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IMPÔT SUR LE REVENU

Pratique

Capital Vision Inc. c. M.R.N.

T-493-00

juge Dawson

8-6-00

32 p.

Requêtes sollicitant des ordonnances prorogeant le délai imparti pour se conformer aux demandes de production de documents jusqu'à 30 jours après la décision définitive rendue sur les demandes de contrôle judiciaire--En 1996, Capital Vision Inc. et CVI Art Management (CVI) ont mis au point et fait connaître une stratégie en matière de dons de charité suivant laquelle cette dernière achète des oeuvres d'art en vrac, avec un rabais important (10 % de la juste valeur marchande), puis les vend en groupes à des acheteurs, à un prix variant entre 28 et 33 % de la juste valeur marchande--CVI prend aussi des dispositions pour que l'acheteur donne des oeuvres d'art à un organisme de bienfaisance enregistré, l'acheteur réalisant ainsi des économies nettes sur le prix d'achat et obtenant un crédit d'impôt important--En novembre 1998, Capital Vision Inc. a permis à Revenu Canada de consulter, sans restriction, tous les livres et registres, à l'exception d'une liste des acheteurs d'oeuvres d'art--En novembre 1999, la C.F. 1re inst. a accordé, ex parte, une ordonnance autorisant le ministre à exiger des demandeurs, conformément à l'art. 231.2(1), (3) de la Loi de l'impôt sur le revenu, la fourniture de renseignements et la production de documents concernant les personnes non désignées nommément--Les demandeurs ont sollicité le contrôle judiciaire de l'autorisation accordée ex parte ainsi qu'une ordonnance annulant les demandes--Par la suite, le ministre et les demandeurs se sont entendus pour reporter les dates limites précisées dans les demandes jusqu'au règlement des questions en litige--En février 2000, de nouvelles demandes ont été signifiées aux demandeurs sans autorisation judiciaire--Le ministre a fait valoir que les nouvelles demandes rendaient théorique toute contestation des anciennes demandes; il a prétendu que les requêtes étaient plutôt des requêtes au moyen desquelles les demandeurs tentaient d'éviter d'être poursuivis pour défaut de se conformer aux demandes; il a soutenu que la Cour ne pouvait accorder cette mesure de redressement parce qu'elle porterait atteinte au pouvoir discrétionnaire du poursuivant et au droit de déposer une dénonciation relativement à la perpétration d'un crime--Cette dernière observation repose sur la prémisse selon laquelle les demandeurs, s'ils négligent de se conformer aux demandes, risquent d'être reconnus coupables d'une infraction et passibles, par procédure sommaire, d'une amende ou d'une peine d'emprisonnement, comme le prévoit l'art. 238(1)--Requêtes accueillies--1) La Cour a la compétence voulue, conformément à l'art. 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale, pour accorder la mesure de redressement--L'art. 18.2 habilite la Cour à prendre les mesures provisoires qu'elle estime indiquées avant de rendre sa décision définitive--L'avis du ministre selon lequel il s'agit de requêtes en mesure de redressement provisoire qui visent à empêcher le dépôt d'accusations au criminel n'est pas accepté--Aucune accusation ne peut être portée tant et aussi longtemps que les demandeurs n'ont pas fait défaut de se conformer aux demandes dans le délai imparti--En prorogeant ce délai afin de maintenir le statu quo, la Cour n'empêche pas le dépôt d'accusations même si le dépôt d'accusations peut être différé--Si le ministre peut proroger le délai imparti pour se conformer à la demande sans s'ingérer irrégulièrement dans le processus de la poursuite, la Cour peut, elle aussi, maintenir le statu quo sans le faire--Conclusion étayée par la décision prononcée dans l'affaire Licht c. Ministre du Revenu national (1990), 90 DTC 6574 (C.F. 1re inst.), dans laquelle la Cour a exercé la compétence en litige dans un cas où cette compétence n'avait pas été contestée et a statué que la possibilité d'être poursuivi aux termes de la Loi à moins qu'une prorogation ne soit accordée constituait un préjudice irréparable--Si la Cour peut, à la demande du contribuable dont les affaires ont attiré l'attention du ministre, proroger le délai imparti pour se conformer à une demande pendant qu'elle est saisie d'une demande de contrôle judiciaire, elle doit également pouvoir le faire à la demande de la partie à qui l'on a signifié les demandes et qui s'expose à la possibilité d'une poursuite si elle néglige de s'y conformer--L'effet de la prorogation (retarder le dépôt de toute accusation) est le même--2) Application du critère énoncé dans l'arrêt RJR--MacDonald c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, pour décider s'il convient d'accorder une prorogation du délai--(i) En ce qui concerne la demande signifiée à Capital Vision Inc., il existe une question sérieuse quant à la régularité des efforts déployés par le ministre pour découvrir l'identité de certains contribuables, obtenir leur adresse et se procurer des documents qui se rapportent à eux en l'absence d'une autorisation prévue à l'art. 231.2(3)--La Cour remarque aussi le long délai qui s'est écoulé entre le moment du dernier contact du ministre avec des représentants de Capital Vision Inc. et celui où il a engagé des démarches devant la présente Cour afin d'obtenir une ordonnance autorisant la signification des premières demandes--En ce qui concerne les demandes qui ont été signifiées aux autres demandeurs, une question sérieuse à juger a été soulevée quant à savoir si les demandes étaient trompeuses et, dans l'affirmative, quant à savoir si une déclaration trompeuse rend ces demandes invalides--Pour faire valoir qu'il ne se soulève aucune question sérieuse à juger, il ne suffit pas au ministre de soutenir que les demandeurs n'ont produit aucune preuve étayant qu'il ne procédait pas à une enquête véritable sur la situation fiscale des particuliers nommés à l'annexe A des demandes signifiées aux demandeurs autres que Capital Vision Inc.--Il ne peut, non plus, se contenter de soutenir, dans le même but, que les demandeurs savaient qu'il s'intéressait aux renseignements et aux documents concernant les clients de Capital Vision Inc.--(ii) Les demandeurs ont établi l'existence d'un préjudice irréparable--Un préjudice irréparable doit être de nature matérielle et ne pas pouvoir être adéquatement compensé par des dommages-intérêts--Le simple fait de déposer des accusations criminelles comporte réellement la possibilité de causer un préjudice grave aux demandeurs et à leur réputation, même si ceux-ci sont finalement acquittés--En plus du préjudice inhérent au fait d'avoir à faire face à une accusation prévue à la Loi, au moins deux demandeurs ont indiqué qu'ils allaient se conformer aux demandes s'ils n'obtenaient pas la mesure de redressement provisoire demandée--Si les demandeurs se conforment aux demandes, la demande de contrôle judiciaire deviendra inopérante et, contrairement à ce que prétend le ministre, ne leur donnera pas la possibilité de saisir les cours criminelles d'une contestation--(iii) Une fois ces renseignements connus, le ministre pourrait protéger le délai de prescription en présentant des avis de nouvelle cotisation--Le défaut d'accorder la prorogation placerait les demandeurs dans une position où ils devraient choisir entre fournir les renseignements et produire les documents demandés, ce qui rendrait l'instance en contrôle judiciaire théorique et serait susceptible de nuire aux relations commerciales entre Capital Vision Inc. et ses clients, et négliger de le faire, ce qui pourrait donner lieu à une poursuite au criminel--La prépondérance des inconvénients favorise l'octroi de la prorogation--Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), F-17, art. 18.2 (édicté par L.C. 1990, ch. 8, art. 5)--Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1, art. 231.2 (mod. par L.C. 1996, ch. 21, art. 58), 238.

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