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Morneault c. Canada ( Procureur général )

T-1645-97

juge Reed

27-4-98

54 p.

Demande de contrôle judiciaire visant à obtenir l'annulation des conclusions tirées contre le requérant, commandant du Régiment aéroporté du Canada (RAC), par la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces canadiennes en Somalie-Le décret en conseil par lequel la Commission a été nommée avait prévu la tenue d'une enquête sur les événements survenus au cours de la période antérieure au déploiement, de la période des opérations sur le théâtre, et de la période qui a suivi le déploiement-La Commission n'a terminé que la première de ces trois phases de l'enquête prévue, et elle était déjà bien engagée dans la deuxième phase de son enquête lorsqu'on a coupé court à ses travaux-Le requérant conteste les décisions de la Commission en invoquant les moyens suivants: 1) la Commission n'a pas pu terminer la phase de son enquête portant sur les opérations sur le théâtre, aussi lui était-il impossible de déterminer l'existence d'un lien de causalité important entre les responsabilités du requérant pendant la période antérieure au déploiement et les événements survenus en Somalie; 2) le requérant n'a pas reçu un préavis suffisant des allégations d'inconduite et n'a pas eu la possibilité d'y répondre avant que les conclusions ne soient tirées contre lui; 3) la Commission a tiré de façon abusive et arbitraire des conclusions de fait sans tenir compte de la preuve dont elle disposait-Le requérant a formé des soldats dans le cadre d'une mission de maintien de la paix dans le nord-est de la Somalie-La nature de la mission a changé avant que le RAC ne parte pour la Somalie: la mission du RAC est devenue une mission d'imposition de la paix (une telle mission exige éventuellement, et permet, un plus grand recours à la force qu'une mission de maintien de la paix), le déploiement devant s'effectuer à Belet Huen, région beaucoup plus instable de la Somalie-La nouvelle mission est décrite dans le rapport de la Commission comme une mission incertaine, dans une région différente de la Somalie, selon de nouvelles dispositions de commandement et en fonction d'une structure modifiée et de règles d'engagement différentes-Demande accueillie-Vu le mandat confié à la Commission, les allégations d'inconduite ayant trait à l'entraînement et au leadership du RAC avant son déploiement en Somalie constituaient un domaine autonome d'enquête à l'égard duquel la Commission pouvait tirer des conclusions d'inconduite-Les allégations dirigées contre le requérant ne sont pas de même nature que celles qui ont été radiées dans l'arrêt Addy c. Canada (Commissaire et président de la Commission d'enquête sur le déploiement des Forces armées canadiennes en Somalie), [1997] 3 C.F. 784 (1re inst.)-Le requérant aurait dû recevoir le préavis prévu à l'art. 13 de la Loi sur les enquêtes en ce qui concerne, d'une part, la déclaration générale de condamnation que l'on trouve au vol. 1 du rapport de la Commission, déclaration qui précise que plusieurs officiers qui ont comparu devant la Commission ont recouru dans leurs témoignages à de la tromperie et à de l'esquive, ont trahi la confiance du public et qu'il y aurait lieu de réexaminer le statut de ceux d'entre eux qui seraient toujours dans les Forces armées et, d'autre part, la déclaration générale que l'on trouve dans les commentaires introductifs du vol. 4 qui caractérise les individus qui sont par la suite nommément désignés dans ce volume comme étant ceux qui ont blâmé d'autres personnes pour leurs actes, qui ne se sont pas élevés contre les commandements irréguliers qu'ils recevaient et qui, dans leurs fonctions, ont manqué au devoir de s'élever contre des actions irrégulières-Ces déclarations attribuent à des personnes nommément désignées un comportement qui est à la fois moralement et légalement répréhensible-Il s'agit du genre de conclusions pour lesquelles le préavis prévu à l'art. 13 aurait dû être donné-Il est malheureux que ces déclarations générales de condamnation aient été consignées dans le Rapport-Elles peuvent avoir pour effet de ternir la réputation de personnes innocentes et de causer un préjudice considérable à des personnes qui ne méritent pas une telle désapprobation-À tout le moins, le requérant a le droit d'obtenir de la Cour qu'elle déclare que ni le dossier de la Commission ni les documents déposés pour les fins de cette demande de contrôle judiciaire n'appuient la conclusion voulant que sa conduite fût telle qu'elle l'incluait dans l'une ou l'autre de ces déclarations générales-Aucune faute n'a été imputée au requérant dans le Rapport en raison des problèmes de discipline au sein du RAC-La conclusion principale énoncée au ch. 35 du Rapport était que le requérant ne s'était pas acquitté de ses importantes responsabilités relatives à la formation parce qu'il n'avait pas inculqué aux membres de ses commandos, par la conception d'un plan de formation approprié et par une supervision directe satisfaisante, une attitude convenant à une mission de maintien de la paix-La Commission a également conclu que le requérant avait omis d'instruire ses commandants sur le but, la portée et les objectifs de l'entraînement-La Commission a donc conclu non seulement que le requérant avait négligé d'organiser, de diriger et de superviser comme il convenait les préparatifs de la formation, mais qu'il avait manqué aussi à son devoir de commandant tel qu'il est défini par analogie avec l'art. 4.20 des Ordonnances et règlements royaux et par les coutumes militaires-Le requérant n'a pas eu un préavis suffisant-Le fait que le requérant avait qualité à part entière pour agir devant la Commission, qu'il avait accès à tous les documents déposés, et qu'il jouissait du droit de contre-interroger les témoins ne réduit pas nécessairement l'obligation de lui donner un préavis concernant précisément ce qui amenait les commissaires à penser que sa conduite pouvait être qualifiée d'inconduite-La quantité de documents remis à la Commission et la durée de ses travaux augmentent plutôt qu'elles diminuent la nécessité de donner un préavis suffisamment détaillé-Le critère applicable pour déterminer si un préavis suffisant a été donné est de savoir si une personne raisonnable considérerait avoir reçu suffisamment de renseignements pour savoir quels aspects de sa conduite peuvent justifier ou étayer une conclusion d'inconduite-On ne pouvait s'attendre à ce que le requérant réfute chaque commentaire négatif dirigé à son endroit, devinant qu'un ou plusieurs de ceux-ci pourraient inquiéter les commissaires-Le requérant n'a pas reçu de préavis suffisant à propos de plusieurs questions que la Commission a fini par invoquer pour justifier ses conclusions d'inconduite contre lui-Le Rapport est une décision au sens de l'art. 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale; l'issue pour l'individu visé étant soit le rejet de l'accusation, soit une conclusion d'inconduite à son égard, il s'agit donc d'un processus décisionnel quasi judiciaire-En outre, les conclusions de la Commission imputant des fautes à des personnes nommément désignées peuvent entraîner des conséquences graves sur leur réputation et leur carrière-Le critère applicable est celui de la décision manifestement déraisonnable-La faute imputée par la Commission au requérant pour le motif qu'il n'avait pas organisé, dirigé et supervisé comme il convenait les préparatifs de la formation du 5 au 21 septembre 1992 est profondément viciée: plusieurs constatations de fait ne sont pas compatibles avec la preuve-Plusieurs conclusions ne sont aucunement étayées par la preuve-La décision était donc manifestement déraisonnable-La conclusion selon laquelle le requérant a manqué à son devoir de commandant tel qu'il est défini par analogie avec l'art. 4.20 des Ordonnances et règlements royaux et par les coutumes militaires est également manifestement déraisonnable, compte tenu des mêmes faits-Le recours qui s'impose est une déclaration invalidant l'imputation de fautes au requérant par la Commission telles qu'elles sont énoncées au ch. 35 de son Rapport-Le requérant a droit à une déclaration portant que le dossier n'étaye aucunement la conclusion selon laquelle les deux déclarations générales de condamnation que l'on trouve dans le Rapport s'appliquent à lui.

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