées--La demanderesse allègue aussi une atteinte à la liberté d'expression de ses membres, qui ont été forcés de cesser le piquetage, activité qui constitue un moyen d'expression, et à celle de ses dirigeants, qui étaient tenus de faire certaines déclarations aux membres sur la validité de ce qu'on leur avait communiqué en rapport avec la grève--La demanderesse se fonde sur l'arrêt T.U.A.C. c. KMart Canada Ltd, [1999] 2 R.C.S. 1083, quant à la proposition selon laquelle le piquetage est un mode d'expression protégé par la Charte--Dans l'arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., [1985] 1 R.C.S. 295, le juge Dickson a conclu que la liberté comportait l'absence de coercition et de contrainte, et le droit de manifester ses croyances et pratiques--La loi en l'espèce prévoit que les dirigeants et les représentants de l'agent négociateur étaient tenus d'aviser les fonctionnaires que toute autorisation ou ordre de grève communiqué avant l'entrée en vigueur de la loi était nul et que les services gouvernementaux devaient reprendre sans délai--Il ne s'agit pas d'un cas où l'on fait obstacle à l'expression, mais d'un cas où l'on impose concrètement aux représentants de la demanderesse une obligation d'exprimer certaines choses avec lesquelles ils ne sont probablement pas d'accord--Il n'est pas expressément allégué dans la déclaration que la loi est invalide du fait qu'elle force l'AFPC et ses dirigeants à dire des choses avec lequelles ils ne sont pas d'accord--Il n'est pas expressément allégué dans la déclaration que la loi est inopérante du fait qu'elle force l'AFPC et ses dirigeants à dire des choses avec lequelles ils ne sont pas d'accord--Les parties de la demande qui portent sur la liberté d'expression seront radiées à moins que dans les trente jours, la demanderesse ne modifie sa demande pour alléguer une atteinte à sa liberté d'expression garantie par l'art. 2b) de la Charte--Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44], art. 2b)--Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., ch. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, no 1) [L.R.C. (1985), appendice II, no 5].

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