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Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd.

T-3197-90 / T-2983-93 / T-2624-91

juge Wetston

25-3-98

161 p.

Contestation de la validité d'un brevet par les demanderesses, sociétés fabricantes de médicaments génériques, et allégation de contrefaçon par la défenderesse Wellcome-Le brevet, propriété de Wellcome, porte sur des formulations pharmaceutiques contenant de la 3'-azido-3'-désoxythymidine à utiliser pour le traitement ou la prévention des infections rétrovirales humaines, dont le SIDA; ce médicament, également connu sous les noms commerciaux de zidovudine ou retrovir, est communément appelé AZT-Les questions suivantes sont soulevées quant à la validité: (1) L'invention alléguée constitue-telle une méthode de traitement médical, de sorte qu'elle ne pourrait faire validement l'objet d'un brevet? (2) Le brevet comporte-t-il des revendications qui vont au-delà de ce qui avait été inventé au moment de la date alléguée de l'invention? (3) S'il y a eu invention, les demanderesses Apotex et Novopharm (A&N) sont-elles empêchées de soulever la question de l'auteur de l'invention? (4) S'il y a eu invention, les inventeurs véritables ont-ils été révélés dans le brevet? (5) L'invention décrite dans le brevet est-elle évidente? (6) Les revendications du brevet sont-elles trop vastes, insuffisantes ou ambiguës? (7) Certains termes employés dans les revendications sont-ils ambigus? (8) Le terme «3'-azido-3'-désoxythymidine» est-il trop vaste ou ambigu?-Les questions suivantes sont soulevées quant à la contrefaçon: (1) Wellcome Foundation Limited et Glaxo Wellcome Inc. ont-elles qualité pour agir? (2) Dans la mesure oú le brevet est valide, A&N l'ont-elles contrefait?-Validité-Il y a une présomption de validité en vertu de l'art. 45 de la Loi sur les brevets-La partie qui attaque la validité doit présenter des éléments de preuve d'invalidité du brevet avant que la Cour n'aborde l'examen de cette question-Le degré de preuve nécessaire dépend des circonstances de chaque espèce-Il y a plusieurs points dans le processus du brevet qui sont pertinents en vue de l'examen de la validité, notamment la date de l'invention, la date de la demande, la date de priorité et la date de délivrance du brevet-Le brevet est en l'espèce interprété en fonction de la date de dépôt de la demande de brevet canadien, soit le 16 mars 1986-L'arrêt Shell Oil Co. c. Commissaire des brevets, [1982] 2 R.C.S. 536, établit qu'il est possible d'obtenir un brevet pour la découverte d'une utilisation nouvelle d'un composé déjà connu, que l'activité inventive soutenant le brevet est la découverte de l'utilisation nouvelle du composé, que le brevet couvre l'idée et la méthode de l'exécuter, et enfin que la méthode d'exécution de l'invention, ou sa réalisation pratique, n'exige pas l'activité inventive-Toutefois, on ne peut breveter au Canada une méthode de traitement médical-Le brevet en l'espèce ne rentre pas dans le domaine interdit de la méthode de traitement médical-La question de savoir si le brevet contient une invention au sens de l'art. 2 soulève la question de l'utilité-La détermination de l'utilité est une question de fait, que la Cour tranche en fonction de personnes ayant les compétences techniques requises-Suivant le droit canadien des brevets, l'inventeur doit donner à son idée une forme définie et pratique pour qu'il y ait invention-La doctrine de la prédiction valable ne s'applique pas en l'espèce et, partant, elle ne permet pas de décider si les revendications vont au-delà de ce qui a été inventé à la date alléguée de l'invention-Après avoir examiné les preuves associées à la découverte de l'utilité alléguée de l'AZT, la Cour n'est pas convaincue qu'au 6 février 1984, les inventeurs avaient découvert cette nouvelle utilité-On ne disposait pas d'assez de preuves à l'époque pour comprendre comment le composé serait absorbé par une cellule humaine ou utilisé dans l'organisme humain-La conception que Glaxo s'était faite, au 6 février 1985, ne différait en rien d'une théorie, d'une idée ou d'une croyance-Glaxo n'avait pas, à l'époque, déduit l'invention au complet-Les scientifiques ne comprenaient pas les aspects critiques de la maladie ou sa pathogénèse, non plus que le lien direct existant entre les résultats in vitro et la manifestation clinique de la maladie-Malgré ce qui a été présenté par écrit, l'invention revendiquée n'avait donc pas été réalisée au 6 février 1985, étant donné qu'à cette date, les revendications allaient au-delà de l'invention-Toutefois, au 16 mars 1985, les revendications répondaient, sous réserve du critère de l'évidence, aux exigences de l'art. 2 de la Loi et elles n'allaient pas au-delà de l'invention alléguée-L'idée, l'hypothèse ou la théorie avait, à cette date, pris une forme définie et pratique-Auteur de l'invention-A&N ne sont pas empêchées de soulever cette question par la doctrine de la fin de non-recevoir fondée sur la chose jugée (décision américaine sur ce point)-La procédure suivie était différente (requêtes visant à obtenir un jugement sommaire partiel rejetées au motif que la procédure sommaire n'était pas la voie indiquée pour trancher cette question), et tranchait nettement avec l'ensemble étoffé de témoignages de fait et d'opinion produits dans la présente instance-Les procès aux États-Unis portaient sur six brevets et la Cour n'est pas convaincue que le droit en matière d'auteur de l'invention soit identique au Canada et aux États-Unis-La question des coïnventeurs a trait essentiellement à la caractérisation et au rôle des chercheurs de l'extérieur-D'après la preuve, les inventeurs du brevet de l'AZT sont le Dr Ratite et Marty St. Clair, ainsi que les Drs Firman, Barra et Lehrman, les Drs Broder et Mitsuya (ces deux derniers n'étant pas nommés dans le brevet comme inventeurs)-Le fait de ne pas donner le nom des Drs Broder et Mitsuya comme coïnventeurs dans le brevet ne constitue pas une allégation importante ni, par conséquent, un moyen suffisant pour invalider le brevet suivant l'art. 53 de la Loi-Il n'y a pas eu pétition fausse ou trompeuse en ce qui concerne l'auteur de l'invention en l'espèce-Les tribunaux devraient chercher à protéger les droits des inventeurs véritables et les erreurs innocentes sur l'auteur de l'invention ne devraient pas suffire à renverser la présomption de validité du brevet-L'invention de l'usage de l'AZT pour le traitement de l'infection à VIH a été le fruit des efforts conjoints d'un grand nombre d'éminents chercheurs-Le travail accompli par les chercheurs de Glaxo a été un élément capital de l'invention-Évidence-Les réalisations antérieures, prises individuellement ou collectivement, n'auraient pas permis à un technicien compétent mais dépourvu d'imagination de réaliser l'invention sans expérimentations excessives-Les revendications peuvent être invalides lorsqu'elles sont plus vastes que l'invention réellement faite ou que l'invention décrite dans le mémoire descriptif-L'invention correspondant aux revendications portant sur l'utilisation de l'AZT dans le traitement et la prophylaxie du SIDA/VIH a été faite par les inventeurs nommés-L'interprétation des revendications est fonction des faits-Il faut lire les revendications et la divulgation comme un tout-La formulation pharmaceutique contenant de l'AZT avec un véhicule fournit un moyen d'administrer le médicament dans un but thérapeutique et la revendication 1 n'est donc pas trop vaste-Les revendications en matière de prophylaxie ne sont ni plus vastes que l'invention réalisée ni plus vastes que l'invention divulguée-Les revendications relatives au traitement ou à la prophylaxie de toutes les infections rétrovirales humaines sont trop vastes-Elles n'ont pas la même portée que l'invention et elles sont spéculatives-L'expression «infection liée au SIDA» est ambiguë: il peut s'agir soit d'une infection opportuniste atteignant des personnes infectées par le VIH, soit d'une infection à VIH-Toutefois, l'AZT traite directement l'infection à VIH, et il n'y a rien dans la divulgation ni dans les revendications qui porte à croire que le médicament aidera à traiter les infections opportunistes associées à la maladie-L'expression «quantité efficace» n'est pas ambiguë: elle suffirait pour permettre à une personne versée dans l'art ou la science en cause de déterminer la dose qui convient, sans avoir à mener plus loin l'activité inventive-L'expression «concentration plasmatique de pointe à l'administration» n'est pas ambiguë-L'expression «dose unitaire» n'est pas ambiguë-Le terme «3'-azido-3'-désoxythymidine» n'est ni trop vaste ni ambigu-En ce qui a trait à la contrefaçon, la question est de savoir si Glaxo Wellcome Inc. (GWI) a le droit d'engager l'action-Aucune licence écrite n'a été produite pour établir la qualité de licenciée-Il n'existe pas de licence implicite en raison de la relation société mère-filiale en l'espèce-Toutefois, GWI détenait une licence implicite qui remontait à la titulaire du brevet au Canada du fait des pratiques concernant la concession de licences implicites au sein du groupe de sociétés contrôlé par Glaxo Wellcome plc-Wellcome Foundation Limited, à titre de titulaire du brevet, a qualité pour agir selon l'art. 55 de la Loi-De plus, Glaxo Wellcome Inc. a droit à réparation pour contrefaçon de brevet en qualité de personne se réclamant du titulaire du brevet selon l'art. 55 de la Loi-Il incombe à Glaxo d'établir la preuve de la contrefaçon suivant la prépondérance des probabilités-La question de la contrefaçon de brevet est une question mixte de fait et de droit-Contrefaçon de 28 revendications; non-contrefaçon de 16 revendications-Le redressement opportun consiste en dommages-intérêts et non en la restitution des bénéfices-Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), ch. P-2, art. 2, 45 (mod. par L.C. 1993, ch. 15, art. 42), 53, 55 (mod., idem, art. 48).

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